Espionnage économique : les conseils de l’ancien patron de la DGSE


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Espionnage économique : les conseils de l’ancien patron de la DGSE

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 21/01/2015 PAR Jean-Jacques Nicomette

Le monde dans lequel nous vivons est en plein bouleversement, rappelle Alain Juillet. Pendant cinq siècles, l’Occident a assuré une prédominance commerciale sur d’autres parties du monde. Il les a conquises, puis dépouillées de leurs matières premières qui, une fois transformées, leur ont aussi été revendues. Un système pervers contre lequel les pays dits émergents ont fini par se rebeller. En imposant leurs propres règles, en exigeant des transferts de technologies, et en bloquant leurs frontières en cas de refus. « Faut-il le leur reprocher ? ».

« Soit on exporte, soit on meurt »« Des entreprises performantes se sont créées dans ces pôles de développement  » ajoute-t-il.  » Comme elles voulaient parvenir à nos standards, elles ont copié, piraté, et elles sont parvenues à avoir des produits d’autant plus compétitifs que la main d’œuvre était moins chère chez elles. Une fois qu’elles ont atteint ces niveaux, elles sont venues vendre chez nous ».

« Dans le même temps, nous sommes dans une région du monde où l’on ne progresse plus. Soit les entreprises françaises exportent, soit elles meurent. Alors que les pays émergents exigent des rapports bilatéraux. Si on ne comprend pas cela, on ne comprend pas pourquoi la concurrence est devenue aussi terrible aujourd’hui ».

Internet, le passe-partoutQue faut-il faire pour vendre ?  Etre mieux informé, et l’être plus rapidement que les autres, résume Alain Juillet. Cela, afin de savoir quel type de produit proposer, dans quel environnement, et avec quelles caractéristiques. « Aujourd’hui, 95% de tout ce que l’on veut savoir  à ce propos est disponible dans le monde entier. La seule difficulté, c’est la langue. Celle-ci est devenue la dernière barrière pour protéger les infos. Si on maîtrise la traduction, on a accès à tout. »

Sans parler de la mine d’or que constituent les réseaux sociaux. « En 2000, on n’imaginait pas une seconde que tout le monde raconterait sa vie sur le web. » Du coup, certains s’organisent.  » Les Américains construisent dans l’Utah un centre qui stockera toutes les communications mondiales pendant 40 ans. L’objectif, c’est 100 ans. Je ne vous dis pas que c’est grave. Mais ça change les règles du jeu ».

Les organisations criminelles sont entrées en bourseUn « jeu » dans lequel toutes sortes d’acteurs interviennent. « Les premiers sont les organisations criminelles.  Pour blanchir leur argent, elles ont racheté des sociétés côtées en bourse, qu’elles contrôlent parfois à 100%. Qu’est-ce que ça change ? Elles appliquent leurs méthodes. C’est-à-dire que tous les moyens sont bons. Une hyper concurrence s’instaure donc avec des gens qui n’ont aucune règle. »

Les ONG, « de plus en plus puissantes », sont également à prendre en compte. « Elles peuvent mener des opérations d’influence susceptibles de déstabiliser une entreprise et de la conduire à la faillite. Leurs objectifs peuvent parfois  être moraux. Mais il faut aussi savoir que 70% des ONG sont contrôlées par un Etat ou des entreprises ».

En d’autres termes, « tout devient extrêmement complexe dans un monde où nos entreprises doivent se développer » remarque Alain Juillet. Avant d’inviter également ses interlocuteurs à « apprendre à douter ». Car notre système de communication, où le buzz est roi tandis que l’info vérifiée devient une denrée rare, fait que « 20% de tout ce que l’on entend, lit, ou voit est faux ».

« Si le patron ne croit pas à la sécurité, personne n’y croira »Aller chercher la bonne information est une chose. Empêcher les autres de dénicher chez vous des renseignements essentiels à la survie de votre entreprise en est une autre.  

En matière de sécurité, Alain Juillet distingue  trois grands domaines. Celui des personnels d’abord, qui lui permet d’énoncer un principe :  » Tout le monde est concerné, le patron le premier. Car si le chef ne croit pas à la sécurité, personne n’y croira. Et cela ne se limite pas aux badges à l’entrée. Il y a des sociétés où, lorsque l’on quitte le travail, personne n’est autorisé à laisser un papier sur son bureau ». Quant aux réseaux informatiques internes, mieux vaut en surveiller les accès, quels qu’ils soient. « Un hacker peut aller partout. Dès qu’il y a un lien, il entre ».

Le matériel est aussi pris en compte. Même si,  là comme ailleurs, divers niveaux de protection, ou priorités, doivent être définis. «La plupart de nos machines sont automatisées, avec des programmes. Or, il existe des virus spécialement destinés à les saboter, en augmentant leur cadence par exemple. Ce qui va les endommager. On commence à voir des organisations criminelles téléphoner à un patron pour lui dire qu’elles ont piégé ses équipements, et réclamer une rançon ».

L’immatériel : un domaine ultra sensibleVient enfin le domaine immatériel, telles les banques de données. « C’est là où l’on peut voler le plus de choses. Il y a quelques semaines, une usurpation d’identité numérique d’un dirigeant a été commise dans une entreprise, en donnant l’ordre de verser 1,5 million d’euros sur un compte, soit disant dans le cadre d’une négociation en cours » explique l’ancien patron de la DGSE, pour évoquer par exemple la précaution élémentaire que constitue la double signature.« Au cours des trois dernières années, 250 millions d’euros ont été volés comme ça. Sans que l’on ne puisse rien récupérer ».

Notre arsenal juridique reste en effet perfectible. Une loi sur le secret des affaires doit, certes, sortir d’ici peu en France et permettre une  certaine protection des entreprises, reconnait Alain Juillet. Mais la guerre, elle, bat déjà son plein.

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