Start-up à succès : quand Hopen se « project »


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Temps de lecture 8 min

Publication PUBLIÉ LE 30/09/2017 PAR Romain Béteille

 » Et avant, ils faisaient comment ? – Avant, ils ne faisaient pas ». On a eu beau chercher dans les moindres recoins, dans les silences comme dans les moments les plus chargés en paroles, rien d’autre. Oui, c’est sans doute la réponse qui résume le mieux ce que fait Nelly Meunier avec sa société Hopen Project. Née en juin 2015, cette start-up est à la frontière de plusieurs secteurs longtemps balisés et qui se regardaient dans les yeux sans vraiment se comprendre. Aujourd’hui ce n’est plus le cas : la silver-economie, la santé et le social sont intimement liés et quand on parle de l’un, on est obligé d’aborder l’autre à un moment de la conversation. Cette jeune trentenaire a l’aisance pour elle : elle a le style exigeant qui va avec le discours bien rôdé de l’ancienne étudiante en communication. Elle semble aussi un peu éparpillée, hyper-active des idées qu’elle transforme en business naissant. Tout a l’air bien cadré, carré, et souvent même un peu « bisounours » dans la manière dont elle parle de ses projets. Elle ne s’en cache pas. Pourtant, Hopen Project répond à une demande bien réelle, qui se résume en un concept n’ayant pas attendu les nouvelles technologies pour être un défi : le lien social et intergénérationnel. Installée au Village du Crédit Agricole d’Aquitaine, à Bordeaux, la jeune société est sur le point de subir une évolution capitale et de rentrer dans la cour de ceux qui font d’une idée un standard. C’est en tout cas son pari. On décortique les origines diverses et souvent improvisées d’une petite boîte qui monte.

Libre dans sa tête

Déjà, il faut savoir que l’esprit d’entreprise a bien souvent pour base celui de son fondateur. Dans le cas de celle-ci, ils sont trois : un ancien pote de lycée (Yoann), un développeur (Pierre) et Nelly, donc. Sauf erreur de notre part, on a quand même dans l’idée que c’est elle qui a pris la part la plus importante de sa création entre les mains. Bon, on mentirait un peu si on disait que son entourage proche n’y avait pas joué sa part. C’est par là qu’on commence, en disant que son père, alors membre d’une association (Aquitaine Destination) et qui touche sérieusement sa bille en informatique, est la personne qui lui a fait connaître l’idée de base d’Hopen Project. « Mon père est à l’origine du développement de cordon numérique. Il faisait partie d’une association à destination des enfants hospitalisés. Il y a dix ans, ils ont commencé à mettre en place une solution très artisanale qui permettait aux parents de voir leur enfant en néonatalité. C’était du système D, sans aucune technologie, c’était l’infirmière qui portait la tablette auprès de la maman… Il y a trois ans, on a décidé de transformer cette idée. Des fonds sont rentrés dans l’association, on s’est dit qu’on devrait apporter un vrai service et de la sécurité ». 

Nelly est une passionnée de voyage et n’aime pas trop rester immobile. « Je n’aime pas m’ennuyer. Il faut que ça bouge », dit-elle en souriant franchement. Ça explique pas mal de choses. Déjà, le fait qu’elle soit pro-américaine, en tout cas dans sa manière de voir le développement d’une entreprise. « Pour moi, la liberté d’entreprendre est plus forte là-bas. Il y a les mêmes barrières à l’entrée, mais il y a moins de réticences à se lancer. Les échecs sont d’avantage vus comme des récompenses ». Reste que quand on lui demande ce qu’elle voulait faire plus jeune, « chef d’entreprise » restera sa première et seule réponse. Une licence en Ecosse, un premier job à New York chez Danone puis chez Orange à Washington : Nelly suit son petit chemin à l’intérieur des grandes firmes histoire de se faire la main et, sans doute, de pouvoir réutiliser quelques méthodes. « L’ambition est toujours la même : comprendre, de l’intérieur, la culture et la mentalité américaine pour pouvoir construire quelque chose de solide ici ». Au moment où Hopen Project est sur le point de voir le jour, elle a déjà plusieurs autres essais à son actif : un réseau social de voyageurs (Wondrworld), une marque de vêtements qu’elle a réussi à vendre à l’Office de Tourisme et à Saint-Émilion, une association baptisée « Les Bordelais » (toujours active et comptant un peu plus de 8000 membres) pour « connecter les chercheurs d’emplois et les start-ups du digital ». 

Coffre aux trésors

Partis de cette base là, on peut aisément expliquer l’origine du concept d’Hopen Project : une entreprise ouverte, une sorte de box dans laquelle on retrouve différents concepts. Le premier, c’est donc cette idée de « Cordon Numérique ». « Ce sont des caméras qu’on a installées au dessus des couveuses des enfants qui naissent prématurément. Les parents ont une application mobile où ils peuvent recevoir des vidéos pour pouvoir suivre la vie de leurs enfants. C’est destiné à tous les parents qui travaillent, ceux qui sont éloignés du reste de la famille… c’est une alternative. On ne remplace pas le contact humain mais ça permet de soulager les familles ». Destiné uniquement au servicé néo-natalité des hôpitaux ? Pas vraiment, cela peut s’étendre « sur toute la pédiatrie, on n’a pas de limites pour l’étendre sur tous types de pathologies. On a commencé par ça parce que c’est le vrai besoin à ce jour », nous dit Nelly, comme pour ne fermer la porte à aucun autre route.

L’idée de base a évidemment du se confronter à une armée de contrôles, surtout qu’on ne rigole pas avec la sécurité des données. « On a soulevé toutes les barrières qu’il y avait à soulever : barrières juridiques, données de santé, ect. À partir du moment où les photos partent de l’hôpital, elles deviennent la propriété des familles. On était obligés de verrouiller juridiquement ». Aujourd’hui, environ 300 parents ont utilisé Cordon Numérique. Installé au CHU de Bordeaux en avril dernier au sein de l’Hôpital des enfants; la solution a visiblement fait ses preuves, et Hopen Project est actuellement en discussion avec un autre établissement bordelais. Coût de l’opération clé en main pour l’hôpital : 70 000 euros. Autrement dit, un marché limité pour une jeune entreprise qui démarre. Ça tombe bien, la deuxième idée, baptisée « Hopen Family », change radicalement de modèle. Bien qu’ayant été développée en parallèle, elle en est aujourd’hui à un tout autre stade. « Évidemment, je me suis dit que ça n’allait pas être le seul projet, d’où le nom de l’entreprise : j’avais anticipé qu’il y en aurait d’autres. Le lien entre tous ces projets, c’est essentiellement la connexion entre les générations. Apporter du bien-être par la technologie. Je ne suis que là-dessus aujourd’hui, ce qui est étonnant… », commente Nelly en se permettant un sarcasme. 

De ce modèle un peu original (un don de mécénat associatif qui sert de financement de base à une société), Nelly Meunier a su faire un atout. Hopen Family est typique du projet pitché avant même d’avoir été physiquement créé. Construit juste sur un concept. Ce concept ressemble à l’heure actuelle à une clé HDMI en forme de coeur, de couleur verte et aux contours anguleux. À quoi sert-il ? Comment a-t-il été imaginé ? Il faut la jouer un peu plus perso pour le découvrir. « J’avais une grand-mère en maison de retraite. Toute ma famille était dispersée (mon frère était à Londres, ma soeur en Chine et moi à New York). On a créé un petit boîtier très artisanal pour qu’elle reçoive toutes nos photos sur la télévision. C’est devenu sa chaîne de télé préférée. On s’est rendu compte que les autres grands-mères de la maison de retraite avaient envie d’avoir la même chose. On a perdu notre grand-mère entre-temps, mais on s’est dit qu’il fallait qu’on développe cette idée pour elle. C’est un peu sentimental, mais il y a aussi un côté personnel derrière. Il nous fallait un modèle assez simple, réalisable, qui permette de se développer tout en ayant de la récurrence. Le modèle d’abonnement était le plus simple pour nous ». 

Dans le prochain épisode… 

Hopen Family est sur le point de passer de l’état d’ébauche à celle de réel objet commercialisé. Le système est simple, en apparence : rien de plus qu’un routeur qui va synchroniser l’envoi des photos sur la clé et diffuser son contenu sur la télévision, par le biais d’une application mobile dédiée. « Les professionnels de santé peuvent aussi envoyer des messages aux personnes de l’établissement, envoyer des photos de réunions, renouer le lien aussi au sein de l’établissement ». Hopen Family, actuellement en discussion pour être installé dans quatre Ehpad de Bordeaux, passera par un système d’abonnement (une clé à l’achat et un prix qui monte en fonction du nombre d’utilisateurs) et les applications en phase de finalisation. Entre temps, le projet est passé par une phase de crowdfunding (la société demandait 20 000 euros) un peu tuée dans l’oeuf. « On l’a stoppée parce qu’on passait trop de temps dessus pour la somme qu’on demandait. C’était une « erreur de parcours » qui nous a fait notre étude de marché en direct live. On a aussi repositionné notre offre, on a revu et simplifié la communication ».

On l’a dit, la communication est tout ce qui a permis au projet de dépasser le stade de simple ébauche. Et ça, on le doit aussi, un peu, à la manière de penser de la jeune entrepreneur. « Je suis pour ceux qui parlent de leur idée avant même qu’elle soit créée. Si on a peur de se la faire piquer, ça veut sûrement dire qu’on va moins vite et qu’on est moins bons que les autres. On a commencé à communiquer alors qu’on avait rien. Ça a été notre force. On a développé, installé et commencé à prouver que ça marchait vraiment. On arrivait au bon moment mais sans le vouloir. C’est un peu utopiste, mais c’est mon côté « american dream ». Actuellement, les six membres d’Hopen Project sont en pleine phase de levée de fonds : ils demandent 700 000 euros afin de pouvoir démarrer, en Chine, mais avec le soutien logistique d’une « grosse boîte » française, l’industrialisation de leur clé. Ils viennent de signer avec la polyclinique Bordeaux Nord (service des soins palliatifs) et Nelly de remporter un concours d’entrepreneuriat au féminin.

Aujourd’hui, la silver économie représente, en France, un marché de 92 milliards d’euros. Selon de récentes études, le nombre de personnes âgées de 85 ans et plus sera quasiment multiplié par quatre en 40 ans passant de 1,4 à 4,8 millions d’ici à 2050. Le marché est donc plus que porteur, surtout si on l’associe à de la technologie et à du digital. Et il n’est pas le seul lorgné par la petite société bordelaise : un peu laissé en jachère (pour une histoire d’appel d’offre), un concept permettant d’utiliser l’image lors des appels aux urgences reste pour l’instant dans les cartons. Entrée en février dernier au sein du Village by C.A, Nelly ne cache pas ses ambitions : pour elle, les États-Unis seraient une belle destination finale. Elle profitera de toute l’aide que l’incubateur peut lui apporter, y compris dans les bureaux parisiens et new-yorkais. Pour cultiver ce dérivé un peu hybride de l’american way of life à la française. Le French Dream ? « Je ne l’ai pas encore entendu. Je l’attends ». 

Start-up à succès : quand Hopen se « project » from Aquipresse on Vimeo.

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