L’Europe de proximité fonctionne-t-elle en Nouvelle-Aquitaine ?


Maxime Giraudeau

L'Europe de proximité fonctionne-t-elle en Nouvelle-Aquitaine ?

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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 29/01/2020 PAR Maxime Giraudeau

« Nous souhaitons attirer l’attention sur l’impact de l’Europe pour les territoires » lance d’emblée Adina Revol, conseillère économique à la représentation de la Commission européenne en France. Premier exemple concret : sur la période 2014-2020, l’Union Européenne a accordé 2,5 milliards d’euros à la Nouvelle-Aquitaine. La somme représente le budget annuel de la grande région. Mais surtout, les financements ne sont pas centralisés à Bruxelles : la collectivité régionale gère elle-même les 2,5 milliards alloués. « Les territoires apportent leurs visions et leurs idées » note Adina Revol. Résultat, plus de 100 000 projets ont été soutenus par la région. Parmi eux, la rénovation de la Salle des fêtes du quartier du Grand Parc à Bordeaux.

Salle des fêtes du Grand Parc : un financement européen pour aller plus loin
La structure était devenue mythique après avoir accueilli les groupes The Cure, Metallica, Noir Désir ou encore Les Rita Mitsouko entre les années 1970 et 80. Mais surtout, le lieu était fermé et désaffecté depuis 1993. Un groupe d’habitants et d’associations du quartier s’enquiert alors, au début des années 2010, de la rénovation de la salle. La Ville de Bordeaux envisageait de porter le projet à elle seule. Du moins jusqu’à ce que l’Europe vienne y mettre son grain de culture. Le projet rentre en effet dans le cadre des droits culturels des personnes dans un quartier pauvre et encore enclavé à l’ouest de Bordeaux. « L’Union Européenne veut jouer sur les disparités de développement » rappelle Samuel Brossard, délégué régional aux affaires européennes au Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine. Et encore plus dans une région où le PIB par habitant est en deçà de la moyenne européenne.

En complément des 3,8 millions engagés par la ville de Bordeaux, l’Europe ajoute ainsi 1,2 million pour la Salle des fêtes du Grand Parc. Plus qu’il n’en faut. Alors le financement permet d’aller plus loin. « Nous avons pu créer du lien avec les habitants et les associations du quartier » se remémore Yohan Delmeire, chef de service quartiers, projets de territoire et médiation à la mairie de Bordeaux. La programmation culturelle de la Salle des fêtes du Grand Parc est ainsi co-décidée entre des centaines d’habitants relayés par les associations. Un exemple de réussite d’humanisme culturel permis par l’Europe.

Eurorégion et projet pharaonique

« L’Union Européenne doit beaucoup aux territoires » affirme Henri Lastenousse, secrétaire général de l’association Sauvons l’Europe. Pour une majorité des 450 millions (après Brexit) de citoyens européens, ce n’est pas Bruxelles mais les équipes de proximité qui symbolisent l’action continentale concrète. L’identité européenne se construit avant tout sur le terrain. Pour pousser cette dynamique, Henri Lastenousse a une idée derrière la tête : « un Erasmus des territoires ».

Le principe est de favoriser les échanges internationaux entre équipes de proximité. Échange des pratiques, des initiatives et des compétences, en accord avec l’esprit européen. En Nouvelle-Aquitaine, l’expérience est déjà tentée. La région, déjà large en superficie et forte de 6 millions d’habitants, forme une eurorégion plus grande encore avec le Pays Basque et la Navarre espagnole. Y émergent des projets de coopération communs sur le long terme. En 2025, le projet Golfe de Gascogne devrait par exemple voir le jour. Il s’agit d’une ligne électrique sous-marine reliant Bilbao à Bordeaux par le tortueux Golfe de Gascogne. Le projet pharaonique est le plus gros jamais porté par l’Europe dans le secteur énergétique : 1,5 milliard d’euros au total, financé à plus d’un tiers par l’Europe, pour fournir l’électricité à 5 millions de personnes. « Les structures énergétiques espagnoles et françaises sont complémentaires » démontre Adina Revol. Les attentes sont donc importantes des deux côtés, surtout dans un temps où EDF se reconfigure et demande à vendre son électricité à meilleur prix qu’elle ne le fait avec ses concurrents.

« L’Europe n’efface pas mais fait vivre les identités » intervient Étienne Boutonnet, conseiller municipal de Bayonne. L’exemple est fait pour sa ville et le jumelage avec l’espagnole Pampelune. Grâce à un fonds de coopération transfrontalière, les jumelles ont pu définir une programmation et des projets culturels partagés. « Nous créons un récit et une histoire commune » renchérit-il.

 

Adina Revol, conseillère économique à la représentation de la Commission européenne en France, présente les actions de l'Union Européenne en Nouvelle-Aquitaine. De gauche à droite : Samuel Brossard, Henri Lastenousse et Yohan Delmeire.

Mais où est passé mon député ?

Alors diable pourquoi l’Europe est-elle tant décriée, défiée ? Le Brexit menace de donner des idées à d’autres nationalismes déjà forts de leur position en Pologne, en Hongrie ou en France. Les élections européennes ont fait apparaître bien d’autres dynamiques que le seul clivage libéraux/nationalistes voulu par Emmanuel Macron. Avec une poussée relative des Verts (74 sièges) au même niveau que l’extrême droite, la droite conservatrice domine (182) toujours le Parlement suivie par les sociaux-démocrates (154). La coalition Renew Europe des libéraux dont LREM fait partie a glané 108 sièges. « Et dans tout ça, où est le député européen de ma circonscription ? » demande un spectateur bordelais lors de la conférence. Il n’y en a plus, et pour cause le mode de scrutin a changé entre les élections européennes de 2014 et 2019.

Il n’y a plus 8 circonscriptions régionales en France mais une seule. 79 députés européens sont élus, ne représentant pas un territoire en particulier mais un groupe politique. Un problème d’identification pour nombre de citoyens. La figure de terrain et de proximité nécessaire à la construction du sentiment européen a disparu. Les ordres paraissent donc descendre directement de Bruxelles. Dernier exemple en date : le Green Deal européen proposé par la nouvelle présidente de la Commission, l’allemande Ursula von der Leyen. Le programme pluriannuel prévoit 100 milliards d’euros sur 10 ans pour glisser vers la neutralité carbone en 2050. Des efforts seront demandés aux territoires avec un accompagnement spécial pour les économies des énergies fossiles carbonées. La consigne est parfois difficilement compréhensible au niveau local quand on sait que l’Union Européenne représentera seulement 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre en 2030. Les agriculteurs, au cœur du projet, sont parfois pointés du doigt sur les questions environnementales. « Il n’y a pas une exploitation agricole ou fermière en Europe qui ne soit pas aidée par l’Union » brandit Henri Lastenousse.

Outre les enjeux environnementaux, le secteur numérique est également un terrain à conquérir, dans un monde dominé par les GAFA (Google, Facebook, Amazon, Apple), tous quatre étasuniens. Le nouveau cycle européen ouvert par la constitution de la Commission von der Leyen est donc crucial pour ramener l’Europe sur le terrain des citoyens. Une convention citoyenne européenne aura d’ailleurs lieu à Dubrovnik en Croatie le 9 mai. Le but étant pour les institutions européennes d’écouter l’avis des européens et leurs idées pour une Europe plus représentative. Adina Revol promet que l’institution prendra en compte et fera suite aux doléances émises.

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