Nouvelle-Aquitaine : une « Journée de l’économie » en quête de sens


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Nouvelle-Aquitaine : une "Journée de l'économie" en quête de sens

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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 23/09/2019 PAR Romain Béteille

En duplex entre Bordeaux, Tulle et La Rochelle, ce temps d’échanges et de débats organisé par les chambres consulaires et le Conseil régional était donc centré sur l’enjeu du sens et de l’engagement dans l’entreprise, à l’heure du paradoxe sans cesse évoqué par les responsables politiques entre les problèmes de recrutement et les chiffres du chômage. C’est d’ailleurs l’un des sujets réguliers du président de la région Nouvelle-Aquitaine (qui ne s’est récemment pas privé de dire tout le mal qu’il pensait de la réforme de la formation professionnelle), pour qui la réponse au thème de la journée était toute trouvée. « Nous sommes en train de constituer un fonds d’investissement dans les entreprises. Il est compliqué à monter, mais nous devons être à la hauteur des landers allemands pour accompagner nos propres entreprises. Le sens de ce qu’il s’y passe en interne est une des réponses à apporter au paradoxe chomâge/recrutement, l’autre étant de maintenir notre système de formations et le rendre plus important. En tant que responsables publics, nous n’avons peut-être pas assez changé. Certes, les entreprises ont répondu par un certain nombre d’engagements RSE mais la société dans laquelle on se trouve cherche d’abord à se sortir de l’isolement. Comment y répondre ? D’abord en travaillant ensemble. Il y a une relation entre public et privé à réinventer pour trouver une nouvelle façon de s’écouter et de se comprendre. La plupart des exploitations du bassin de pomiculture en Limousin est en train de muter, et elle le fait en lien avec l’ensemble de la profession. Dans l’agriculture aussi, il faut avoir un travail de recherche de sens filière après filière », a répondu l’élu régional dans son discours introductif.

Action volontaire

« Bien sûr que la pénibilité doit se reconnaître dans les conditions de travail. Ce qu’on essaie de faire avec le programme Usine du Futur, c’est justement de changer l’organisation hiérarchique et le bien-être des salariés au travail. À Bordes, Safran Helicopter Engines (ex Turbomeca) a doublé sa productivité en prenant part au programme. Aujourd’hui, 600 usines sont labellisées, nous souhaitons poursuivre cette réflexion, notamment en finançant en totalité le premier audit d’une entreprise décidant de ses nouveaux axes d’investissement et des programmes de formation qu’elle veut mettre en place. C’est un travail interne à l’entreprise, en mode coopératif, dans lequel les organisations professionnelles et syndicales se retrouvent autour de la transformation ». Des propos un peu contradictoires avec ceux de Martin Richer, expert et membre du conseil scientifique de la Maison du Management, pour qui « le sens n’est pas irrémédiablement un moteur de performance. Il ne se donne pas, il se façonne dans l’acte de travail, il se modèle au travers d’une culture managériale, il est cohérent avec le processus de l’entreprise, ce n’est pas simplement une décision d’en haut, il doit se construire au plus proche des parties prenantes. Il y a une opportunité fantastique donnée aux entreprises avec la loi PACTE. C’est une fusée à trois étages dans laquelle on veut essayer de reconcevoir la conception de l’entreprise. On ne peut plus dire qu’elle a pour objectif principal voire unique de maximiser l’actionnariat. Cet état de fait a une portée faible car n’engage pas à grand-chose. Avec la « raison d’être », chaque entreprise doit se questionner sur ses objectifs de long terme, sur la façon dont elle veut façonner le monde et la volonté qu’elle veut avoir. C’est un engagement public qui ne s’applique pas à tout le monde puisqu’il s’agit d’une action volontaire ». 

À entendre Jean-Pierre Denis, Président du groupe Arkéa (Crédit Mutuel), sa société (qui compte aujourd’hui environ 10 500 collaborateurs) fait partie des volontaires. Elle modifiera ses statuts pour prendre part, au printemps 2020, à cette nouvelle logique de la « raison d’être », et ce par différentes manières. « Nous avons fait émerger cette idée en nous engageant dans une démarche participative qui a impliqué 2000 personnes parce que nous pensions que c’était une autre façon de réfléchir et d’agir. Au-delà des engagements, on cherche à mesurer l’impact de ce que l’on fait, c’est l’enjeu de la méthodologie qui permettra de quantifier et de suivre nos progrès. Par exemple en inventant un crédit à impact, en fournissant un taux privilégié s’il accompagne des projets vertueux, notamment en terme environnemental. C’est une façon d’envisager la répartition de la valeur que l’on crée. On cherche à sortir de la logique « toujours plus de résultats » en accompagnant ceux qu’on identifie comme des précurseurs. Certaines entreprises ont envie de bouger, d’autres ferment les yeux. Au-delà des normes, notre niveau d’exigence est la meilleure des garanties ». « L’entreprise à mission », elle, est « encore plus impliquante selon Martin Richer, car elle va décliner sa stratégie en objectifs et se doter d’un comité qui validera ses implications. Elle n’aura pas un statut à part mais une qualité dont les entreprises pourront se prévaloir ». C’est le cas, par exemple, de la MAIF qui envisage de devenir une « entreprise à mission » en mai 2020. Pour Franck Carnero, « Chief Mission officer », l’engagement et le défi le plus fort correspondent à la volonté d’exigence par rapport à l’impact que l’on veut produire sur nos clients et salariés. 

L’agriculture pédagogue

Côté société agricole, sans doute au peu échaudés par l’agri-bashing et les responsabilités qui pèsent sur l’interprofession, on préfère jouer la carte de la pédagogie. C’est aussi l’un des fers de lance de Bordeaux Mécènes Solidaires, une fondation territoriale dont le rôle est d’être un « trait d’union entre les entreprises et les associations ». Sa chargée de développement, Sophie Perez, explique qu’il existe de nombreuses actions pour développer ce fameux « sens » tant recherché. « En organisant des Team Building solidaires d’abord. UCF (Union des Caisses de France) nous a par exemple demandé d’organiser une journée en équipe avec une association dans le secteur du bâtiment pour « faire » avec Fraveillance, qui facilite l’accès au logement à des familles monoparentales en difficulté. Il y a aussi du mécénat de compétences. L’entreprise Probox a par exemple accordé dix jours par an à ses salariés sur leur temps de travail pour aller dans des associations de leur choix. Ce n’est que deux exemples, il y en a de nombreux autres ».

En termes de témoignages dans le secteur agricole, la séquence en a choisi deux. Le premier, c’est la Coopérative Agricole Océalia basée à Cognac, en Charente. Elle est passée en quelques années de 150 à plus de 1000 salariés (et 7200 adhérents) au travers de fusions importantes, et est d’ailleurs en train de préparer la quatrième selon son directeur général, Thierry Lafaye. Avec une telle expansion, « la pédagogie fait évidemment partie des enjeux qui sont à la fois règlementaires, technologiques et environnementaux. Chaque année lors de l’assemblée générale, on va à la rencontre de nos adhérents pour leur expliquer le renouvellement de notre activité, la position de la coopérative ». Pour le Président de la Chambre d’Agriculture régionale, Dominique Graciet, « la dimension économique ne suffit plus, la valeur de nos produits ne suffit pas à rentabiliser l’exploitation. La dimension sociale que nécessite notre transformation n’est pas prise suffisamment en compte. Qu’est-ce qu’on entend par sens ? Une vision commune de tous les acteurs (chef d’exploitations ou salariés), les valeurs et sens moral qu’on lui donne ? la motivation collective ? Le sens se construit par l’attitude de chacun ». Le sens passera sans doute par la nécessité de faire « de vrais choix » dans le domaine, et ça tombe bien, ça a l’air d’être dans les plans de la mandature qui sera présenté à Limoges en novembre…

L’info en plus : vous pourrez prochainement revoir l’essentiel de cette seizième « Journée de l’Économie » sur le site www.journeedeleconomie.com.

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