« Je veux remercier Nicolas Florian pour sa contribution à promouvoir l’écologie comme le thème numéro un de son programme électoral. J’en tire deux conclusions (…) : notre retard en la matière est abyssal. Plus on parlera d’écologie, plus les électeurs se tourneront vers ceux qui en parlent avec sincérité et détermination depuis des années, et non vers des néo-prosélytes de circonstance. Il est vrai que jusqu’à présent nous prêchions dans le désert mais, comme le désert avance, on commence à être entendus », a ainsi débuté Pierre Hurmic, avec à ses côtés Emmanuelle Ajon pour porter les couleurs d’une union de la gauche, dans laquelle l’arrivée de Vincent Feltesse n’est « pas à l’ordre du jour. C’est une liste de rassemblement ouverte à tous. Beaucoup de propositions faites par Vincent Feltesse sont parfaitement compatibles avec les nôtres, il y a des affinités. Si des candidats sont dans la nature, ça tombe bien, nous sommes écologistes », a ironisé le candidat vert.
Sans dévoiler la teneur complète de sa liste, Pierre Hurmic compte rester sur les premiers indices qu’il a donnés en fin d’année, ceux visant à présenter 50% de candidat(e)s citoyen(ne)s « n’ayant jamais appartenu à un parti politique ». On a également appris qu’Emmanuelle Ajon serait en sixième position sur la future liste, quand la militante Camille Chopin assurera la seconde position. Au moment d’évoquer la concurrence, le candidat écologiste, au coude à coude avec Nicolas Florian dans les sondages, n’a pas été avare en formules : « ils veulent nous couper l’herbe sous le pied, ils n’y arriveront pas. Ils ignorent que le terreau qui fertilise nos convictions est plus fécond que le gazon artificiel qui supporte les leurs », a-t-il notamment scandé, critiquant par la même une « prise de conscience tardive. Je pourrai multiplier les exemples de projets proposés ces dernières années par les écologistes, ignorées, méprisées, ou violemment combattues, et qu’on voit aujourd’hui surgir de la besace programmatique du candidat Florian. Je ne leur fais aucune confiance pour appliquer demain une politique écologique qu’ils combattaient âprement hier ».
Contrôle et jardins
Pour ce qui est du programme en lui-même, il se décline autour de trois thématiques : « adapter la ville » (écologie), « renforcer les liens » (social) et oxygéner la démocratie ». Parmi les propositions sur lesquelles le candidat a insisté, on trouve une volonté de suivre les vœux de la préfète de Nouvelle-Aquitaine, Fabienne Buccio, qu’il interprète comme un « constat d’échec du pouvoir central », en « cessant toute artificialisation des sols. Seuls les sites déjà urbanisés seront constructibles ». Cela passera par une réécriture du Plan Local d’Urbanisme pour y intégrer la création d’îlots de fraîcheur, de jardins partagés (des idées déjà entendues mardi soir) mais aussi un concept arrivant tout droit des Pays-Bas, celui de microforêts urbaines « de 200 mètres carrés dans tous les quartiers ». Les promesses évoquent aussi une désimperméabilisation des sols, des rues et des écoles, un million d’euros par an dédié à la lutte contre la précarité énergétique ou encore une « nouvelle économie dédiée au fleuve », avec le développement des transports fluviaux pour les habitants mais aussi les vélos et les déchets. Sur ces derniers, Pierre Hurmic a évoqué la mise en place d’une redevance incitative.
Côté social, l’élu parle de la mise en place rapide d’un « service public municipal de l’habitat » pour assurer un contrôle pour les locataires et propriétaires, notamment par rapport à la location saisonnière, et accompagner les logements coopératifs et les baux réels solidaires, en envisageant qu’une structure municipale (un Organisme Foncier Solidaire) se porte garant du paiement des loyers des locataires les plus fragiles. « On souhaite aussi mobiliser les 11 000 logements vacants de Bordeaux et lutter contre l’habitat insalubre en instaurant une autorisation de louer ». Pierre Hurmic parle aussi de « quartiers apaisés », au travers desquels il faut comprendre une circulation de la voiture réduite et des équipements -squares, bancs, arbres, fontaines, boxes à vélos- dans certains quartiers qui serviront de « test ». On retrouve dans ces propositions l’idée d’une « carte » permettant de bénéficier de tarifs de services publics (transport, culture) « en fonction des revenus », autrement dit une tarification solidaire comme elle tarde à venir du côté du réseau TBM. « Je ne suis pas favorable à la gratuité des transports, d’abord parce qu’elle capterait beaucoup de gens qui d’ordinaire marchent à pied et ensuite parce que le réseau est déjà saturé. Ce système aurait une visée sociale et serait plus juste ». La lutte contre la pollution de l’air s’est aussi trouvée une petite place. La réponse au problème : au moins 50% de l’espace urbain consacré aux piétons et aux vélos, pour lesquels le « plan vélo » voté par la métropole serait alors multiplié par cinq en termes budgétaire, soit « 350 millions d’euros sur six ans ». Pour rappel, ce dernier représentait 70 millions d’euros sur la période 2017-2020.
Extrémisme VS Pragmatisme
Le dernier effort évoqué par Pierre Hurmic ce jeudi a été démocratique. « Il n’y a pas de climat de concertation, pas de participation dans cette ville. Nous avons imposé à Alain Juppé le budget participatif, ce n’était pas dans leurs gênes ». Pour les écologistes et la gauche bordelaise, ce budget devrait être multiplié par deux et de nouvelles propositions devraient tendre vers une participation accrue : « assises du pouvoir partagé » dans les mois suivant l’élection « pour se concerter sur la façon dont la ville pourrait être apaisée », inscription de questions et pétitions citoyennes à l’ordre du jour du conseil municipal « à partir de 4000 signatures », référendum d’initiative locale « pour les projets majeurs », « conseil citoyen du temps long » ou encore création d’un budget participatif dédié à chacun des quartiers de Bordeaux. Côté gauche, on assure qu’aucune concession n’a été faite sur les propositions formulées. « C’est une aventure commune. On n’a pas voulu faire de « primaire », ce qui est une grosse avancée. Nous n’avons pas non plus opéré un effacement de nos valeurs », a ainsi souligné Emmanuelle Ajon tout en insistant sur certains thèmes tels que l’équité territoriale, la sérénité urbaine et ses « brigades de sécurité territoriales », anticipant quelques absents notables des axes phares qui seront, l’assure Pierre Hurmic, présents dans le programme final, fiscalité, économie et sécurité en tête. Sur la première toutefois, la promesse passe par une absence de hausse, une « vision sobre » et un « audit » pour mesurer les réelles capacités financières de la ville.
L’opposant à Nicolas Florian a assuré qu’il « ferait tout pour casser ce système de cogestion à la métropole pour qu’elle ne soit plus un simple club de maires. Un vice-président à l’équilibre des territoires aurait du sens. La course à la ville attractive, c’est une fabrique à gilets jaunes ». Questionné sur « l’aspect coercitif » de son programme que la droite n’hésite pas à qualifier d' »extrémisme », le chef de file d’EELV à Bordeaux l’assure : « notre vision n’est pas punitive, elle est pragmatique ». Ce pragmatisme doit encore être mis à l’épreuve. Il le sera au travers de plusieurs réunions publiques programmées en janvier et février dans chacun des quartiers de Bordeaux, notamment un « forum de campagne » en guise de temps fort le 29 janvier prochain à l’Athénée Municipal.