Start up à succès : iQSpot, le relais énergie


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Start up à succès : iQSpot, le relais énergie

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Temps de lecture 9 min

Publication PUBLIÉ LE 04/12/2016 PAR Romain Béteille

Avez-vous déjà froncé les sourcils sur une facture d’électricité et d’eau un brin trop élevée par rapport à l’idée que vous vous faisiez de votre consommation ? Au moment où les besoins en énergie augmentent sans cesse et où son économie est devenue un sujet de société et de représentation politique, il serait malvenu de dire que les dépenses en énergie d’un pays comme la France sont uniquement dûes à celles faites par les particuliers. Le Grenelle de l’Environnement, lui, envisageait une consommation nationale d’énergie en baisse de 17% à l’horizon 2020. Mais derrière cette idée altruiste, c’est l’occasion pour tout un tas d’entreprises du domaine de développer une stratégie commerciale. On appellera ça le « business de l’énergie », et il est florissant. Si les institutions publiques ont su assez tôt prendre leur part de l’affaire, les start-ups ne sont pas en reste. La jeune entreprise iQSpot fait partie des petites dernières. Elle a été fondée en janvier 2015 par trois hommes. Julien Bruneau est l’un deux. 

Il nous reçoit dans les locaux où l’entreprise est hébergée depuis septembre 2015 et que ses sept membres vont bientôt quitter : le Parc de l’intelligence environnementale Newton, situé à Bègles. En jetant un coup d’oeil dans les coins, on voit que les capteurs utilisés par son entreprise sont partout. Pour résumer en quelques mots iQSpot, nous dirons ceci : il s’agit d’un logiciel sous la forme d’un site internet par abonnement permettant aux occupants où aux personnes qui exploitent un bâtiment d’en suivre la consommation énergétique et le confort en temps réel. « En gros, on va fournir du logiciel pour permettre un suivi de l’énergie (électricité, eau et gaz) d’un bâtiment, détecter les anomalies de consommation. On combine ça avec des informations liées au confort (température, humidité, CO2 et bruits) ». Voilà pour le pitch. Pour en savoir un peu plus sur celui qui est en train de nous le donner, il faut dresser le portrait d’un élève dans le genre assidu. 

Des bons côtés de l’opportunisme

Mention « très bien » au BAC scientifique, deuxième de sa promotion à l’Inserm, Julien Bruneau est un premier de la classe. Adepte du tennis de table pendant ses années collège, il aime encore aujourd’hui taquiner la raquette en niveau national à Talence. Derrière son cursus, un long chemin qui l’a conduit à monter sa propre entreprise dans le domaine des énergies et de la technologie. Ingénieur en télécommunication, il est assez tôt attiré par l’informatique et la programmation, son père professeur de Techno se chargeant de faire le reste. Julien double le tout d’un master de recherche à l’Université de Bordeaux, et c’est dans les murs de l’Inria qu’il réalisera son stage de fin d’études. « J’étais dans une équipe de recherche qui travaillait autour de la simulation d’un système domotique d’objets connectés dans un bâtiment, en développant un outil qui pourrait marcher dans n’importe quel bâtiment ». Le squelette d’iQSpot commence lentement à se dessiner, Thalès finance sa thèse, lui permettant « d’explorer le côté recherche tout en mettant un pied dans le monde industriel ». 

Pour Julien, l’entreprise n’est pas une vocation. Jeune, il navigue un peu dans un brouillard vague et s’oriente aux lumières lointaines. « J’ai des intérêts particuliers, mais je n’ai jamais vraiment su ce que je voulais faire, je marche plutôt aux opportunités qui se présentent », dira-t-il en écho. « Je ne savais pas si je voulais terminer dans un seul de ces deux mondes, j’ai donc choisi une option entre les deux qui me permettait de laisser des portes ouvertes des deux côtés. Ca a duré trois ans et demi et ça m’a permis de voir que je ne voulais pas forcément m’implanter dans la recherche ni dans un grand groupe à long terme. A la fin de cette thèse, un poste d’ingénieur-transfert s’est ouvert à l’Inria, ça me permettait d’aller un peu plus loin dans cette thématique des objects connectés ». Adapter la technologie au monde réel, c’est là le leitmotiv de ces quelques années de recherche durant lesquelles il rencontrera de nombreux acteurs du secteur entrepreneurial. C’est aussi pendant cette période qu’il rencontre un pote de thèse, Quentin Enard, aujourd’hui directeur technique de l’entreprise. Le Manceau pousse les portes d’un incubateur, « Le Camping Toulouse », pour y déposer ses valises quelques jours par semaine. 

De l’idée aux faits

« Ce qui était intéressant dans ce programme, c’est qu’on était au tout début de la création de start-ups, ça permettait de découvrir ce nouveau monde de l’internet des objets que je ne connaissais pas du tout mais qui était foisonnant avec plein de nouvelles entreprises qui se créaient et de défis techniques ». Ce n’est pas un secret : dans ce secteur, tout est affaire de réseaux, y compris les contacts. Dans son carnet d’adresses, Julien y inscrira celui de Ludovic Le Moan, actuel PDG de Sigfox, opérateur télécom de l’internet des objets, entreprise florissante ayant effectué sa cinquième levée de fonds en novembre dernier d’un montant de… 150 millions d’euros. Pour Julien et Quentin, le programme durera neuf mois et permettra, « à la fin, de tester un peu l’embryon de start-up qui émergeait dans un concours de BPI France (avec pour thème les technologies innovantes) dont on a été lauréats mi 2013. Les 40 000 euros de subventions ont permis de lancer des études de marché en 2014 et d’affiner le projet en le dirigeant dans le secteur du bâtiment. On avait une vision très naïve du marché mais il y avait quand même déjà un projet, une idée directrice ».

Cette idée va vite se transformer en réalité. Pourquoi se lancer dans l’aventure ? En naviguant à vue, on ne peut que trouver de nouveaux ports. « J’étais entouré de start-ups. Dans cette atmosphère, on dédramatise un peu le truc : « plein d’autres le font déjà, pourquoi pas nous » ? Et puis j’étais dans une phase de ma vie professionnelle et personnelle qui permettait de se lancer en prenant des risques limités ». Risques limités mais risques quand même. Sous la houlette d’une troisième tête, Yann Guiomar, PDG de l’entreprise de technologies capteurs et de big data Sensing Labs, iQSpot se lance, mais dans un secteur bien particulier. En effet, l’habitant d’un pavillon ordinaire ne bénéficiera probablement jamais de ses services, car sa clientèle est stratégique. « On travaille sur un parc de bâtiments déjà existants et dans le secteur tertiaire, pour des professionnels, des entreprises ou des collectivités ».

Une clientèle cible

Quand on lui demande pourquoi cette spécificité, Julien ne s’embarasse de rien. « Ca marcherait aussi sur du neuf, mais pour une jeune entreprise comme la nôtre, mieux vaut se placer sur un parc déjà installé. Il bénéficie d’un cycle de décision beaucoup plus court, quelques semaines à peine. Le fait de faire ça sur du neuf rendrait la chose plus longue, ça devrait être intégré dans une réponse d’appel d’offre, sélectionné, il faut que le bâtiment soit construit. En plus, on serait en concurrence avec tous les gros du secteur qui travaillent sur la gestion technique du bâtiment. Et puis c’est là ou les directives européennes sont les plus fortes, les perspectives de développement du marché les plus importantes et où les gens sont prêts à payer ». Le levier choisi est donc le business, mais la finance n’est pas le seul leitmotiv. « Chaque année, 1% du parc de bâtiments est renouvelé, il reste donc 99% d’ancien chaque année. C’est cet existant là qui est hyper consommateur en énergie comparé aux nouveaux bâtiments et à la nouvelle règlementation fixée à moins de 50kw d’énergie primaire par m2 par an. Les foncières immobilières avec qui l’on travaille sont à 350kw, soit sept fois plus que ce qui sort sur le marché. Si on peut aider un peu à diminuer ça en ciblant les plus gros consommateurs, c’est bien pour l’environnement et pour notre marché ».

iQSpot a également pour projet de travailler avec des bailleurs sociaux sur de grosses résidences. Ils ont ainsi équipé du logiciel et de capteurs (fournis par des entreprises françaises spécialisées) des bâtiments appartenant au groupe Poste Immo, à Libourne et Poitiers mais également des bâtiments appartenant à ces deux communautés d’agglomération. Elle installera dans quelques jours sa technologie dans une co-propriété du groupe Pichet à Eysines. L’entreprise est visiblement assez soutenue. D’abord financièrement : en plus des 40 000 euros de la BPI, on compte aussi 20 000 euros d’aides de la Région Aquitaine pour l’intégration au sein de l’IRA (Incubateur Région Aquitaine) jusqu’à mi-2015, une première levée de fonds de 300 000 euros auprès d’un fond d’investissement, une aide de 200 000 euros de la BPI pour développer son secteur recherche et développement, une aide au développement commercial par la BNP du même montant et une prochaine levée du même ordre de grandeur déjà programmé pour l’année 2017.

Le paravent écolo 

Mais à part mesurer des critères énergétiques, iQSpot délivre-t-elle une solution pour réduire la consommation des bâtiments ? Pas vraiment, l’entreprise se positionne davantage comme une première étape permettant d’éviter les suprises de facturation. « Le but pour nous, c’est d’aider nos clients (une quinzaine à l’heure actuelle) à comprendre la gestion technique d’un bâtiment et prévoir éventuellement des travaux à réaliser en les priorisant. C’est un premier diagnostic ». Une sorte de cercle vertueux, en quelque sorte. Quant-à l’impact écologique de son action, Julien Bruneau ne dresse pas le drapeau vert à la première occasion. Visiblement, son pragmatisme l’en empêche. « Les gens que l’on a en face, c’est plutôt le côté financier qui les intéresse. Si on peut avoir un impact sur l’environnement, c’est mieux mais ce n’est pas sur la fibre écologique qu’ils vont prendre leurs décisions. Je pense que ça va changer, il y a de plus en plus de directions RSE où l’impact écologique est une vraie métrique suivie que l’on essaye de diminuer. Il peut y avoir des décisions d’achat motivées par l’aspect écologique mais pour l’instant c’est un truc de grands groupes, et encore, pas tous ».

Pour autant, iQSpot essaye de fournir sa part sur ce qui fait son beurre. « On essaye d’utiliser les données que l’on capte dans le bâtiment pour sensibiliser et inciter les occupants aux éco-gestes, même si pour l’instant, ce n’est pas ce que l’on vend dans un premier temps. Les collectivités ont souvent un budget serré et cherchent à descendre leur coût d’exploitation, et les foncières immobilières sont dirigées par les financiers ». La surface moyenne des bâtiments couverts pas l’entreprise ? Environ 730 mètres carrés, avec des variantes. L’économie d’énergie à cette échelle, elle, semble bien réelle. « En termes de coût, on représente environ 5% de leur facture énergétique sur le bâti existant avec de grosses anomalies de consommation sur lesquelles on peut rapidement atteindre 10 à 15% d’économie. Un mois après l’installation sur le compteur eau de notre outil dans le premier site que l’on a équipé, on a détecté que l’agriculteur d’à côté s’était branché sur leur réseau d’eau et consommait cinq fois plus… ». Ce qui est arrivé au chapardeur, en revanche, ne rentre pas dans le contrat. 

Futur simple

Reste que le processus fourni par iQSpot est très rapide : les capteurs sur site sont déployés en à peine plus d’une heure et seules une à deux semaines s’écoulent entre l’accord initial et la mise en place. Lauréate du programme French IoT, l’entreprise était dernièrement représentée dans la délégation française du CES de Las Vegas, grand-messe de l’innovation électronique et technologique grand public. Ses prochains objectifs sont clairs : le développement commercial, et elle ne se refuse pas de grandir en dehors des murs de la métropole. Ses ingénieurs travaillent sur du machine-learning, ou comment « mesurer l’usage d’un bâtiment en corrélant ça avec les indicateurs d’énergie déjà fournis ». En janvier prochain, ils feront partie de la première promotion bordelaise du Village du Crédit Agricole, une direction là encore stratégique leur permettant d’avoir « accès à de grands groupes », leur principal coeur de cible. Au final, iQSpot est comme une partie de ping-pong : elle a une vision relativement restreinte de sa cible, mais la rapidité reste son principal atout. Enfin, ça, c’est si on veut vraiment faire un parallèle entre la start-up de Julien et sa passion. Mais au vu du futur qu’il imagine, le tournoi n’en est qu’aux phases qualificatives. 

Start up à succès : iQSpot, le relais énergie from Aquipresse on Vimeo.

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