En marge des tragiques évènements qui se sont déroulés hier à Tunis, la liberté d’expression est revenu par l’intermédiaire du dessin de presse, principal thème de la 26ème semaine de la presse et des médias dans les écoles. En marge d’une exposition des dessins de presse à l’occasion des 70 ans du journal Sud-Ouest, l’Hôtel de région a convié une plénière de lycéens à la rencontre du dessinateur Urbs, dans le but avoué de « sensibiliser les jeunes et tenter d’offrir des réponses après les évènements de janvier ». Pour lui donner la parole, la journaliste Odile Conseil, ancienne de l’hebdomadaire Courrier International et spécialiste des dessins de presse, qui n’a pas manqué de revenir sur l’actualité de ces derniers mois. Urbs, par ailleurs ami de Luz, dessinateur pour Charlie Hebdo, a ainsi tenu à mettre les choses au clair dès le début sur les différents symboles qu’on attribue à ces maniaques du feutre et de la vanne « sniper ». « Nous ne sommes pas des défenseurs de la liberté d’expression. On est là pour faire des Mickeys, faire des trucs de crétin. Même si on commente l’actualité de manière différente, l’imaginaire des dessinateurs est assez semblable », a notamment déclaré le dessinateur.
Des menaces ? Quelles menaces ?
« On fonctionne souvent sur des trucs complètement idiots, des clichés. Quand un truc se passe en Suède, on pense toujours à Ikéa en premier. Parce qu’on aime tirer l’info sur une idée vraiment débile ». Ainsi, les jeunes étudiants présents dans la salle ont pu découvrir, à travers un panel de dessins venus du monde entier, les différents styles adoptés dans la presse, de la caricature à l’illustration en passant par le genre favori de Urbs : le dessin éditorial. « J’ai un peu de mal avec le dessin symbolique, même s’il est compréhensible pas plein de gens, ça ne me fait pas rire. J’ai de toute façon du mal avec les dessins objectifs en général. Pour moi, le meilleur dessinateur de presse actuel, c’est Bansky ». La notion d’interdit, rappellée à travers les condamnations de certains dessinateurs célèbres, s’est aussi invité dans le débat. Urbs, lui, n’a pas vraiment de limite. « En général, les dessins qui sont refusés sont affichés dans notre bureau. Ceux que l’on ne me valide pas, de toute façon, je les mets sur facebook… J’ai quand même reçu 10 menaces de morts en 10 ans. Le lendemain de la publication d’un dessin que j’avais fait après la parution du numéro spécial de Charlie Hebdo (rappelez vous, ce fameux numéro tiré à plusieurs millions d’exemplaires), j’ai reçu une lettre de menace. Au dos de l’enveloppe, le type avait mis son nom et son adresse ! » confie Urbs, hilare. « Une autre fois, après un dessin sur les bonnets rouges, j’ai reçu un mail qui m’annonçait que j’étais interdit en Bretagne. Ca m’a fait marrer d’imaginer les contrôles à la frontière bretonne… », avoue Urbs, ajoutant « comme quoi dans le dessin de presse, le con est toujours surprenant… »
Toujours le mot pour rire
En quelques mots, il a également évoqué son pire cauchemard : avoir à réagir en quelques minutes sur un évènement qui se déroule juste avant le bouclage. C’est ce qui s’est produit lors de l’assassinat d’Hervé Gourdel. Heureusement, selon le dessinateur, comme toujours très ironique, « heureusement que les copains de Charlie Hebdo ont eu la bonne idée de mourir le matin, on a eu le temps de dessiner pour le soir… ». Urbs n’est pas qu’un dessinateur de presse, il est aussi un libraire, l’un des gérants de « La Mauvaise Réputation » à Bordeaux, une librairie-galerie qui met en avant des oeuvres ou des ouvrages un peu underground. Il intervient aussi souvent dans des débats politiques, parce que, dit-il, « ‘j’adore me foutre de la gueule des gens qui sont là, d’autant plus quand je suis payé pour ça ». Son dessin est un peu particulier : des personnages aux nez aussi longs que des becs d’oiseaux, inspirés « de l’art brut, notamment du musée de la création franche de Bègles. Je voulais à tout prix me séparer de Reiser, l’une de mes principales inspirations ». Au cours de cette séance riche en anecdotes et en dessins « forts en gueule », les étudiants ont aussi pu participer, via un exercice donné par l’animatrice du débat. Quelques talents se sont ainsi révélés. Un bon moyen pour eux de voir qu’un dessin, c’est aussi une idée, et de découvrir ce sniper de la presse, « parfois pertinent mais toujours impertinent ».