Coopération agricole : 6. Interview: Bernard Solans président des Coopératives vinicoles d’Aquitaine…


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Coopération agricole : 6. Interview: Bernard Solans président des Coopératives vinicoles d'Aquitaine...

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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 25/11/2014 PAR Joël AUBERT

Aqui!: Les Caves d’Aquitaine que vous présidez couvrent un grand éventail de la production viticole régionale..
Bernard Solans :
Nous sommes fédérés au sein d’une même structure qui regroupe les énergies et met en parallèle différentes appellations et elles sont nombreuses… Songez qu’on part du piémont pyrénéen: Irouleguy, Jurançon, Madiran et qu’en passant par les Buzet, le Marmandais, les Duras, les Bergerac l’on remonte jusqu’à la presqu’ile du Médoc, sans parler de Saint-Emilion, avec une cave coopérative ultramoderne et un outil semi-industriel, au milieu des grands crus classés: c’est un ensemble remarquable. Certes, on n’est pas universel en Aquitaine mais nous sommes très présents, avec nos 50 caves coopératives. J’en ai connu jusqu’à 83; dans quelques années, par le biais de restructurations, il y en aura beaucoup moins, mais cela se fera dans un esprit de développement.

La coopérative, autrefois, c’était un silo à vendange où on vidait le raisin.. Aujourd’hui, c’est une véritable entreprise, avec un état d’esprit. D’ailleurs on n’est pas forcément coopérateurs pour la vie; autrefois on s’engageait pour 50 années; aujourd’hui c’est pour 5 ans. Les coopératives ne sont pas des entités capitalistiques: tu es sociétaire parce que tu rentres par du capital social, proportionnel à ton activité, au foncier. Le foncier appartient à chaque individu; ensuite il y a le côté très démocratique de partage des décisions: c’est un homme, une voix.

Ne pas oublier les erreurs du passé
@!:  Comment avoir réussi à fédérer toutes ces caves avec des histoires différentes ?
B S :
C’est venu progressivement et des crises successives y ont contribué. Quand quelqu’un était le plus gros apporteur de la cave, il avait aussi besoin des petits autour de lui…il en est de même pour les coopératives d’importance de plus de 100.000 hl et celles qui en produisent 20 ou 30.000; nous avons  besoin de tous dans un marché structuré où la coopération peut être un levier important. Nous ne représentons qu’à peine 30% de la production viticole en Aquitaine. Avec des variantes. Le Buzet n’a jamais connu de crise, ayant su maitriser la production tandis qu’à certaines périodes, en bordeaux rouge, on exagérait avec des rendements très élevés, notamment dans les années 75-78…

Ce sont des erreurs du passé; on n’y reviendra pas mais je rappelle aux jeunes, de temps à autre, que l’on a frisé la libéralisation des droits de plantation. Nous nous sommes rattrapés aux branches; l’ultralibéralisme était le rêve de beaucoup: on a dérégulé en 2008 avec Mme Fischer Boel (Commissaire européenne à l’Agriculture); nous sommes allés à Bruxelles, avec Denis Verdier…Nous avons remis le couvert avec elle:  je proposais, comme cela avait été le cas en 75-79, des arrachages temporaires et nous ne perdions pas de droits. Oui, nous nous sommes rattrapés aux branches, mais en se flattant d’avoir remis une régulation avec un système qui va être une usine à gaz.  Même avec des droits issus de l’arrachage, il faudra faire une demande, ce sera considéré comme des droits nouveaux; je ne sais pas qui va jouer l’équilibriste en terme d’observatoire économique… Si c’est la production très bien, ou France Agrimer au travers des bassins de production, ou est-ce que c’est l’interprofession dont on sait, qu’en son sein, le poids du négoce a toujours été plus important?

Quand on me parle de VSIG, des vins sans indication géographique, ça me rappelle les années 70-80. Si on plante des vignes, dans l’Entre deux Mers, dans des pariries où il n’y a eu que des vaches, des cépages avec des rendements à trois chiffres, attention danger!… alors que nous sommes en culture AOP, Appellations d’origines Protégées, nous pourrions avoir des déversoirs: il n’y aurait plus de mauvaises années parce que des vins sans Indication Géographique peuvent être produits selon certains cépages – les ugni blanc par exemple- à 100hl/ha. J’ai peur que l’histoire ne se répète, avec les mêmes erreurs.

Je comprends que le négoce veuille faire son marché comme il veut, et qu’il y ait plutôt plus de vin produit que moins. Mais gérer raisonnablement la pénurie nous avantage, gérer en amont avec des fixations de rendement, ne pas tailler la vigne trop long, ni mettre trop d’azote et savoir qu’on a besoin de 5,7 millions d’hectolitres, bon an mal an, et ne pas avoir de surstocks. L’idée de vouloir passer a coté, en ayant ces surfaces qui pourraient être des réservoirs… là, j’exprime une crainte. S’il faut trouver un consensus dans les réunions statutaires, en fin d’année dans nos petites régions, je plaiderais en ce sens. En effet, tous les ans sont désignés les deux délégués de ces régions ce qui créee une répartition géographique des 20 administrateurs. Ceux si sont reconduits ou renouvelés et élisent leur bureau. C’est l’occasion d’une réflexion en interne.

Vivre sa production jusqu’au bout….

@!: Quel rôle joue aujourd’hui la coopération dans l’installation ?
B S :
Nous nous y sommes penchés depuis plusieurs années. Certaines coopératives, devant l’érosion du foncier ou le manque de renouvellement, ont pris l’initiative de créer, par exemple des SCI ou autres. Parfois la coopérative achète du foncier et le met à disposition, en fermage, à un vigneron coopérateur. Depuis quelques années on est revenu beaucoup plus vers l’amont. Dans l’esprit d’un jeune qui fait des études, la coopérative, ça peut avoir un côté frustrant. Cette année, sous l’égide de la DRAAF, la Direction régionale de l’Agriculture, on remet dans les lycées de l’enseignement agricole un kit de formation, comme on le fait à Bordeaux Sciences Agro, dans le cadre du master. Au premier trimestre de l’année qui vient on va réceptionner les classes de ces lycées agricoles, lycées viticoles d’Aquitaine, dans les caves qui sont volontaires, pour faire une matinée pédagogique. Il leur sera présenté ce que peut être l’installation en coopérative… Après, j’en viendrai aux moyens que l’on met à disposition et, le midi, les élèves iront déjeuner chez un viticulteur coopérateur pour discuter avec lui. Nous leur présenterons, aussi, les métiers de l’institution coopérative, sachant qu’il y a besoin d’oenologues, de techniciens du vignoble, de personnels administratifs,  de chais…

Quant au soutien foncier, il faut que les coopératives puissent répondre à des demandes d’aides. Souvent dans les familles, il n’y a pas de succession possible; dès lors comment accompagner un jeune qui, hors cadre familial, a la capacité et la volonté de s’installer ? Si ce n’est en lui apportant une aide financière pour le foncier mais, aujourd’hui, la SAFER nous a redonné un levier en signant avec la Fédération des Caves une Convention qui permet de se porter caution. Nous sommes allés au-delà de l’installation classique, façon Jeune Agriculteur.

Cependant, il nous faut aussi trouver autre chose… Si un jeune veut avoir son château, c’est quelque part un aboutissement. Son vin peut être vinifié à part, comme le font beaucoup de caves, Saint Emilion par exemple, surtout s’il a la capacité de le commercialiser. C’est une réflexion que chaque cave peut entreprendre en interne, ça fait partie du packaging qui doit permettre au coopérateur qui le souhaiterait de vivre jusqu’au bout sa production.

@! :On est loin du silo à raisin…
B S
:Nous avons responsabilisé le coopérateur, en remontant vers lui plus de technicité, plus de précaution, une meilleure assurance au sens propre, comme au figuré. Puisqu »il y a des caves qui s’occupent d’une assurance globale négociée dans l’intérêt du vigneron… Celui-ci passe aussi par l’approvisionnement possible en produits phytosanitaires, que tu n’appliques plus par précaution parce qu’il ya des techniciens vignoble et des vignerons qui participent par zone ; nous avons des relevés quasi permanents. Et l’informatisation, les sms, permettent de conseiller les coopérateurs, en temps réel. Nous sommes de véritables entreprises mais c’est le technicien vignoble qui a le plus de contacts avec le coopérateur, bien plus qu’avec le président et que les élus. Le coopérateur se confie à celui, celle, qui toute l’année va le voir, évoque l’aspect végétatif, la taille, donne des conseils en matière d’amendement…La coopérative qui gère cet ensemble de missions, doit faire attention car elle peut déresponsabiliser l’adhérent; il faut que le coopérateur soit toujours associé et que, dans les commissions, il soit présent ou représenté, à côté des administrateurs. Aujourd’hui, certains adhérents peuvent ne pas avoir toujours l’esprit, car ils en ont marre des papiers et des contraintes diverses. Si ces gens-là vous leur dites videz votre raisin, vous avez un acompte tous les mois  et une Assemblée générale par an pour vous exprimer, vous passez à côté de votre mission. Le coopérateur doit toujours être responsable des actes qu’il a eu à faire, en étant accompagné du début à la fin.

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