Une alternative à la maison de retraite ou l’EHPAD en milieu rural. Voici concrètement ce que propose la société bordelaise Adisvie, lancée en février dernier. L’entreprise a racheté une maison à Moulon, dans le Libournais, pour la rénover et la transformer en colocation pour seniors. Précisions avec son président et fondateur Marc Riahi.
Proposer une colocation à des seniors, il fallait y penser. C’est ce que fait Marc Riahi, par le biais de sa société Adisvie, qui ouvrira d’ici novembre une maison partagée dans le village de Moulon. Une commune que l’homme connaît bien, puisque par le biais d’une autre entreprise spécialisée dans le bâtiment à vocation paramédicale, il a construit le pôle santé du village.
Le projet de maison partagée « Le Clos Gueyrosse », dont les travaux débutent aux alentours du 20 avril, accueillera une colocation de seniors. « Nous nous sommes rendus compte que l’habitat intergénérationnel ne marche pas si bien, quand il s’agit d’une petite dizaine de personnes. Dès qu’on multiplie les individus, cela devient vite compliqué en termes de rythme de vie. Une dizaine de personnes âgées qui cohabitent, c’est intéressant en termes de lien social et cela s’inscrit en plein dans la Silver Économie [économie des séniors, NDLR] », argumente Marc Riahi.
Ce format d’habitat, en colocation, est en général peu pratiqué par les personnes âgées, mais l’entrepreneur est convaincu de son succès. « Le rapport Piveteau Wolfrom sur l’habitat inclusif démontre qu’il faudrait créer 140 000 places d’hébergement de ce type en France », reprend le fondateur d’Adisvie. La notion même d’habitat inclusif est récente, puisqu’elle est apparue après les années 2010 dans un guide édité par la Direction générale de la cohésion sociale (ministère de la Santé et des Solidarités), avant d’être définie pour la première fois dans la loi Evolution du Logement (ELAN) de 2019.
Projet pilote
Adisvie vise uniquement un public de personnes âgées autonomes [sans pathologies lourdes nécessitant un accompagnement permanent, NDLR] pour intégrer cette colocation. « La première cause de mortalité chez les personnes âgées, c’est la solitude. On veut créer un cocon qui, à terme, deviendra familial », affirme Marc Riahi. Pour ce dernier, l’objectif est simple : rompre cette solitude et créer du lien social, dans un cadre de vie paisible. « Les colocataires ne seront pas laissés seuls pour autant : nous avons l’intention d’engager des aidants à 3/4 temps pour les assister dans les tâches ménagères et les achats alimentaires notamment », reprend l’entrepreneur.
Le projet du « Clos Gueyrosse », à Moulon est le premier de ce type mené par Adisvie. Un autre devrait être lancé prochainement à Créon, dans l’Entre-Deux-Mers. « À terme, nous voudrions ouvrir deux maisons partagées par an en Gironde », précise Marc Riahi. Pour la société, la création de la maison partagée de Moulon représente un investissement conséquent, environ 700 000 euros. « Nous ciblons le milieu rural parce que ce sont des espaces plus accessibles en termes de foncier. La seule contrainte que nous avons, c’est qu’il doit y avoir un minimum de services à proximité », reprend le fondateur d’Adisvie. La commune de Moulon, située à dix minutes de Libourne et trente de Bordeaux remplit tous les critères avec un pôle santé, une boulangerie, une épicerie et son petit marché hebdomadaire.
Déjà 40 candidatures
Outre la vie en communauté, le concept d’Adisvie se veut une alternative à la maison de retraite ou à l’EHPAD. « Nous proposons une maison, et non une institution, avec un reste à charge le plus faible possible », raconte Marc Riahi. Ainsi, les colocataires devraient débourser 1 500 euros par mois et par personne, achats alimentaires, charges et ménage compris. « Le montant est bien entendu déductible des différentes aides, type APL ou Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA). À titre de comparaison, la maison de retraite de Créon revient à 2 000 euros par mois, pour un EHPAD on approche des 3 000 euros », affirme l’entrepreneur. Ce dernier précise que le montant du loyer pourrait être moindre, si Adisvie bénéficiait de financements publics. « Nous n’avons pour le moment pas eu de réponse des acteurs institutionnels que nous avons sollicités », souligne-t-il.
Le Clos Gueyrosse n’est pas encore opérationnel – la fin des travaux est prévue pour novembre – qu’il fait déjà l’objet d’une quarantaine de candidatures.« C’est le signe que c’est un format voué à fonctionner, souligne Marc Riahi. Nous voudrions installer huit seniors dans la maison partagée, et à peu près autant dans une autre à Créon pour que nous soyons rentables ». Les candidats sont plutôt des bordelais, ou des salariés mutés souhaitant rester près de leurs parents. A terme, l’objectif de l’entreprise est de créer une quinzaine de chambres par an.