Les jeunes bergers n’ont pas le temps de compter les moutons


Durant cinq jours, les meilleurs jeunes bergers et bergères du monde sont en compétition pour décrocher le titre mondial. Les premières épreuves de tonte et parage ont eu lieu à Saint-Priest-Ligoure, en Haute-Vienne.

bergers du togoCorinne Merigaud

Les Ovinpiades mondiales se déroulent cette semaine dans 5 régions. Les bergers du Togo ont passé l'épreuve de tonte à Saint-Priest-Ligoure, une première pour eux qui ne pratiquent pas la tonte dans leur pays.

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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 28/05/2024 PAR Corinne Merigaud

Ambiance bon enfant pour cette première épreuve de tonte. Les concurrents regardent passer leurs adversaires en se demandant s’ils vont réussir à tondre leur brebis.

Le temps d’une matinée, la ferme expérimentale CIIRPO du Mourier, située à Saint-Priest-Ligoure, est devenue l’épicentre mondial des meilleurs jeunes bergers. Après dix ans d’absence, la Coupe du Monde est de retour en France. Cette troisième édition réunit, durant une semaine, 17 délégations soit une trentaine de jeunes qui s’affrontent au cours d’une série d’épreuves techniques en lien avec leur futur métier. Les deux premières ont eu lieu, le 27 mai, avec la tonte et le parage des onglons.

« Je me suis entrainée » 

Agés de 18 à 26 ans, les compétiteurs n’ont pas tous le même niveau mais la plupart ont un point commun, ils n’ont jamais tondu ou si peu. Iris Soucaze, meilleure jeune bergère de France sacrée lors du Salon de l’agriculture, est arrivée sur les Ovinpiades mondiales après avoir remporté le concours départemental et régional.

Iris la candidate française, étudiante en BTS productions animales au lycée de Pau Montardon,a choisi de s’entraîner à la tonte avant le concours.

Originaire de Beaudéan (Hautes-Pyrénées), la candidate de 21 ans est en 2ème année de BTS productions animales au lycée de Pau Montardon. Iris représente la Nouvelle-Aquitaine mais revendique ses racines bigourdanes.
« Je n’avais jamais fait de tonte alors je me suis entraînée sur six brebis avoue-t-elle, tondeur et berger, ce sont deux métiers à part. Je me sens plus à l’aise sur le parage, je l’ai fait plusieurs fois. » Chaque binôme est composée d’une fille et d’un garçon. « Cela ne sert à rien d’être stressée » lance Iris qui découvre la Haute-Vienne « les infrastructures du CIIRPO sont jolies, ils font plein d’expériences pour améliorer la filière ovine. »

Si elle décroche son BTS, elle envisage de poursuivre en licence professionnelle comptabilité gestion à condition de trouver une alternance. « Je veux reprendre l’exploitation familiale située au-dessus de Bagnères-de-Bigorre, on a 150 brebis tarasconaises, je serai la 3ème génération. Je veux être aussi monitrice de ski. »

« Partager et rencontrer d’autres jeunes »

C’est au tour de Benoît Toutain de passer. Le garçon du Nord âgé de 18 ans se fait remarquer pour ses gestes sûrs et précis, sa posture correcte. Le chrono est plutôt bon avec 4 minutes 50 secondes. Originaire de Saint-Quentin des Prés, dans les Hauts de France, il est passionné par l’élevage depuis son plus jeune âge. A une semaine des épreuves du Bac (Conduite et gestion d’une exploitation agricole), il n’a pas la pression. « C’est la première fois que je participe à ce concours, j’aurai pu faire un peu plus propre, j’ai été un peu imprécis avec la tondeuse. » Benoît pratique occasionnellement la tonte sur les brebis de son employeur qui, lui aussi, tond un peu. « Je suis venu sur ce concours pour partager et rencontrer d’autres jeunes, fait-il remarquer, c’est une belle opportunité pour découvrir différents systèmes comme en Argentine. Là bas, ils tondent pour avoir la laine, un produit qui rapporte car elle coûte cher. Chez nous, ce n’est pas le cas, la laine ne représente que 1 % des revenus des éleveurs. »

Benoît originaire des Hauts de France a réalisé un bon chrono et manipulé correctement la brebis.


Le berger apprécie « le contact avec les animaux et les moments conviviaux avec les autres concurrents. » Il compte rejoindre l’exploitation de ses parents en tant qu’ouvrier agricole et travailler à mi-temps chez un autre exploitant.

« On est venu en espions » 

La France, qui a initié les Ovinpiades, a invité des pays à forte tradition d’élevage ovin comme le Royaume-Uni, l’Irlande, l’Australie, l’Argentine, le Pérou ou la Côte d‘Ivoire. Pour le Togo, Abdul et Houdayat attendent leur tour. La jeune femme de 23 ans s’avère être plus rapide que son camarade, qui a des difficultés à positionner correctement la brebis. Au Togo, les brebis sont dépourvues de laine car il fait trop chaud et le parage se fait de manière naturelle. « Je n’ai jamais tondu, c’est la première fois signale l’ingénieur zootechnicien formé à l’Ecole supérieure d’agronomie de Lomé. L’idée de ce concours est de venir en France, d‘apprendre un maximum de techniques comme la tonte, la mise en place des infrastructures et les techniques d’alimentation pour les dupliquer. On est venu en espions ! »

Faire un bon chrono n’est donc pas la priorité. Abdul réussira à tondre en une quinzaine de minutes. Au Togo, l’élevage de volailles est la spécialité nationale, la filière ovine n’est pas structurée. « L’élevage ovin est une activité familiale traditionnelle ajoute-t-il, nous cherchons des candidats qui veulent s’installer. C’est compliqué mais je suis en train de mettre en place un centre de formation pastorale. » Le gouvernement togolais encourage le développement de la filière ovine. « L’élevage a été délaissé alors que le climat est propice assure Kossivi Djagba leur accompagnateur. Le gouvernement fait la promotion des centres de formation spécialisés comme l’IFAD pour les ovins. »

«  Il faut qu’on installe plus de 10 000 jeunes »

En France, l’élevage ovin manque aussi de main d’oeuvre alors qu’un éleveur de brebis sur deux partira à la retraite dans la prochaine décennie. Il y a urgence à attirer les jeunes pour renouveler les générations et maintenir la production. C’est pourquoi Interbev Ovins et l’ensemble de la filière, dans le cadre du programme Inn’Ovin organisent ces ovinpiades depuis près de 20 ans.

« Le travail commence à porter ses fruits, constate Guillaume Metz, président d’Inno’Ovin Nouvelle-Aquitaine et éleveur à Saint-Priest-sous-Aixe, la filière se porte plutôt bien mais nous avons besoin de continuer à installer, il faut plus de 10 000 jeunes et produire plus par rapport au plan de souveraineté alimentaire. Les éleveurs français ne produisent que 46 % de la viande consommée au niveau national. Il y a des parts de marché à prendre.» La Nouvelle-Aquitaine a une carte à jouer avec ses signes de qualité recherchés par les consommateurs. « Quelque 80 % des agneaux que nous produisons sont sous IGP, Label Rouge ou bio, précise-t-il, nos produits participent à faire la promotion de la région.»

5 régions en 5 jours

Les bergers poursuivent le concours avec les autres épreuves à savoir, évaluer l’état d’engraissement des agneaux, trier les brebis avec un lecteur électronique, manipuler et évaluer l’état corporel d’une brebis et poser des clôtures mobiles. Ils feront étape en Occitanie à Roquefort, en Auvergne Rhône-Alpes à la station expérimentale de Mazeyrat d’Allier, en Bourgogne Franche-Comté sur un salon ovin et en Ile-de-France pour la dernière épreuve, le 31 mai, qui se déroulera à la Bergerie nationale de Rambouillet.

MISE A JOUR au 3/06/2024 : Le concours à livrer ses résultats, les deux français sont extrêmement bien placé dans le palmarès. Le jeune Benoît Toutain a remporté le titre de Meilleur jeune berger du monde.
Lire ici : Le Meilleur jeune berger du monde est Français !

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