Métropole : quand Mérignac calme le jeu


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Métropole : quand Mérignac calme le jeu

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Temps de lecture 7 min

Publication PUBLIÉ LE 21/09/2018 PAR Romain Béteille

Slow Building, mon amour

« Je pense néanmoins qu’il faut continuer à construire parce que nous sommes dans une agglomération en tension et même en pénurie ». Ces mots ont été prononcés le 14 septembre dernier par le président de la métropole et maire de Bordeaux, Alain Juppé, lors de sa conférence politique de rentrée. Ce constat n’est visiblement pas sorti de nulle-part. Malgré une brève accalmie ces derniers mois (0,1% sur les huit derniers mois et 1,8% entre juin et août), la flambée des prix du logement à Bordeaux est constatée régulièrement par différents indicateurs. Dernièrement, Meilleursagents.com, spécialiste de l’estimation en ligne des biens immobiliers en France, chiffrait le prix d’un appartement dans l’ancien à 4348 euros du mètre carré. L’étude allait même plus loin en affirmant qu’un ménage bordelais « moyen » (composé, souvent, d’un couple et d’un enfant) ne pouvait plus acheter qu’un 32 mètres carrés dans sa ville, contre une moyenne nationale à 52 mètres carrés. Dans le même temps, Meilleursagents.com notait « un retour à la normale du taux d’investisseurs actifs à Bordeaux. Ceux-ci représentent en moyenne nationale environ 16% des acheteurs actifs sur le marché. Après avoir atteint un chiffre record de 25% des acheteurs actifs à Bordeaux au quatrième trimestre 2017, ils ne représentaient plus que 20% du marché en fin d’année 2017 ». Enfin, l’indicateur de tension immobilière est passé de 48% à 23% en un an. Des prix qui se stabilisent, donc, mais dont on n’attend clairement pas une inversion des tendances.

Le prix de l’attractivité. C’est ainsi que le maire de Bordeaux présente la situation de l’immobilier bordelais à chaque fois qu’il en a l’occasion. Le problème, c’est que cette attractivité concerne aussi les communes autour de la capitale girondine, les 27 compagnes métropolitaines y figurant en bonne place. Et c’est un euphémisme de dire que peu importe la couleur politique du clocher, l’avis de l’ancien ministre est loin d’être majoritaire. Pourtant, les chiffres sont là. Selon un baromètre publié cet été par SeLoger.com, Bordeaux Métropole signe la plus forte hausse de France des prix de l’immobilier dans l’ancien, pour les maisons comme pour les appartements. Et parmi le top cinq des plus fortes hausse de prix sur un an (calculé fin juillet dans 81 villes de France), Bordeaux mais aussi Mérignac et Pessac figurent en bonne place. Si elles ne sont pas les seules (dans l’ensemble des communes de la métropole, les prix ont en effet grimpé de 9,2% sur un an, statuant à 3997 euros du mètre carré), sur les deux communes de la métropole, particulièrement attractives, les prix augmentent respectivement de +16,6% (3184 euros du mètre carré) et +12,2% (2951 euros du mètre carré). Pourtant, à entendre les récents discours de Franck Raynal, maire de Pessac, pas question de mettre le pied sur l’accélérateur côté construction. L’élu divers droite avouait même avoir sérieusement mis le pied sur le frein.

Nouveaux modèles

Ce jeudi, l’ancien sénateur socialiste Alain Anziani, maire de Mérignac, n’a pas donné de version différente. Preuve que l’atypique co-gestion locale n’a pas l’air d’avoir beaucoup de mal à accorder ses violons. « Je continue à faire une nette distinction entre Bordeaux et Mérignac. Ici, nous avons des atouts spécifiques, notamment un cadre de vie particulier. Ca nous donne une sorte de responsabilité. Si nous voulons conserver ces atouts, il faut freiner l’urbanisation ». La municipalité n’a pas fait ce constat sur un coup de tête : la limitation de l’urbanisation est déjà actée depuis la modification du Plan Local de l’Urbanisme (PLU) à la fin du mois de février 2017. Ces derniers mois, elle a même instauré une charte pour, entre autres, rappeler aux promoteurs ses attentes en matière de projets immobiliers :  ni trop dense ni trop haut. Pourtant, Mérignac continue d’avoir la côte et d’attirer les investisseurs. Début septembre, SeLoger l’a classée au sommet de son top cinq des villes dans lesquelles il faut investir en France. Ce choix n’a visiblement pas été uniquement motivé par la proximité de la commune avec Bordeaux : « son cadre de vie, ses prix immobiliers abordables (pour l’instant, à tout le moins…) mais aussi son dynamisme tant économique que démographique font de la deuxième plus grande ville de Gironde une cible de choix pour tous les investisseurs éclairés », commente ainsi le site spécialisé.

« Ca ne se voit pas pour le moment, mais depuis l’application du nouveau PLU, nous avons refusé les permis pour l’équivalent de 3000 logements. Nous refusons trois fois plus de logements que nous n’en accordons », persiste Alain Anziani. Face à cette chasse à la tempérance qui, on l’a vu, n’est pas (seulement) une guerre de clocher, Mérignac suit sa ligne de conduite, au risque de continuer à voir l’inflation et la spéculation foncière galoper plus ardemment sur son pré carré. « On ne va pas non plus fermer les portes de la ville. Il faut trouver un équilibre en continuant à construire sur des zones de projets. En 2017, nous avons accordé 67% des permis de construire dans ces zones délimitées (74,4% en 2018). Ce n’est pas du malthusianisme, mais je considère que le modèle urbain du toujours plus est terminé. Les habitants en ont ras-le-bol de l’urbanisation, il faut réfléchir autrement » souligne encore l’élu PS. Ce coup de rabot ne constitue pas, il est vrai, un arrêt total. Selon les chiffres fournis par la municipalité, 1334 logements ont été accordés depuis début 2017 (291 maisons individuelles et 1043 logements collectifs). Cependant, 909 ont été refusés en un an et demi « dans le cadre de permis de construire déposés en vue de créer au minimum dix logements » et plus de 2000 « n’ont pas dépassé la phase d’avant-projet ». Les zones de projets en question concentrent donc la quasi-totalité des permis accordés : c’est le cas du secteur de Pichey ou encore du nouveau quartier « Marne Soleil » dont l’objectif est de construire 3000 logements supplémentaires « dans les dix ans qui viennent », dont 30% seront des logements sociaux ou « abordables », dans le but évident d’éviter le phénomène spéculatif.

Du point A au point B

En attendant de voir si ces projets immobiliers portent leurs fruits, Mérignac préfère visiblement concentrer son attention sur d’autres priorités, au premier rang desquelles figure évidemment la mobilité et les déplacements. Ainsi, l’enquête publique sur la desserte aéroportuaire démarre officiellement le 24 septembre prochain pour une durée d’un mois. Elle vise à consulter les citoyens et recueillir leurs avis sur la prolongation (4,7 kilomètres) de la ligne A du tramway « depuis les Quatre chemins jusqu’à l’aéroport en voie unique ». Cette extension sera accompagnée d’un parc relais de 250 places proche de la rocade et d’un BNSP (Bus d’un Niveau de Service Performant) entre Le Haillan et Pessac Bersol. A noter que si le tracé de ce dernier a été annoncé comme parallèle au tramway, il devrait être terminé avant. « Les travaux vont commencé. Pour l’instant, ce bus ne sera pas en site propre, ou en tout cas pas avant 2023 », a souligné le maire.

Une « restructuration du réseau de bus » et un « renforcement des aménagements et modes doux (piétons et vélos) sont aussi attendus dans un avenir proche, ainsi que la création de « nouvelles liaisons routières » pour un coût global du budget mobilités estimé à 88,5 millions d’euros. Les problèmes de trombose dans le secteur du 45ème parallèle n’ont pas non plus été oubliés : lors du conseil municipal d’avril dernier, la mairie a en effet demandé la mise en place d’une station supplémentaire dans la zone hôtellière, une extension du parc relais et la possibilité de connecter des navettes au futur arrêt « Coeur Aéroparc« , histoire d’irriguer d’avantage un secteur en pleine expansion économique.

Enjeux de (re)conquête

Les multiples projets économiques (Coeur Aéroparc pour 2020, la première pierre du projet Tarmaq en 2021, le développement de Sabena Technics, l’extension de Dassault Aviation…), de même que la question de la mobilité et du logement, devraient en tout cas peser leur poids dans la future échéance électorale des municipales, sur laquelle Alain Anziani est revenu plus globalement, dans un contexte où le Parti Socialiste se cherche encore, plus d’un an après sa débâcle aux présidentielles. Pour l’ancien sénateur, ce n’est pas de la part des européennes qu’il faudra attendre un second souffle. « On connaît déjà les résultats. Le FN sera très haut, le PS très bas. Ce sera les élections des anti-européens ». Il fonde en revanche d’avantage d’espoir sur le scrutin local de 2020.

« Le PS est sans doute encore le parti des élus. On en a encore beaucoup dans les départements, dans les régions, les communes. Notre vérité se fera avec notre bilan aux élections municipales. Il peut y avoir un dégagisme, mais il faudra trouver une alternative. Il faudra retrouver un second, voire un troisième souffle. Pour l’instant, nous sommes encore haletants mais il faut remobiliser les personnalités qui ont encore du crédit », poursuit Alain Anziani en citant notamment Bernard Cazeneuve ou Matthias Fekl. « Le PS ne peut plus se priver de gens qui ont beaucoup de crédibilité. Pour les municipales, il faudra construire une liste de rassemblement. S’il fallait être adoubé par En Marche, ça me choquerait. Ca voudrait dire qu’il n’y a pas d’enjeux locaux, ce qui serait une vision d’extraterrestre ». Il est vrai qu’au vu du contexte démographique actuel sur la métropole, les enjeux locaux ne sont pas prêts de manquer…

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