Pont de pierre: fermeture et conséquences


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Pont de pierre: fermeture et conséquences

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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 25/07/2017 PAR Romain Béteille

Regardez les passer, c’est peut-être la (ou les) dernière fois que vous les verrez. Elles, ce sont les quelques 15 000 voitures qui franchissent chaque jour le pont de pierre, à Bordeaux. La métropole l’a annoncé depuis déjà un moment, mais l’expérimentation de deux mois visant à réserver le franchissement de l’édifice aux piétons, cyclistes et transports en commun (tramway, bus) sera bien effective à compter du 1er août et jusqu’au 30 septembre prochain. Ce premier test pourrait être prolongé ou conduire à une fermeture définitive, dans le but, selon le discours officiel de la métropole, d' »améliorer l’accessibilité au centre ville et de lutter contre la pollution de l’air ». Elle s’appuie sur des proportions importantes concernant l’accessibilité en centre-ville, précisant que sur la file de trois mètres de large du pont, il est possible « de faire passer six fois plus de personnes en mode doux ou en transports en commun qu’en voiture ». 

Un coup pour l’exemple

Concrètement, la métropole espère évidemment un important report modal vers les transports en commun ou le vélo, en sachant que la ligne 45 reliant les deux rives par le pont va bénéficier d’un gain de temps « d’au moins huit minutes en heure de pointe », ce qui pourrait permettre aux usagers du tramway, souvent saturé, de pouvoir monter dans un bus pour alléger un peu. Pour Michel Duchène, vice-président de Bordeaux Métropole en charge des grands projets d’aménagement urbains, « il fallait prendre une décision politique forte, elle est désormais prise. Ce qu’on voulait, c’était donner un signal aux automobilistes pour préserver le centre-ville de cette pollution. Le choix d’avoir mis près de quatre-ving hectares en contrôle d’accès a permis de renforcer l’attractivité touristique et commerciale. Cela ne part pas d’une volonté de nuire ou de créer des problèmes, mais de l’objectif de faire du centre-ville un quartier résidentiel ». Évidemment, l’argument écologique est tout assumé dans un contexte où le Conseil d’État tape du poing sur la table au niveau national (à l’appel d’une ONG) en « enjoignant au premier ministre et au ministre chargé de l’environnement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que soit élaboré et mis en oeuvre un plan relatif à la qualité de l’air permettant de ramener les concentrations en dioxyde d’azote et en particules fines sous les valeurs limites », plan qui doit, selon la juridicition administrative, être transmis à la Commission européenne avant le 31 mars 2018. « Nous avons décidé de prendre des mesures radicales de notre côté », justifie Michel Duchène. 

Les conséquences sur le trafic

Moins de pollution, à la fois sonores et atmosphériques, c’est bien le but de départ. « Cela fait partie d’une dynamique politique et urbaine des années 95-2000. On ne s’est pas trompé sur les quais, on se trompe pas non plus sur le pont de pierre », souligne enfin le conseiller municipal. La question évidente reste donc : comment faire pour compenser cette fermeture pour les automobilistes ? Si les sociétés de GPS sont déjà prévenues du changement d’itinéraire et l’amende déjà fixée (135 euros d’amende et 4 points en moins sur votre permis, au même régime qu’une circulation en sens interdit), les responsables de la métropole ont ce mardi détaillé les mesures précises qui seront prises à compter du 1er août. La voie de circulation de droite sur le pont sera donc, comme annoncée, réservée aux vélos, bus, taxis et véhicules de secours dans les deux sens. Sur l’avenue Thiers, la file de droite du sens entrant sera transformée en couloir à bus et vélos, permettant de « libérer la piste cyclable ». Un itinéraire de substitution sera établi pour les automobilistes venant de la rive droite. Ils devront désormais passer par le boulevard Joliot-Curie, le pont Saint-Jean, les quais Sainte-Croix, de la Monnaie, des Salinières avant de rallier le cours Victor Hugo. 

Ils pourront aussi passer par le Pont Chaban-Delmas. Là, une question se pose : que faire lorsque les deux pont seront innacessibles (l’un fermé, l’autre levé) ? Sébastien Dabadie, adjoint de la métropole en charge des transports, a la réponse, même s’il souligne que « c’est une inquiétude qu’on peut avoir. En définitive, quand le pont Chaban se lève, très peu de trafic se reporte sur le Pont de pierre, cela fonctionne plutôt avec le Pont d’Aquitaine, donc ça ne devrait pas aggraver la situation. Cela dit, on en tient compte dans l’opération, un travail a été fait notamment avec la capitainerie et les services exploitant le pont pour limiter au maximum les durées de fermeture et éviter qu’il soit levé aux heures de pointe. Les durées de fermeture ont déjà diminué d’environ une heure par rapport à l’année dernière ». Ce travail pour réduire les levées de pont fait en effet partie des aménagements qui ont déjà été réalisés pour préparer le terrain, auxquels on peut ajouter notamment la suppression d’un goulot d’étranglement sur le boulevard Joliot-Curie ou des temps de feux rouges réadaptés pour les voitures venant du couloir nord. Des panneaux d’information seront positionnés dans des secteurs précis (cours d’Albret, rue de Cursol, cours Victor Hugo, avenue Carnot, avenue Thiers et à proximité des ponts) et les itinéraires de substitution jalonnés. 

Vers une vignette anti-pollution

Soulignons que cette période ne doit rien au hasard : la remontée progressive du trafic en septembre permettra de rendre le suivi plus efficient. « On suivra les évolutions des temps de parcours pour vérifier qu’ils n’augmentent pas trop, c’est ce qui permettra d’arbitrer sur la poursuite ou non de l’expérimentation. Nos projections nous font déjà penser qu’on ne va pas reporter de la congestion sur les itinéraires alternatifs, d’autant que des mesures ont été prises pour qu’ils puissent accepter un trafic supplémentaire. La circulation supplémentaire sera de toute façon assez réduite », assure Sébastien Dabadie. Les impacts sur la qualité de l’air et le trafic automobile (de façon quotidienne pour ce dernier) seront également mesurés, de même que l’évolution des déplacements de cyclistes et des piétons pour lesquels des enquêtes seront réalisées en septembre. Les statistiques permettent en tout cas déjà d’espérer un impact limité. En effet, selon des données de la métropole, le pont de pierre ne représente plus que 5% des franchissements automobiles quotidiens de la Garonne contre 73% pour les vélos, et deux tiers des usagers utilisent aujourd’hui des transports « alternatifs ». Plus signifiant encore, entre 2012 et 2015, la circulation automobile est passée de 21 000 à 15 000 par jour. Enfin, une enquête réalisée en mai 2016 a permis d’affirmer que 33% des automobilistes qui transitent par le pont de pierre viennent d’une commune située en dehors de la métropole, ce qui contredit le fait que 60% des déplacements de moins de deux kilomètres sont encore réalisés en voiture.

Et visiblement, la métropole bordelaise ne compte pas s’arrêter en si bon chemin : alors qu’en janvier dernier, la première « zone à circulation restreinte » voyait le jour à Paris, Bordeaux pourrait y avoir recours dès l’année prochaine. Ce système de vignettes obligatoires pour circuler en voiture privilégiant les véhicules les plus récents (et donc les moins polluants) en serait même à sa « phase terminale » selon Michel Duchène. « On arrive à la fin de la première phase de concertation, on espère mettre le système en place courant 2018 et attaquer la verbalisation à la fin de cette même année. On veut y aller progressivement, et la fermeture du pont de pierre est un bon préalable. La métropole attend sûrement que le dossier avance concernant cette « prime à l’achat de véhicules d’occasion moins polluants » annoncée par Nicolas Hulot et figurant dans les promesses de campagne d’Emmanuel Macron (six mille euros pour l’achat d’un véhicule électrique neuf plus 4000 euros si ce dernier remplace un diesel immatriculé avant le 1er janvier 2006 et 1000 euros de bonus pour l’achat d’une voiture hybride rechargeable neuve plus 2500 euros pour l’abandon d’un diesel). Histoire d’éviter, peut-être, une levée de boucliers ou, tout simplement, de surfer sur une vague nationale… 

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