Le 107 rue Kléber fait Famille


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Le 107 rue Kléber fait Famille

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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 20/07/2017 PAR Solène MÉRIC

Pousser la porte de l’échoppe à la façade récemment ravalée du 107 de la rue Kléber à Bordeaux, c’est entrer dans un petit monde pour le moins animé ! Sur votre gauche, des éclats de voix se font entendre : des femmes de diverses nationalités s’affairent joyeusement en cuisine, même si, ce jour là, on râle un peu parce qu’il n’y a plus d’huile… Dans une pièce voisine plongée dans une semie-obscurité, des papas veillent de jeunes enfants ; certains se sont assoupis d’autres jouent tranquillement ou regardent des livres d’images. Derrière, dans la grande salle à manger aux nombreuses tables, mais aussi canapés et table basse, d’autres hommes discutent en rechargeant leur téléphone portable, ou leur rasoir aux prises électriques. Là encore quelques enfants un peu plus grands ont de quoi s’occuper ; les livres et jeux de société sont légions. Il y a aussi la salle de bain qui joue également le rôle de buanderie, un bureau, et une dernière pièce « joker » entre bagagerie, chambre d’appoint pour la sieste, ou, initialement, pièce d’allaitement. Au total, deux échoppes réunies en une seule, 180 m2 et un bout de jardinet. Un bébé pleurniche à cause de la chaleur et peut-être aussi parce que son repas tarde un peu à arriver… Une jeune femme albanaise tout sourire, vous tend une spécialité de son pays juste sortie du four. Et tant pis si vous sortez de table, le refus, même poli, n’est pas vraiment autorisé ici.

En apparence un joyeux bazar

Au 107 rue Kléber, ça pourrait être le nom d’un livre, se trouve la Maison des Familles de Bordeaux dirigée par Karine Schoumaker au côté de Marie-Dominique Bouchikhi, l’animatrice de la structure. Au 107 rue Kléber, avec ses quelques dessins et photos aux murs, c’est aussi un peu le bazar. En apparence un joyeux bazar, mais ceux qui s’y rendent n’ont en réalité pas la vie facile, ni particulièrement joyeuse. Mamans solos ou isolées, familles ou couples de migrants en procédure de demande d’asile hébergés en hôtels, gymnases, mais aussi parfois à la rue, familles en situation de fragilité qu’elles soient du quartier ou d’ailleurs, étudiants dans la galère… C’est à tous ceux-là que la Maison ouvre sa porte en journée. « Nous avons une dizaine de familles qui viennent quotidiennement, d’autres sont là plus ponctuellement. Nous recevons entre 25 et 26 personnes par jour, avec des pics jusqu’à 37 la semaine dernière », indique Karine. « Sur un an, de mars à mars, nous avons reçus 80 familles soit 212 personnes. Si on ajoute l’accueil de ces derniers mois, on doit être environ à 95 familles », complète-t-elle.

Maison des familles, un lieu de sécurité pour des familles en situation de vulnérabilité

« Un lieu qui apporte aux familles un quotidien de maisonnée, malgré le tumulte, la difficulté ou la précarité de leur vie actuelle »

Initialement, la Maison des Familles, association portée par les Apprentis d’Auteuils en partenariat avec l’ACSC, « la partie laïque et professionnelle du secours catholique », a pour objectif « la prévention et l’accompagnement dans la parentalité des familles isolées ou en situation de vulnérabilité », le tout en coordination avec la Mairie de Bordeaux, la CAF et le Département. Mais, si cette mission autour du « défi éducatif » reste au cœur des attentions des deux salariés et quatre bénévoles, c’est bien plus en fait qui se jouent ici. « C’est un lieu où les personnes se sentent en sécurité, un lieu qui leur apporte un quotidien de maisonnée dans le tumulte, la difficulté ou la précarité de leur vie actuelle. Une pause en quelque sorte. Nous y établissons aussi, peu à peu des relations de confiance avec l’équipe mais aussi entre les parents des familles présentes. » Et ça fonctionne, il n’est pas rare que les parents des uns gardent les enfant des autres et vice versa…
Ici, on l’assume volontiers, « on a une approche du travail social différente de ce que l’on peut faire dans d’autres structures. On travaille sur le collectif plus que sur l’individuel. On ne fonctionne pas par rendez-vous, on laisse venir les choses, on prend le temps de laisser s’exprimer les besoins. Une fois la demande exprimée, on réoriente les personnes vers les acteurs et partenaires qui pourront y répondre au mieux ».

La cuisine, le lieu « stratégique » de la Maison

D’ailleurs dans cette Maison, plus que le bureau, c’est la cuisine le « lieu stratégique ». Une cuisine qui a pris un rôle central depuis octobre 2016, soit un mois après le démarrage des activités rue Kléber, quand la structure a choisi d’adhérer au « relais Popote ». « L’idée du relais Popote, c’est à la fois de mettre à disposition un espace de cuisine adapté aux besoins des personnes les plus vulnérables qui n’ont pas d’accès direct à une cuisine, et, via le CCAS, de bénéficier, deux fois par semaine, d’une livraison de denrées invendues ou en surplus récoltées auprès du secteur marchand ». Et le succès ici a été immédiat, « à tel point que nous avons décidé que le jeudi midi serait consacré à des ateliers de cuisine orchestrés par Marie-Do et que les plats préparés, donneraient lieu à une table ouverte.» Le jeudi midi à autour de la plus grande des tables du Salon, vient s’assassoir qu le veut, sans obligation d’avoir contribuer au repas. « Un rendez-vous qui permet de mettre en place davantage de dialogue  entre les familles présentes, d’échanger en cuisine mais aussi à table, de créer du lien personnel et culturel. » Une belle réussite.
D’autant qu’au-delà de l’échange, la cuisine c’est aussi tout un symbole. « Pour les mamans en situation vulnérable, pouvoir continuer à assumer la préparation du repas, c’est quelque chose de très important. Ça les valorise. Malgré la difficulté du moment, elles peuvent encore faire ça; nourrir leur famille. Et nous, à travers ce prisme de l’alimentation, on est bien dans notre mission autour de la parentalité, on peut ouvrir des discussions, lancer des perches qu’elles saisissent si et quand elles le veulent. »

La cuisine ''lieu stratégique'' de la Maison des familles

L’approche collective fait mouche

Mais au-delà de ça, la Maison des familles qui organise régulièrement des sorties ou ateliers, encourage et accompagne les parents qui souhaitent mettre en place des projets collectifs. Et encore une fois cette approche collective fait mouche. Ainsi en un peu plus d’un an d’existence de l’association, deux importants projets impulsés par des mamans de la structure ont été menés à bout. D’abord la mise en place et la création de petits-déjeuners en bibliothèque, au sein de la bibliothèque des Capucins. Une initiative qui a fait florès puisque ce rendez-vous va désormais faire partie de la programmation régulière de la bibliothèque à partir du mois d’octobre prochain.
Autre projet d’envergure, un spectacle « Des cases et moi » sur les préjugés et critiques régulières que reçoivent au quotidien les mamans isolées. Travaillée avec deux acteurs autour de la parole de ces mamans excédées de ces jugements à l’emporte-pièce, cette pièce a donné lieu à plusieurs représentations, notamment dans le cadre de la « Quinzaine de l’égalité, la diversité et la citoyenneté » , organisée par la Mairie de Bordeaux à l’automne dernier. Une occasion de plus pour les un(e)s de libérer la parole, et pour les autres, de tendre l’oreille.


Côté chiffres, l’association, qui loue sa jolie maison à Incité, fonctionne à l’année avec 2 salariées à temps plein et un budget d’environ 150 000 euros, dont 40% est assuré par le mécénat.

La maison des Familles de Bordeaux au 107 rue Kléber
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