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PUBLIÉ LE 03/11/2023 PAR Bernard DaguerreVoilà un objet littéraire bien identifié, un vrai roman de rentrée, virtuose et brillant. Luc Chomarat a décidé de régler à sa manière la double angoisse de l’écrivain, celle de la page blanche, et bien sûr en suivant, celle de la rentrée littéraire. Il s’exécute en mettant en place une redoutable mise en abîme, celle du personnage de fiction s’interrogeant sur son utilité, voire son existence même, en somme un personnage en quête d’auteur.
Il s’agit de Delafeuille, éditeur de fiction, dans les deux sens possibles de la formule. Déjà bien présent dans deux romans précédents (L’espion qui venait du livre et Le dernier thriller norvégien), le voilà lui aussi face à un double malaise : angoisse de l’éditeur qui doit à tout prix trouver l’auteur original appelé à triompher sur la scène de la rentrée ; et comme si cela ne suffisait pas, mal-être de Delafeuille qui tombe amoureux de la femme de son ami Luc.
Reprenons l’affaire: au début du roman, Delafeuille se trouve invité pour quelques jours, chez son vieux copain, dans la campagne girondine. Au début, il le verra peu, Luc étant un écrivain tout entier attaché à la rédaction de son œuvre. C’est Delphine, sa femme qui va s’occuper de lui tout au long du séjour. Il développe dès lors un sentiment amoureux pour cette femme exquise, mais hors de portée : explicitement, le livre trace un parallèle entre cette passion et celle qui fait vivre, tout en la dévastant, la petite sirène dans le conte éponyme d’Andersen : même amour déchirant, malheureux, qui n’arrive pas à se déclarer, sans espoir et muet.
Et puis, pour paraphraser un auteur célèbre issue de notre patrimoine national, l’histoire va à sauts et à gambades : on y apprend tout de la rencontre improbable entre un personnage et son créateur, on suit les pérégrinations douloureuses d’un éditeur soumis à l’affreux marché de la consommation littéraire, bref rien que le fonds commun germanopratin. On y traite aussi des nouveaux modes de comportement générés par le mouvement Metoo et, de manière générale, de la question, fondamentale du « narrateur non fiable ». Ainsi, de pirouette en pirouette, dans une langue pétillante qui se moque d’elle-même et de ses bons mots, Luc Chomarat met au goût du jour, une expression ancienne, peut-être un peu dépassée, qui est tout simplement, pour nous lecteurs, le bonheur de lire.
