Les étudiantes marchent pour leur sécurité


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Les étudiantes marchent pour leur sécurité

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Temps de lecture 2 min

Publication PUBLIÉ LE 21/09/2017 PAR Alizé Boissin

Marine connaît bien ces chemins. Elle les emprunte régulièrement pour éviter d’arriver en retard à Sciences Po, où elle fait ses études. Pourtant ces trajets ne sont « pas safe » selon la meneuse de la marche exploratoire : détritus, boue, manque d’éclairages, etc. Les alentours du campus ont la réputation d’être des zones sensibles pour la sécurité des étudiantes particulièrement. Des problèmes de harcèlements et d’agressions sexuelles, qui sont au cœur du réaménagement du Campus prévu pour 2021 par l’Opération Campus.

L’insécurité, un problème géographique

Suite à une étude réalisée en juin 2017 auprès des étudiants et du personnel, les résultats sont alarmants. Selon Marion Paoletti, chargée de mission égalité hommes-femmes à l’Université de Bordeaux : « sur 4920 répondants, 1260 personnes ont vécu une ou plusieurs agressions sur le campus, en majorité ce sont des problèmes d’exhibitionnisme qui nous sont rapportés ». Les lieux des violences, comme l’Esplanade des Antilles, « qui revient souvent dans les témoignages », sont identifiés grâce à un travail de cartographie mené par la sociologue Dominique Poggi. Des parcours différents sont distingués afin de mener à bien les marches exploratoires.
Après avoir réalisé une première excursion nocturne non-mixte le 22 mai dernier, un nouveau parcours est passé au crible ce mardi 19 septembre. Cette fois-ci l’évènement est mixte « puisque les garçons, même si les témoignages restent minoritaires, sont aussi victimes de violences sur le campus » justifie Marion Paoletti. 


Le manque d’éclairage critiqué sur le campus

Carte à la main, une dizaine de personnes marchent sur le parcours identifié. Marine et Lucie, deux étudiantes du campus qui ont participé à l’organisation de cet événement, mènent le groupe. Il ne faut que quelques pas pour atteindre le premier arrêt : l’abri-vélos de Sciences Po Bordeaux. « Comment vous vous sentez ici ? » questionnent les jeunes organisatrices. Les critiques ne se font pas attendre : « C’est sale, ça ne donne pas envie d’y mettre son vélo », « pas rassurant ». Marion Paoletti, lève la tête au ciel pour noter les dysfonctionnements de certains lampadaires. « Certains chemins sont privés de lumière après 1h du matin, les passagères des derniers bus rentrent chez elles dans le noir » s’inquiète-t-elle. Des éclairages gérés par les communes du campus qui souhaitent réduire leurs utilisations à des fins « écologiques »…

Au fil de l’itinéraire, les marcheurs proposent des idées pour aménager les vastes espaces hasardeux aux alentours des facultés : tables pour pique-niquer, parcours de santé, potagers ou encore « féminiser le nom des rues et du campus » souffle le géographe Yves Raibaud, venu lui aussi participer à la marche exploratoire. Une évidence selon lui, « surtout quand on sait que 62% des habitants du campus sont des femmes ». Plus que renforcer la sécurité des étudiantes et étudiants, pour le spécialiste  « il faut repenser l’espace géographique du campus pour lutter contre l’insécurité ». Des propositions qui seront rapportées à l’Opération Campus. 

Après une heure et demi de circuit, le bilan est pourtant mitigé pour Marine, l’étudiante organisatrice « c’est compliqué parce qu’il y a un manque d’engagement. Il y avait 30 inscrits et nous n’étions pas très nombreux surtout que la marche était mixte et que les deux garçons présents au départ sont partis en cours de route».  

Mais peu importe le nombre de marcheuses, une nouvelle marche exploratoire nocturne se tiendra sur le campus de Pessac le 3 octobre prochain à 19h. L’occasion où jamais d’y participer, ce sera la dernière.

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Les étudiantes marchent pour leur sécurité


Solène Méric
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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 14/03/2017 PAR Solène MÉRIC

« Le  »droit à la ville » c’est pouvoir exprimer son point de vue sur l’aménagement urbain, et pouvoir aller là où l’on veut aller quand on veu y aller, jouir d’une liberté et d’une tranquillité de circulation, quelle que soit l’heure, quelle que soit sa tenue, quel que soit son sexe », expliquait ce lundi soir la sociologue Dominique Poggi au petit groupe d’étudiants et d’étudiantes bordelaises qui lui faisait face. Un droit face auquel les hommes et les femmes ne sont pourtant pas égaux. Le campus de Talence Pessac et Gradignan en est, notamment, un exemple frappant. Entre témoignages de harcèlements sexuels, de poursuites, voire d’agressions, les étudiantes s’en plaignent régulièrement. Dans le cadre du plan Campus, qui tient en une vaste rénovation du campus, les universités et écoles du campus ont pris la question à bras le corps, avec l’aide de l’association dirigée par Dominique Poggi, « A places égales ». Une première réunion d’information était organisée ce lundi à Sciences po Bordeaux. Au cœur des échanges, les « marches exploratoires », qui sont le fondement de la démarche qui débute, et les témoignages, effarants, des étudiantes présentes.

Les femmes prennent la parole sur leur manière d’appréhender la ville

« L’aménagement urbain a souvent été développé par les hommes », constate Dominique Poggi. Ca n’est certes pas l’unique facteur d’insécurité (ou du sentiment d’insécurité) des femmes dans l’espace public, mais les marches exploratoires dont la sociologue s’est faite la spécialiste, proposent justement de faire un « rééquilibrage » en la matière. A travers ces marches féminines sur le terrain, les femmes prennent la parole sur leur manière d’appréhender tel ou tel espace, tout en favorisant les échanges directes entre elles, usagère de l’espace public, ici du campus, et les décideurs, techniciens et politiques qui seront en charge d’en dessiner le renouvellement.
Lors d’une première séance, d’ores et déjà fixé au 3 avril prochain, les étudiantes mais plus globalement toutes femmes intéressées par la démarche et fréquentant le campus, travailleront à partir de cartes. L’idée de cette première étape est de repérer les zones d’insécurité et de malaises tout en expliquant les raisons de ce malaise. Objectif : « provoquer l’échange entre les participantes et libérer la parole sur ces situations anormales ».

« Ne pas uniquement dresser un cahier de doléances de l’espace public… Mais faire aussi des propositions auprès des décideurs »

Une fois le cheminement et les points à explorer définis, la marche exploratoire aura pour vocation à la fois d’observer le ressenti des participantes ainsi que l’environnement des zones « à problème » : signalétiques, éclairage, le caractère isolé du lieu ou pas, sa fréquentation, son animation, etc. « Mais l’idée n’est pas uniquement de dresser un cahier de doléances de l’espace public. C’est au groupe aussi de suggérer des adaptations, de noter les choses positives vue par ailleurs, de créer des initiatives pour redonner vie et animation à certains lieux désertés et donc vécus comme angoissants… »
Après une seconde marche à une heure différente, pour avoir une appréhension du tracé en matinée, comme en soirée par exemple, les marcheuses se retrouveront pour réaliser un rapport contenant diagnostic et suggestions de solutions pour améliorer les choses. Ce rapport sera remis aux décideurs, qui viendront à cette occasion faire la marche avec elles pour prendre la mesures de leurs remarques et propositions. Au total 5 à 6 rencontres sont donc prévues d’ici le mois de novembre, date à laquelle l’Opération campus attend les propositions d’aménagement. « Des décideurs avec lesquels le contact sera renouvelé tous les 3 ou 4 mois pour s’assurer du suivi de la démarche », précise Domnique Poggi.

Dominique Poggi, sociologue directrice du collectif ''A places égales''

Exhibitionnistes, insultes, poursuites…

Si l’amphi dans lequel était organisé la réunion était loin d’être rempli, ce sont un peu moins de 10 étudiantes qui semblent déjà volontaires pour participer à l’ensemble de la démarche, le chiffre idéal étant 12 à 15 participantes seln Dominique Poggi. Mais les jeunes femmes ont bon espoir d’arriver à convaincre quelques camarades supplémentaires à les suivre. Il faut dire, à entendre leurs témoignages, vécus pour bon nombre d’entre elles ou rapportés, que l’on comprend aisément leur motivation à améliorer la situation.
Toutes disent se sentir souvent mal à l’aise dès la nuit tombée sur le campus; « c’est hyper anxiogène », lâche l’une d’elle. Plusieurs témoignent avoir croisé la route d’un ou plusieurs exhibitionnistes, d’autres dénoncent « des agressions sexistes après 18 heures », certaines pointant notamment la présence d’un groupe de garçons plutôt malveillants ou en tout cas intrusifs, régulièrement installés sur une table de la terrasse de la cafétéria de l’Université Montaigne « le Sirtaki ». Un lieux qui en soirée concentre les critiques des jeunes filles de même que l’immense Esplanade des Antilles, parking le jour, vide et désertée le soir venu. Une autre jeune femme évoque une amie insultée et poursuivie un soir.

« J’ai trouvé un mot me proposant d’avoir des relations sexuelles tarifées dans ma boîte à lettre »

Les étudiantes vivant dans les résidences universitaires, décrivent là aussi une ambiance loin d’être épanouissante. L’une d’elles se rappelle : « un soir quelqu’un m’a suivie, j’ai pu rentrer chez moi, mais le lendemain, j’ai trouvé un mot me proposant d’avoir des relations sexuelles tarifées dans ma boîte à lettre ». Et la même d’ajouter, confirmée par d’autres dans ses propos : « Le problème est connu: le CROUS ne donne pas de chambre au rez-de-chaussé aux étudiantes, parce qu’il y a des gens de l’extérieur qui entrent par les fenêtres. C’est la justification que l’on m’a donnée quand on m’a fait changer de chambre en début d’année,… ».
Au-delà des étudiantes est aussi concerné, à d’autres heures de la journée, le personnel féminin des universités et notamment les agents d’entretien venant faire le ménage très tôt le matin. « L’une d’entre elle s’est faite agresser à deux reprises », témoigne la chargée de mission égalité femme homme de Science Po.
Enclenchée jusqu’au mois de novembre, cette initiative pour l’égalité du « droit à la ville » est bien loin d’être anodine; étudiantes marcheuses et Opération campus ont devant eux un sacré chantier à mettre en oeuvre.

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