Du rock pour soigner les maux d’ados


Claude-Hélène Yvard
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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 03/02/2017 PAR Claude-Hélène Yvard

Ils sont six adolescents âgés entre 15 et 20 ans à participer tous les mardis à un atelier rock et musique proposé par le centre Abadie, le pôle adolescence aquitain du CHU de Bordeaux. Ces jeunes garçons et jeunes filles ont le point commun d’être des adolescents en souffrance, marqués par des parcours difficiles et des tentatives de suicide. Loin d’un atelier prétexte pour occuper ces jeunes malades, ils constituent un vrai groupe. il se réunit une fois par semaine. Equipés de matériel professionnel (guitares Fender et matériels de marque), ces ados très concentrés sur leurs instruments produisent par exemple une reprise qui déménage de « Stairway to heaven ». Ils ont même composé leur propre chanson baptisée « Let me go out ». Le 10 février, ils se produiront au Rocher Palmer de Cenon, dans le cadre de la manifestation O21 / s’orienter au XXIe siècle, un événement organisé par le journal le Monde.
Chaque mardi matin, le docteur Xavier Pommereau, qui dirige l’unité médico psychologique de l’adolescent arrive avec sa guitare sous le bras. Il est accompagné de sa collègue kinésithérapeute  qui s’est découvert une nouvelle passion pour la basse pour jouer avec ses jeunes patients. A la batterie, il y a Nathan*, un jeune collègien de 15 ans, qui a tenté de se pendre il y a quelques mois, qui a été sauvé de justesse par son père. Près de l’entrée, Héloise* chante magnifiquement. La jeune fille explique son parcours :  » cela fait plusieurs années que je suis suivie ici. J’avais un profond mal être. Mes parents qui avaient leurs propres difficultés n’ont rien vu, jusqu’au jour où j’ai pris plein de médicaments dans la pharmacie familiale. Les rendez vous avec les précédents psychiatres n’ont rien donné. A mon arrivée ici, je ne disais rien. Je n’arrivais pas à exprimer que ce que je ressentais, jusqu’au jour où le docteur Pommereau m’a proposé de participer à cet atelier. J’ai commencé à me sentir mieux. » Héloïse n’est pas guérie mais elle va mieux. Elève de terminale, elle s’est découverte une passion nouvelle pour la philosophie.  « A son arrivée, cette jeune fille était mutique. Aujourd’hui, elle chante magnifiquement bien et commence à s’ouvrir aux autres » commente Xavier Pommereau. 

De nouveaux adolescents de plus en plus jeunes


Cet atelier musical du centre Abadie est né, il y a presque cinq ans. Ce n’est pas le seul atelier proposé aux adolescents en souffrance : le vendredi, c’est cuisine, le mercredi, c’est la création de masques. « Ces ateliers font partie intégrante de la thérapie. Nous travaillons  avec eux en fonction de ce qui les intéresse et de leurs compétences ».  L’unité Médico-Psychologique de l’Adolescent et du Jeune Adulte (UMPAJA existe depuis 25 ans. « Ces dernières années, nous avons du complètement revoir nos méthodes pour soigner ces jeunes en souffrance, » explique le docteur Pommereau. Les équipes soignantes, pluridisciplinaires, s’impliquent dans tous les ateliers en fonction de leurs goûts. Chacun met la main à la pâte : soignants et malades.
Ces dix dernières années, le profil de ces jeunes a changé. Ils sont de plus en plus jeunes et ont entre 13 et 15 ans à leur première prise en charge par le service.  Ils ont subi des violences ou un événement dramatique va être le déclencheur d’un passage à l’acte (décès du père ou de la mère, séparation des parents). Une jeune fille sur trois a été victime de violence sexuelle, un garçon sur sept.  Tous ont la particularité d’être hypersensibles.

Besoin énorme de reconnaissance

Bon nombre sont des enfants intellectuellement précoces ou d’intelligence supérieure. Ils ont un sens aigu de la justice et l’égalité et un besoin énorme de reconnaissance. « Aujourd’hui, on est face à des adolescents nouveaux, qui ne fonctionnent pas comme les ados d’avant. L’entretien traditionnel du patient face à son psychiatre qui écoute, qui dit rien, cela ne marche plus. Les jeunes d’aujourd’hui font partie de la génération du numérique, du virtuel, de l’image. Nous avons du adapter nos supports thérapeutiques et changé nos méthodes pour rester dans le coup, d’où la création de ces ateliers, » détaille Xavier Pommereau. Les ateliers mis en place dans le cadre de l’hôpital de jour du centre Abadie les aident à aller mieux. Comme en témoigne, une autre jeune fille Amandine, 17 ans : « L’atelier musique m’aide tous les jours. C’est un moment de plaisir et il y a une bonne ambiance. » 

* Tous les prénoms ont été modifiés. 

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