L’Actualité du Roman Noir : Visions d’Elle


Denitza Bantcheva : Visions d’elle – Éditions Do- 193 pages- mars 2021- 18 €

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Denitza Bantcheva : Visions d’elle – Éditions Do- 193 pages- mars 2021- 18 €

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Temps de lecture 2 min

Publication PUBLIÉ LE 29/04/2021 PAR Bernard Daguerre

Denitza Bantcheva est une voix particulière du champ romanesque et de la critique cinématographique en France. Depuis près de 30 ans, elle a investi ce double domaine avec un énorme talent. On passe volontiers en sa compagnie de la précision méticuleuse et savante de ses monographies sur Jean-Pierre Melville (Jean-Pierre Melville : de l’œuvre à l’homme-éditions du Revif), mais aussi René Clément et Joseph Losey, à la prose ensorcelante et décoiffante de son roman -fleuve La Traversée des Alpes (éditions du Revif 2006, à quand la réédition ?). Elle a encore d’autres cordes à son arc, que nous laisserons aux esprits curieux le soin de découvrir. Elle avait aussi animé en 2018 la rétrospective Melville que les cinémas Utopia et Polar en Cabanes avaient proposée à Bordeaux.

Avec Visions d’elle, parues aux précieuses éditions bordelaises Do, nous sommes dans un autre registre, et pourtant nous ne quittons pas les principes de sa démarche intellectuelle. En 2002, la mère de Denitza s’est suicidée à Sofia. Rentrée précipitamment en Bulgarie, son pays d’origine, la jeune femme organise ses obsèques, renoue des liens avec ses connaissances de là-bas, range son appartement et ses papiers, et dit-elle « l’idée me vint que tout ce qui me restait à faire pour ma mère, dorénavant, c’était de la raconter. » Ni roman, ni essai, ni livre de souvenirs, ce récit est un objet complexe à définir, tellement sa construction se dérobe à une approche résolument biographique. Livre d’amour, cela va de soi. Nous étions, dit la fille, « sans trop nous en apercevoir, ma mère et moi … en train de passer à l’état de sœurs siamoises. Oui, sœurs : vers mes treize ans, Annie [le prénom de sa mère] avait commencé à devenir adolescente par procuration. » Et ce lien si fort, elles le gardèrent jusqu’à la fin. Peut-être cette sororité est-elle une espèce de clef pour analyser l’itinéraire en miroir de la mère et de sa fille.
Annie, issue d’un milieu très modeste, fut une élève et une étudiante extrêmement brillante, vouée à l’excellence. Mais gagner une place à la hauteur de ses capacités intellectuelles dans la démocratie populaire qu’était la Bulgarie d’alors ne fut pas chose facile pour elle, née en 1947. Dans les interstices de l’histoire de sa vie, soit racontée par elle-même à sa fille, soit dévoilée par les propos de ses proches-la famille, sa mère dite La Sauvage- un dictateur familial en bois brut- d’autres proches, ou encore révélée par certains documents après sa mort, on découvre le poids des services secrets du régime. Comme dans tout bon roman d’espionnage, Annie eut, durant ses études et aux moments cruciaux de sa vie professionnelle une sorte d’officier traitant, pour reprendre le lexique adéquat. Sans s’y appesantir, le récit met en avant sa droiture d’esprit, le sens qu’elle chercha toujours à donner à son existence. Et on découvrira toute la richesse si complexe des relations d’amour et d’amitiés qu’elle sut entretenir. Il nous faut enfin en conclusion dire ce qu’on a perçu de l’originalité de l’approche de l’écrivaine : comme ces négatifs qui sortis du bain dévoilent et fixent à jamais l’image, on dirait que des photos successives ajoutent et éclairent un portrait, doucement, subtilement, complémentairement. Et une femme vivante dans la prose passée, présente et à venir de l’écrivaine.

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