Marine connaît bien ces chemins. Elle les emprunte régulièrement pour éviter d’arriver en retard à Sciences Po, où elle fait ses études. Pourtant ces trajets ne sont « pas safe » selon la meneuse de la marche exploratoire : détritus, boue, manque d’éclairages, etc. Les alentours du campus ont la réputation d’être des zones sensibles pour la sécurité des étudiantes particulièrement. Des problèmes de harcèlements et d’agressions sexuelles, qui sont au cœur du réaménagement du Campus prévu pour 2021 par l’Opération Campus.
L’insécurité, un problème géographique
Suite à une étude réalisée en juin 2017 auprès des étudiants et du personnel, les résultats sont alarmants. Selon Marion Paoletti, chargée de mission égalité hommes-femmes à l’Université de Bordeaux : « sur 4920 répondants, 1260 personnes ont vécu une ou plusieurs agressions sur le campus, en majorité ce sont des problèmes d’exhibitionnisme qui nous sont rapportés ». Les lieux des violences, comme l’Esplanade des Antilles, « qui revient souvent dans les témoignages », sont identifiés grâce à un travail de cartographie mené par la sociologue Dominique Poggi. Des parcours différents sont distingués afin de mener à bien les marches exploratoires.
Après avoir réalisé une première excursion nocturne non-mixte le 22 mai dernier, un nouveau parcours est passé au crible ce mardi 19 septembre. Cette fois-ci l’évènement est mixte « puisque les garçons, même si les témoignages restent minoritaires, sont aussi victimes de violences sur le campus » justifie Marion Paoletti.
Le manque d’éclairage critiqué sur le campus
Carte à la main, une dizaine de personnes marchent sur le parcours identifié. Marine et Lucie, deux étudiantes du campus qui ont participé à l’organisation de cet événement, mènent le groupe. Il ne faut que quelques pas pour atteindre le premier arrêt : l’abri-vélos de Sciences Po Bordeaux. « Comment vous vous sentez ici ? » questionnent les jeunes organisatrices. Les critiques ne se font pas attendre : « C’est sale, ça ne donne pas envie d’y mettre son vélo », « pas rassurant ». Marion Paoletti, lève la tête au ciel pour noter les dysfonctionnements de certains lampadaires. « Certains chemins sont privés de lumière après 1h du matin, les passagères des derniers bus rentrent chez elles dans le noir » s’inquiète-t-elle. Des éclairages gérés par les communes du campus qui souhaitent réduire leurs utilisations à des fins « écologiques »…
Au fil de l’itinéraire, les marcheurs proposent des idées pour aménager les vastes espaces hasardeux aux alentours des facultés : tables pour pique-niquer, parcours de santé, potagers ou encore « féminiser le nom des rues et du campus » souffle le géographe Yves Raibaud, venu lui aussi participer à la marche exploratoire. Une évidence selon lui, « surtout quand on sait que 62% des habitants du campus sont des femmes ». Plus que renforcer la sécurité des étudiantes et étudiants, pour le spécialiste « il faut repenser l’espace géographique du campus pour lutter contre l’insécurité ». Des propositions qui seront rapportées à l’Opération Campus.
Après une heure et demi de circuit, le bilan est pourtant mitigé pour Marine, l’étudiante organisatrice « c’est compliqué parce qu’il y a un manque d’engagement. Il y avait 30 inscrits et nous n’étions pas très nombreux surtout que la marche était mixte et que les deux garçons présents au départ sont partis en cours de route».
Mais peu importe le nombre de marcheuses, une nouvelle marche exploratoire nocturne se tiendra sur le campus de Pessac le 3 octobre prochain à 19h. L’occasion où jamais d’y participer, ce sera la dernière.