Les Kfés pros de la Maison de l’Emploi se démarquent par leur longévité. Si des initiatives similaires apparaissent un peu partout en France, elles ne sont souvent que ponctuelles. À Bordeaux, l’entreprise tient sur la durée grâce à l’action bénévole des intervenants : une cinquantaine de coachs, employés des ressources humaines et consultants, font ainsi le choix de consacrer quelques matinées par an à ce qu’ils considèrent être une cause utile. À l’image de Julie Rouaud, consultante de 34 ans « On voit ici des jeunes dynamiques, qui se donnent les moyens. On sent qu’il y a encore de l’espoir. Ce qui donne envie de les aider. »
« Je pense qu’il y a des conseils bienveillants »
Les Kfé pro ne sont pas un speed-dating sous haute tension « C’est un moment confortable, un instant privilégié » raconte Jean-Pierre Perrin-Serres. « Les jeunes peuvent nous poser toutes les questions qu’ils n’osent pas poser en temps normal. Le principe c’est qu’il n’y a pas de danger, on est hors du cadre du recrutement. » Les coachs essaient de faire tomber des croyances, notamment celle de la « question piège », ou celle qui suppose que tout repose sur le contenu de son CV. Comme l’explique l’intervenant, qui confie rêver d’un recrutement sans CV, « La seule chose qui compte pour moi c’est : est ce que j’ai envie de le lire ? ».
Les Kfé donnent des pistes aux jeunes qui cherchent à se présenter avec plus d’assurance face à leurs futurs recruteurs. Et mènent occasionnellement pour le participant à une prise de contact avec d’autres recruteurs. « L’objet n’est pas là, mais si ça se fait, c’est la cerise sur le gâteau» . D’entretien en entretien, un même conseil semble revenir : malgré l’incertitude, les jeunes diplômés doivent apprendre à cibler leurs objectifs, et à savoir renoncer à certaines pistes pour mieux en choisir d’autres. « Le plus grand travers que je rencontre, c’est que les jeunes diplômés ont du mal à faire des choix. Ils pensent que c’est perdre des opportunités, se fermer des portes. Or, plein de portes ouvertes, ça n’est pas un projet »
Quand le monde du travail fait peur
« Avec les Kfé, on essaie de changer le regard des jeunes sur l’insertion. On est souvent face à des jeunes surdiplomés, chez qui on constate une peur de rentrer le monde de l’entreprise » explique Laurence Thomas. Pour Jean-Pierre Perrin-Serres, « On n’est pas souvent confrontés avant le bac, ou même à Bac+2, à des expériences qui préparent ».
Malgré une évolution récente des profils des jeunes qui s’inscrivent aux Kfé, la majorité des participants restent originaires d’Universités au sein desquelles la préparation à l’embauche et à la vie professionnelle est limitée, sinon absente. Plus généralement, un grand nombre de jeunes diplômés, Laurence Thomas le constate, « se sentent assez démunis dans leur recherche d’emploi ». Comme le confirme Charlotte, 25 ans, étudiante en marketing touristique « Dans ma formation, on a une ou deux sessions de formation au recrutement par an, mais elles ne nous aident pas beaucoup. Je suis venue aujourd’hui pour qu’on m’aide à prendre confiance… ce qui est difficile quand on est jeune diplômé, parce qu’on a peu d’expérience »
Appréhender l’avenir avec optimisme
Face à des peurs bien réelles, le message délivré par les Kfé est libérateur. Les coachs ne cherchent pas à diffuser une méthodologie, mais s’emploient à redonner envie, confiance, à éveiller l’esprit critique des jeunes qu’ils rencontrent. « On ne cherche pas forcément des gens bardés de diplômes, mais une personnalité, un savoir-être » insiste Laurence Thomas « Beaucoup des jeunes que je rencontre ne sont pas assez conscients de leur potentiel».
« Laissez-vous découvrir pour qui vous êtes », conseillent les intervenants, qui luttent aussi contre la vision sombre d’un monde du travail où le jeune, en position de dépendance, devrait se plier aux attentes de ses recruteurs, quelles qu’elles soient « Ce que je dis souvent ici » reprend Laurence Thomas, « c’est que ce n’est pas parce que vous êtes convoqués à un entretien que ce boulot est fait pour vous. Je continue à croire qu’on peut s’épanouir au travail, qu’il peut nous faire rêver » D’où l’intérêt de bien le choisir.