Les « Vieux » de l’EHPAD Belle-Croix à Floirac


Marianne Chenou

Les « Vieux » de l’EHPAD Belle-Croix à Floirac

Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 15/02/2019 PAR Marianne Chenou

À 24 ans, cette jeune femme originaire du Jura est diplômée d’un master en cinéma documentaire de l’université de Bordeaux. Pourquoi un film sur l’EHPAD ? Sa réponse est simple : « Au départ, j’avais un projet sur Alzheimer, qui ne s’est pas concrétisé. Je voulais faire un film sur une structure de ce type et plutôt que d’arriver quelque part de but en blanc, j’ai préféré apprendre à les connaître via mon service civique ».

Pour gagner la confiance de l’établissement et des résidants, Élise Sintot effectue un service civique de 10 mois au sein de l’EHPAD Belle-Croix. Un établissement où l’on entre en franchissant un simple portillon. Devant la machine à café, où plusieurs résidants sont déjà réunis. À la vue d’Élise, les visages s’illuminent. Tous les résidants qu’elle a côtoyés lui demandent de ses nouvelles.

Un lieu de bienveillance et de joie

Un lieu de vie comme un autre, où on ne demande pas aux habitants ce qu’ils font en permanence, ils vivent leur vie comme ils feraient chez eux, « certains vont tous les matins boire leur café au bar d’en face », explique Élise. La joie emplit les murs colorés de cet établissement. Les 80 résidants font chaque jour vivre le lieu autour de la cinquantaine de membres du personnel, soignants et administratifs.

Le choix du titre du documentaire, « Vieux », peut surprendre. « J’en ai parlé à plusieurs résidants et le mot a fait consensus. C’est comme cela qu’ils se définissent », précise la réalisatrice. Ni en fin de vie, ni malades. Simplement vieux. « Il ne faut pas oublier qu’ils sont lucides sur eux-mêmes », relève Gaëlle Étienne, directrice de l’établissement Belle-Croix. Le but d’Élise Sintot à travers ce choix, c’est aussi de lever le tabou autour de ce mot.

La direction n’a pas hésité lorsque la réalistarice est venue présenter son projet. Gaëlle Étienne explique son choix : « C’est un projet intéressant, nous n’avions jamais fait de films avant. Élise a un regard bienveillant sur les résidants et c’est ce qui nous plait aussi, pour montrer une autre image des EHPAD ». Les résidants, eux aussi, sont très enthousiastes. « Il ne faut pas se mettre de limites. On peut tout leur proposer, ils sont aussi curieux de ce qui sort des sentiers battus ».

Au cœur du documentaire d’Élise Sintot, nous suivrons Sylvie, aide-soignante au sein de l’établissement. De nature assez timide et réservée, elle est pourtant lumineuse et manie l’humour aux quotidiens avec les résidants dont elle s’occupe. « Habiller quelqu’un ou lui faire sa toilette, ce n’est pas juste une tâche, c’est un moment qu’on partage ensemble, un vrai échange humain ».

Projet de documentaire

« C’est une vraie société à taille réduite »

Âgés de 62 à 99 ans, les résidants de Belle-Croix arrivent avec leur vie, leur passé et leurs meubles : « il faut qu’ils se sentent chez eux ». En témoignent les murs recouverts de photos de famille dans la plupart des chambres. À l’atelier gym douce, animé par Chrystelle Asseray, les participants enchainent les exercices pour garder des bonnes capacités physiques et leur sens de l’équilibre.

Les résidants ne viennent pas que pour le lieu de vie. Ils cherchent aussi au sein de la structure à compenser leur perte d’autonomie et ne pas vivre seuls, isolés. « Parfois, il faut apprendre à vivre ensemble, ils ont toujours vécu chez eux, selon leurs habitudes, alors qu’ici en collectivité, il y a des règles, des horaires », raconte l’animatrice.

Mais à Belle-Croix, on ne s’ennuie pas. Ateliers de gymnastique, travail de la mémoire, discussion autour de l’actualité, lecture avec des enfants, chorale, pâtisserie… Toute la semaine, les activités s’enchainent pour que chacun s’implique. Même au sein de l’unité protégée, réservée aux résidants les plus diminués par la maladie (troubles cognitifs, Alzheimer), le lien avec l’extérieur persiste. Les résidants des services « classiques » leur rendent régulièrement visite, et pratiquent des activités à leur côté. Ce ne sont pas deux mondes séparés. Plus généralement, Belle-Croix n’est pas un monde coupé de l’extérieur.

Projet de documentaire

Projet de documentaire

Un premier projet filmé pour gagner la confiance de tous

Si « Vieux » sera le premier long-métrage documentaire d’Élise Sintot, elle a déjà tourné un projet au sein de l’EHPAD : « Bientraitance ». Cette série de saynètes a été tournée avec les véritables soignants, personnels administratifs et résidants de Belle-Croix. Réalisée sous l’égide de la psychologue de l’établissement, Fabienne Bidalon, ce projet avait pour but d’aider chacun par la fiction à remettre en question son comportement.

« Les saynètes étaient parfois exagérées. Le but était de montrer à chacun, résidants et membres du personnel, que parfois, sous prétexte d’habitude, de répétition, on oublie des choses simples ». Toquer avant d’entrer dans une chambre, demander à la personne comment elle va, des actions classiques qui parfois peuvent être oubliées. Avec « Bientraitance », chacun a pu remettre en question ses agissements ou oser évoquer des difficultés avec des résidants.

Projet de documentaire

« Parfois, ce sont certains résidants qui ne sont pas simples ou agréables. D’autres fois, il s’agit d’un simple malentendu. Et depuis ce projet, les soignants viennent plus facilement me voir pour qu’on règle les problèmes, demander des conseils pour mieux appréhender la situation de tel ou tel résidant ». Les habitants de Belle-Croix ont pris plaisir à participer à ce projet. Certains se sont même « révélés » selon les mots de Fabienne Bidalon. Épanouis, ils se sont tous impliqués. Le retour d’Élise et de sa caméra fait donc l’unanimité.

Le documentaire, un travail de patience

Le projet d’Élise Sintot prend forme, mais pour le moment, impossible pour elle de prévoir le tournage précisément : « J’attends la réponse de TV7 Bordeaux pour les bourses à la suite du Fipadoc. C’est mon premier projet, je n’ai pas encore toutes les clés, j’apprends, je découvre ». La société Ridim Productions l’a contactée, et va soutenir son projet. Mais le documentaire est un sport de patience.

Pour l’instant, seules les descriptions d’Élise Sintot laissent donc apercevoir ce à quoi ressemblera le documentaire final. Plusieurs moments de groupe parsèmeront les histoires des cinq résidents sur lesquels elle a choisis de concentrer son travail. Parmi les activités collectives les plus appréciées, le « Pluche-légumes », ce moment où des résidents se retrouvent pour préparer ensemble les repas et discuter.

Projet de documentaire

Des moments qui seront forcément mis en scène pour permettre à Élise Sintot de les filmer au mieux « mais qui illustreront des moments quotidiens de l’établissement ». Toutes les scènes envisagées ont été validées par Fabienne Bidalon. Trois parties s’entremêleront, la journée de Sylvie, les interviews des résidants et la sortie de groupe au cinéma. Elle filmera la vie, la vie des « Vieux » de Belle-Croix.

Partagez l'article !
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
Laissez vos commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

On en parle ! Gironde
À lire ! SOCIÉTÉ > Nos derniers articles