L’Actualité du Roman Noir : La fille qu’on appelle


Tanguy Viel : La fille qu’on appelle – 175 pages – Éditions de Minuit – 09/01- 78F ( 11,98 €). – 10/01

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Tanguy Viel : La fille qu’on appelle – 175 pages – Éditions de Minuit – 09/01- 78F ( 11,98 €). – 10/01

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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 10/12/2021 PAR Bernard Daguerre

Chez le lecteur de Tanguy Viel, son dernier roman procure tout d’abord un sentiment partagé : il retrouve avec plaisir cette absolue perfection de la forme, une écriture qui l’aspire et le soude au récit. Pourtant le motif même de l’intrigue _l’emprise sur une jeune femme d’un homme puissant_, entre tellement en résonance avec des problématiques actuelles abondamment traitées dans les nouveautés littéraires, qu’on pourrait se lasser de cette répétition thématique et interroger la sincérité de l’auteur comme un obstacle à une lecture sereine.

Il y a là une position morale qu’il vaudrait mieux laisser de côté pour s’avancer hardiment dans le cheminement même l’histoire. Soit au commencement, Max, boxeur sur le retour et chauffeur du maire d’une ville maritime. L’élu, Quentin Le Bars, est, lui, une étoile montante de la politique nationale, on le dit ministrable. Max sollicite l’édile pour sa fille, Laura, revenue au pays et en recherche de logement. La beauté remarquable de la jeune femme en fit, il y a quelques années un top model ; elle s’affichait sur les panneaux de la ville, en réclame pour sous-vêtements, voire en simple appareil dans les revues porno. Le Bars procure un logement et un emploi à Laura, au casino de la ville. Il appartient à un certain Bellec, dont l’éternel complet blanc est comme un étendard voyant de sa prestance. Cet homme, lige de l’élu, a beaucoup d’entregent : il a été à l’origine de la carrière du boxeur, puis a en recruté la fille alors lycéenne pour une agence de mannequinat. Parfait personnage de roman noir, il échange avec le maire venu faire pression sur lui pour l’embauche, des propos codés dans leur banalité même : « Cette grammaire des pronoms et des points de suspension, comme deux mafieux qui auraient pour code d’honneur de ne jamais désigner les choses par leur nom ». Dans la droite ligne de cet échange se profile la suite : Laure n’arrive pas à repousser les avances du maire, avant de finalement pousser les portes du commissariat et de déposer plainte contre lui. C’est dès lors l’enchaînement des violences : sociales- une jeune plaignante est-elle à armes égales contre une coalition des puissants de la terre ? institutionnelles- le procureur lisant sa déposition, traduit dans son obsession langagière « Moi, ce qui m’intéresse c’est que tout le monde tienne ensemble » la conscience aigüe de la nécessité d’étouffer l’affaire, – physiques enfin, ce sont les deux boules de cuir de Max le boxeur qui chercheront la vengeance et sa justice.

Pour mettre en image ces affrontements, toute une panoplie de grammaire cinématographique est à l’œuvre : Max, choisi par Bellec « s’était trouvé soulevé et comme gruté de la vie ordinaire », Max et le maire suivant du regard la jeune fille, chacun de son poste d’observation, lui de la berline de maître, l’autre de la fenêtre de son bureau « on aurait dit le relais du regard, deux caméras suffisamment synchrones pour couvrir le champ de sa réalité à elle », comme pour rendre encore plus prisonnière la jeune femme, captive de notre œil de lecteur. L’auteur mobilise des éléments comme issus d’une antique dramaturgie théâtrale pour souligner le poids du destin s’acharnant sur les mortels piégés par la tragédie. Il n’est pas jusqu’à la nature qui ajoute et enfonce comme un coin maléfique dans le décor du roman, lorsque les marées de plus en plus violentes menacent la stabilité de la ville.

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