Michel Casabonne, éleveur laitier à Buzy-en-Béarn (Pyrénées-Atlantiques) est président de la filière lait pour la Nouvelle- Aquitaine. Depuis le salon de l’agriculture de Bordeaux, il alerte: sans une intervention politique forte, les éleveurs laitiers vont vers le déclin et ne parviendront pas à convaincre les jeunes générations de reprendre leurs exploitations.
@qui!: Les jeunes qui préparent un projet d’installation en agriculture s’orientent aujourd’hui plus volontiers vers la production de lait de chèvres que vers le lait de vaches. Pourquoi cette évolution ?
M.C.: Il y a d’abord un élément technique : l’élevage de chèvres impose un peu moins de contraintes en besoin de surfaces. Mais il y a aussi un passé de quinze années de crises laitières successives qui n’encourage pas les vocations. Les coûts ont été revalorisés mais les charges ont suivi le même rythme. La situation reste toujours aussi tendue. C’est pourquoi la filière lait a encore besoin d’un véritable plan de restructuration sinon on va vers le déclin inexorable de la filière lait bovin.
@!: Comment la filière répond-t-elle aux besoins de consommation ?
M.C.: On ne produit qu’un litre sur deux consommés. L’autre litre est importé. Ça montre que si les moyens nous sont donnés, on a la capacité de développer massivement. Mais nous sommes confrontés à une grosse difficulté de renouvellement des générations. Si on élargit le champ des soutiens, au moins ce sera plus motivant pour les jeunes qui envisagent de s’installer ou reprendre un élevage. C’est le deuxième pilier de la PAC qui doit nous aider à négocier ce virage. Le soutien au bien-être animal c’est bien. Le soutien au bien-être des éleveurs c’est peut-être important d’y consacrer quelques efforts aussi.
@!: Pour rédiger cet accompagnement politique, on en est encore au stade de la page blanche ?
M.C.: Elle n’est plus complètement blanche mais il y a encore beaucoup à écrire. Il faut être lucide : la sortie des quotas laitiers a été mal négociée et c’est aujourd’hui la racine de notre problème. D’autant plus exacerbé dans une région comme la nôtre où la production repose essentiellement sur un modèle de fermes familiales mises en concurrence avec les pays d’Europe du Nord qui pratiquent une production sur une dimension industrielle. D’une manière générale, nous subissons des différences de réglementation sociale, fiscale ou environnementale qui nous défavorisent. Pour affirmer nos positions, il nous faut une politique laitière digne de ce nom notamment de la part de la Région qui a la compétence agriculture.
@!: La Région Nouvelle-Aquitaine revendique déjà une politique agricole ambitieuse. Le lait n’est pas concerné ?
M.C: Il nous manque un plan d’envergure. On ne peut pas se contenter de faire semblant avec un peu de bio et un peu de haute valeur environnementale. ll nous faut des mesures de soutien et aussi un allègement de certaines contraintes administratives. Aujourd’hui pour réaliser une retenue pour capter l’eau qui tombe du ciel, il y a beaucoup moins de contraintes en Espagne qu’en France. Et pourtant ces investissements sont utiles pour le bien-être animal et l’adaptation climatique. Et qu’on ne vienne pas nous dire que nous ne sommes pas prêts à nous adapter: dans les années 50, il y a avait moins de 50 millions d’habitants dans ce pays; aujourd’hui on est à 65 millions et on parvient toujours à nourrir la population. Sans compter le rôle de l’élevage pour maintenir de la vie dans les campagnes et modeler les paysages.