Pendant deux jours, la Kedge Business School a été prise d’assaut par 2000 décideurs nationaux, acteurs publics, privés et représentants associatifs ou experts dans le domaine de la recherche, pour la troisième édition de l’évènement Metro’num, qui se propose de réfléchir tous les 2 ans à un thème précis : l’adaptation de la ville et des usagers au numérique. Un évènement pro-numérique qui intervient dans un contexte favorable : les 16 et 17 octobre dernier, la Gironde a accueilli les 2èmes Assises Nationales de la Médiation Numérique. Plus récemment, le label FrenchTech décerné à la ville de Bordeaux ou l’appel à candidatures nationales chargé de sélectionner une trentaine de start up françaises ou le forum Smart City qui s’est déroulé à Bordeaux, en avril dernier, ont achevé de rendre l’issue des débats et les discussions de cette nouvelle édition favorables.
De nombreux sujets tournant autour du numérique ont ainsi été abordés durant les différentes conférences et ateliers organisés au sein de l’établissementde la silver-économie à la logistique urbaine en passant par une rencontre entre les différentes villes ayant obtenu le label FrenchTech. Parmi le programme des plénières, l’une d’entre elles portait sur l’anticipation des « ruptures d’usages et les nouveaux modèles économiques dans la ville et les territoires ». Un titre bien complexe qui visait avant tout pour les acteurs présents à montrer le lien étroit qui existe entre le numérique et les actions concrètes. Plusieurs responsables avaient fait le déplacement pour donner leur propre vision.
Des leviers importantsAinsi, pour Daniel Kaplan, directeur de la Fing (fondation internet nouvelle génération) : « quand on s’intéresse à la ville numérique, on doit nécessairement savoir que les chaînes de valeurs sont amenées à changer considérablement, et de façon pas si pacifique que ça ». La fondation a édité en avril dernier un nouveau « cahier d’enjeux et de prospectives » (le cinquième) de Questions Numériques, disponible ici, et qui définit 7 « chaînes de valeurs » ou leviers relevant du numérique.
Des propos adoubés par Stephan de Fëy, responsable du projet Bordeaux Euratlantique (90 millions d’euros d’investissements publics, plus de 5 milliards d’euros de financement privés rien que pour la construction de l’ensemble de bâtiments) : « En tant qu’aménageurs, nous devons accepter d’être dans un système de pilotage décorellé de toute notion centralisatrice, tout en évitant les dépendances à la technologie, qui reste sujet de tensions lourdes », a-t-il déclaré à la tribune.
« Bâtir des infrastructures, c’est comme en démocratie, c’est d’abord une question de choix ». Promoteur de la Cité Numérique qui verra le jour en 2016 et qui, dans sa dernière campagne de promotion, se définit comme le « totem » de la FrenchTech bordelaise, le responsable avoue « il s’agit là d’une opération singulière, d’une plateforme de test à grandeur réelle, comme à Leeds ou Greenwich, au Royaume-Uni. Notre but, c’est de faire du projet Euratlantique le premier d’une série duplicable, et d’en tirer le plus d’utilité publique possible ».
Des initiatives publiquesN’empêche que de plus en plus d’organismes publics s’y mettent, comme La Poste qui installe de plus en plus de fablabs et autres espaces de co-working à l’intérieur de ses bureaux. Le mercredi 20 mai dernier, le groupe, après la polémique qui l’a frappé en avril avec une hausse historique du prix du timbre, continue de s’orienter vers le digital. Il lance une plateforme d’innovation nationale implantée localement dans 4 régions qui feront office de zones test (l’Aquitaine en fait partie), définie comme un « appui au passage à l’échelle de startups et au développement à l’International ». Concrètement, ce « French IoT » (ou internet des objets, La Poste ayant probablement choisi l’anglais en vue de sa future présentation au CES 2016 de Las Vegas) donnera lieu à un concours auquel devraient participer une centaine de start-ups, en vue de sélectionner des projets innovants en matière d’internet des objets et de services connectés. 5 projets seront sélectionnés par région en juillet prochain, et le groupe prévoit d’en retenir une quinzaine dès le début de l’année prochaine.
A noter que ce n’est pas la première fois que l’Aquitaine fait partie d’une plateforme d’innovation : elle avait déjà fait partie des 4 régions sélectionnées par l’Institut de l’économie circulaire (dont La Poste fait partie) pour promouvoir une dizaine de projets au niveau national. Un programme chargé pour David de Amorim, Directeur Innovation chez Docapost, une filiale du groupe : « La transformation des bâtiments est certes longue, mais moins que celle des habitudes. On cherche à comprendre les usages et les business models à construire autour de ces projets, mais on aimerait surtout simplifier les usages pour les étendre ».
Le but et le cheminPourtant, tout n’est pas « open » dans le vaste monde du numérique, comme le souligne Daniel Koplan : « Les acteurs de l’énergie et de l’environnement ont une vision plutôt pauvre du numérique, et réciproquement. On ne peut pas faire des projections à court-termes, il serait plus malin de travailler sur des scénarios dans lesquels l’énergie va coûter plus cher, afin de construire un monde qui en aura moins besoin. Les responsables connaissent le but qu’ils veulent atteindre avec le numérique », assure-t-il, « mais ils n’ont aucune idée claire du chemin qui y mène. On en est quand même à la vingt-et-unième COP-21, et on est toujours centré sur l’environnement ! Le numérique, c’est l’inverse : il transforme tout mais ne sait pas en quoi. Il faut marier l’un et l’autre, et ça commence à devenir possible grâce à l’élargissement incroyable d’acteurs en position d’initiative. Ça (leur nombre) ne simplifie rien, mais c’est une ressource ». Espérons simplement que les futures initiatives politiques dans ce domaine ne soient pas ce qu’a été le protocole de Kyoto pour la transition énergétique…