Interview : François Bayrou : A la limite on aurait ajouté les Charentes à l’Aquitaine j’aurais dit très bien….


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Interview : François Bayrou : A la limite on aurait ajouté les Charentes à l'Aquitaine j'aurais dit très bien....

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Temps de lecture 10 min

Publication PUBLIÉ LE 05/11/2014 PAR Joël Aubert et Jean-Jacques Nicomette

@qui! – François Bayrou vous recevez demain le premier ministre à l’occasion de sa venue à Pau pour le Congrès de l’Association des Départements de France. Vous allez sûrement lui parler de la réforme territoriale, à commencer par une question que l’on se pose ici : que va devenir le département et singulièrement celui des Pyrénées-Atlantiques ?
François Bayrou
– je vais lui dire : où va t-on ? Le gouvernement pose deux questions.
La première que va devenir le département comme unité administrative ? La deuxième que va devenir le conseil général ? Son assemblée et ses administrations ?
Le département comme unité administrative ne pose pas de problème. Depuis longtempsj’ai préconisé pour sortir du labyrinthe dans lequel nous nous égarons une fusion des département et des régions, les mêmes élus administrant les deux assemblées et une seule administration. Pourquoi ? Je vous rappelle que j’ai été président de conseil général pendants dix ans. Ma certitude c’est que les deux assemblées font la même chose ; c’est à dire qu’elles sont chargées de stratégie territoriale et d’aménagement du territoire.

@! – Même si les compétences de l’une et l’autre ne sont pas les mêmes ?…
F. B.
– En fait, les compétences sont les mêmes ; quand l’une a la compétence collèges l’autre la compétence lycées : ce sont les mêmes ; quand l’un a la compétence route départementale et l’autre route régionale c’est la même… c’est une séparation à l’intérieur des mêmes compétences.
Quant au social, je suis persuadé que pour l’essentiel c’est les communautés de communes et d’agglomérations qui doivent exercer le social parce que là est la vraie proximité

J’ai préconisé depuis longtemps que cette assemblée nouvelle fonctionne de manière décentralisée, les élus d’un département délibérant entre eux quand il y a des problèmes départementaux (routiers ou d’aménagement de zones industrielles) et délibérant avec les autres élus de la région quand il s’agit d’intérêt régional (recherche, université, grands choix industriels) Et là, on avait quelque chose de lisible, et de vraies économies … Au lieu de ça on s’est engagé dans une direction pour moi totalement illisible…. On annonce que l’on supprime les départements. En fait, il en restera trois sortes : ceux qu’on fusionne avec les métropoles, ceux qui se relient on ne sait pas comment aux communautés d’agglomérations et ceux qui restent eux-mêmes. Illisibilité absolue. Et, de surcroît on a compliqué le problème à l’excès puisqu’on a décidé de faire une carte régionale qui éloigne encore le centre de décision régionale du terrain. S’ajoute à cette orientation néfaste le fait qu’en plus on crée pour nous une région qui n’a aucun sens

Qu’est ce qu’une région ? C’est une communauté humaine qui a son identité et qui délibère de son projet. Or quelle identité avons-nous entre Limoges, Bressuire, Pau et Poitiers ? Ca n’a aucun sens.

L’Aquitaine, au fil du temps a forgé son identité

@! –  Revenons-un instant sur l’Aquitaine telle qu’elle est aujourd’hui ? Celle des cinq départements qui la composent ? Est-ce que vous raisonneriez de la même manière si elle était restée dans le périmètre actuel ?
F.B
Non. L’Aquitaine, au fil du temps, a forgé son identité. A la limite on aurait ajouté les Charentes j’aurais dit très bien. L’espace politique c’est l’espace médiatique, il n’ y a pas d’unité entre ces trois régions. Et donc on est dans le n’importe quoi ; pour moi ça ruine l’idée même de décentralisation.

@! – Est-ce à dire que vous rejetez aussi l’idée d’une Aquitaine fusionnant avec Midi-Pyrénées ?
F. B. –
Non mais découpons la réflexion en trois. Premièrement a-t-on besoin de régions plus grandes? la mode est à dire oui il faut des régions plus grande

@!  – Une taille européenne ?
F. B.
– C’est quoi ce sont les lander allemands ? Il y a des lands plus petits que nous.

@! – Au fond vous êtes du même avis qu’Alain Rousset qui dit la taille ce n’est pas le problème
F. B.
– Absolument et du même avis qu’Alain Juppé. Sur ce sujet, tous les trois nous disons la même chose. Evidemment on ne nous écoute pas ; c’est une absurdité. Deuxièmement pour moi il n’est pas vrai que plus c’est grand et mieux c’est ; au contraire plus c’est grand plus on éloigne le centre de décision, plus on a besoin de fonctionnaires et plus ça coûtera cher.

Troisièmement, si on affirme qu’après tout on a besoin de régions plus grandes, plus puissantes, alors il y a une logique : il faut fusionner Aquitaine et Midi-Pyrénées. Qui ont la même culture les mêmes langues, le même mode de vie, la même attirance pour le rugby, les mêmes montagnes. Sur quoi ça achoppe ? C’est que ni Toulouse ni Bordeaux ne veulent abandonner leur vocation de capitale mais ce sera aussi le cas pour Limoges et le cas pour Poitiers. Vous verrez que tout le monde voudra avoir son bout de région, son bout de capitale.

Le délibératif ou l’exécutif pour les uns, le législatif pour les autres, l’administratif pour le troisième. Tout cela n’a ni queue, ni tête et donc c’est absurde. ; ça n’a aucun sens c’est désespérant et ça va faire perdre beaucoup de temps. Je suis navré de dire ça parce que j’aurais aimé qu’au moins sur ce point on avance. Or on n’avance pas, on recule

@! – On évoque du coup un risque d’abstentions dans les élections à venir, dans les départementales d’abord avec des périmètres nouveaux et les régionales ensuite.
F. B. – Tout cela est totalement affligeant.

@! – Est-ce que du coup cela ne risque pas d’encourager un vote protestataire pour le FN notamment alors que sur Pau, par exemple, il a été endigué ?
F. B.
– Pourquoi croyez-vous qu’il a été endigué ? Parce que l’offre politique était intéressante. Pourquoi Le Pen n’a-t-il fait que 10% des voix en 2007 ? Parce que entre Sarkozy, Ségolène Royal et moi quelles que soient les différences il y avait une offre politique qui valait la peine. On a besoin d’une offre politique nouvelle. Autrement les protestataires et il n’ y a pas qu’en France – les sondages disent le FN à 30% et en Espagne Podemos à 27… C’est sans débouché politique car au bout du compte il n’ y a que des impasses. Pour moi les choses sont très claires ; on est en train d’égarer le pays sur quelque chose qui aurait dû être profitable et réfléchi, que les citoyens auraient pu soutenir, s’ils avaient compris de quoi il s’agissait parce que dans le même temps où on crée des régions dont le périmètre sera de 1.300 kilomètres ou plus la région Centre reste toute seule…ça n’a pas de sens.

Vers un Béarn affirmé…

@! – Parlez-nous de votre projet de Pays de Béarn qui ne semble pas forcément toujours bien compris ?
F. B.
– C’est une réflexion qui part du déséquilibre très grand du fait que les Basques que j’aime et que j’admire ont gagné leur identité, bien qu’ils aient des problèmes nombreux…au moins ont-ils affirmé leur image. Le Béarn qui a des atouts formidables, lui, ne l’a pas fait. Et donc lorsque vous constatez un déséquilibre nuisible au développement d’une région vous le corrigez ; c’est le choix que j’ai fait en proposant cette démarche vers un Béarn affirmé.

@! – On vous objecte que ce n’est pas le bon périmètre, que la réflexion devrait se tourner vers la Bigorre et aussi que la démarche n’est pas suivie par une part importante des élus, notamment socialistes…
F. B. – Je peux me tromper mais personne ne pourra s’opposer à cette démarche…Elle est attendue par les gens, va dans le sens d’une attente profonde Si les Béarnais votaient ils voteraient massivement pour cette idée. Quant au périmètre… il n’y a aucune raison pour que nous ne travaillons avec le Pays basque et la Bigorre, aucune raison de se couper de l’un ou de l’autre mais il faut s’identifier soi-même. Travaillons avec le Pays basque ; en plus nous sommes dans le même département et travaillons avec la Bigorre. Parce que il y a une proximité géographique et culturelle.

@! – Concrètement ça se traduirait comment ce pays de Béarn ?
F. B. – Par deux choses : le moins de l’administration possible ; défense en commun de l’identité et solidarité, mutualisation de démarche vers des équipements communs. Lorsqu’on a conçu un équipement important, au sein d’une région, on essaie de mutualiser les moyens pour le faire. Mettons qu’il y ait des projets sur l’aéroport de Pau: ce n’est pas que l’aéroport de Pau, c’est l’aéroport d’une partie du Gers et des Landes.

@! – Quel horizon pour ces pays de Béarn ?
F. B.
– 2015. Et même si les élus socialistes s’obstinent ce sera un sujet des élections départementales.

@! – Pour vous l’identité c’est donc le socle culturel, social, sensible de tout rassemblement…
F. B.
– L’identité, c’est la condition nécessaire pour que se forge une volonté. Dans une association pour forger une volonté il faut savoir qui on est, avoir un nom d’association. Où on va; c’est valable pour une association de boulistes ça l’est, d’autant plus, pour une association qui porte l’histoire, un avenir comme notre région.

@! – Pour en revenir à ce rendez vous avec le premier ministre vous croyez que des évolutions sont encore possibles sur la réforme territoriale ? Le calendrier législatif est loin d’être terminé...
F. B. – Puis-je répondre en posant à mon tour une question naïve… qui en veut ? Qui le demandait ?
Si j’ai bien compris, Rousset dit à peu près ce que nous disons, Juppé dit la même chose et je défends ce point de vue. Encore une fois les Charentes ça aurait eu du sens…
La France est un pays centralisé et qui le restera parce que ses médias sont nationaux. On a l’impression qu’on a des gouvernants qui ne comprennent rien à ce que la démocratie est, et à la manière dont elle fonctionne et doit fonctionner.

Peut être cela vient-il de ce que nombre d’élus sont des parachutés. Cette réalité technocratise la politique et les mandats. Nous sommes très peu à être élus chez nous… Beaucoup ont choisi leur circonscription sur la carte électorale avec l’expert électoral du parti. C’est plus difficile d’être élu chez soi… surtout quand on n’est pas de la couleur dominante de chez soi.

@! – Depuis que vous êtes élu à Pau vous avez dit et redit que vous vouliez allez aller vite… pourquoi ?
F. B. –
Ça c’est une grande question. La crise de la politique, aujourd’hui, vient de ce que les citoyens ont le sentiment – et il est fondé – que la politique ce sont des mots et que les actes ne suivent jamais. Or la dimension du temps et la distance entre la déclaration et l’action c’est un espace tel que rien pour les gens ne rend la politique charnelle et réelle. C’est pourquoi je suis très heureux d’occuper cette fonction ; Je pense depuis longtemps qu’on peut aller vite. Quand Napoléon est venu, ici, un jour de 1806 il y avait cette place il a dit : on va bâtir un théâtre, faire un boulevard. Il est resté moins de 24 heures. ; ça s’est fait . Le théâtre est là, la mairie s’est greffée sur le théâtre et le boulevard est là.

On a besoin de rétablir la proximité entre l’annonce et l’acte pour que les gens y croient de nouveau et c’est la raison pour laquelle je suis très heureux d’occuper cette fonction. J’espère montrer qu’on peut faire vite mais (sourire) tous mes adjoints ou collaborateurs ressentent une pression….

Si c’est Alain Juppé il n’ y aura pas d’obstacle…

@! – Comment analysez-vous la position très favorable en terme de popularité du maire de Bordeaux ?
F. B.
– Je la trouve justifiée, fondée. C’est quelqu’un avec qui je me suis toujours entendu, même dans des circonstances politiques difficiles, quelqu’un que j’estime que j’apprécie. Je crois que nous n’avons jamais manqué au soutien l’un de l’autre.

@! – Un fond de culture commune ?
F. B.
– Oui doublement. Fond de culture gasconne et de culture des humanités. C’est quelqu’un en qui j’ai confiance ; simplement, il a choisi le chemin des primaires de droite et j’ai plus de points d’interrogations que lui… Il y a beaucoup d’embûches sur ce chemin.

@! – Et si Juppé y allait envers et contre tout ?
F. B. – Ce sont les questions devant lesquelles nous sommes. On est très loin de l’événement ; en tout cas si c’est Alain Juppé il n’y aura pas d’obstacle à un accord sérieux entre nous.


Et Pau depuis l’élection de la nouvelle équipe municipale ? « Les Palois sont très contents »

@! – Quels retours le maire de Pau a-t-il de ses administrés depuis qu’il est élu ? La réponse de François Bayrou est sans ambages…
F. B. – Ils sont contents, très contents. On a effacé 60% des tags. Mais il y a plein de gens qui ne se souviennent plus qu’il y avait des tags. Et pourtant, ça s’est fait dans les quatre derniers mois. Dans le quartier du Hédas, il y avait 2.500 mètres carrés de murs tagués.
Il faut tout le temps acter des preuves, tout le temps être sur la brèche, et ce n’est pas fini. Je veux ajouter une chose : nous faisons beaucoup, tout le temps, des économies. Une preuve : nous aurons les 21 22 et 23 novembre l’événement culturel « Les Idées mènent le monde », organisé cette année.sur le thème du bonheur.

Nous avons France Culture comme partenaire. Quand j’ai montré le programme à Olivier Poivre d’Arvor il m’a dit : il ne va plus rester personne à Paris, ce week-end là… Tout le monde est là, et cet événement coûtera 30% de moins que les Salon du livre traditionnel qui n’avait pas beaucoup d’aura.
Pourquoi ? Parce que j’ai refusé de payer qui que ce soit, que toutes les participations sont bénévoles. J’ai refusé de payer pour des partenariats prestigieux. Il y a un grand nombre de choses qui ne sont pas marchandes.
Il n’est pas très facile de me persuader que les choses sont impossibles. L’expérience ça compte.

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