Echos des relogements au Bas Floirac


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Echos des relogements au Bas Floirac

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 30/04/2008 PAR Piotr Czarzasty

Seulement deux bâtiments seront épargnés dans la Cité, les résidences Brossolette et Jean Saint Marc. A la place des logements démolis, 327 seront construits sur le site même de la Libération. Dans ce chiffre, 94 seulement seront des logements sociaux. Ils s’ajouteront à quelques 180 déjà existants dans les résidences Brossolette et Saint Marc. Pour combler la différence, la construction de nouveaux logements sociaux est prévue sur le site des Etangs et de la friche industrielle de Black Clawson. Le but étant de construire autant de locatif social que d’en démolir.

« On n’est pas pressé »
Les bâtiments concernés par la première tranche de démolition donnent déjà l’impression d’un compte à rebours déclenché depuis un certain temps. Plus de la moitié des appartements est déjà vide ; leurs portes condamnées, sans poignées ni sonnerie en témoignent très vite. C’est un silence impressionnant qui règne, il est difficile de croiser qui que ce soit. Mais ceux qui sont encore là ne sont pas prêts à quitter leur logement du jour au lendemain. Certains viennent de refuser une nouvelle proposition, d’autres n’en ont même pas encore reçue. Personne ne semble de toute façon pressé depuis qu’il est devenu clair que la démolition n’interviendrait pas avant 2010. Et puis « On est bien ici. » comme le souligne Aura, 43 ans, mère de trois enfants.

Un attachement au quartier
Les habitants du quartier semblent réellement avoir du mal à s’en séparer. Famille, amis, voisins : ce sont des liens étroits qui se sont tissés, de vraies communautés de « voisinage ». Et puis bien sûr les enfants, leur école, leurs amis ; toutes installations à proximité (boulangerie, tabac, supermarché etc.), autant de raisons qui expliquent une certaine réticense envers le relogement. Les chiffres le confirment d’ailleurs ; comme dans les quartiers de Lormont ou Cenon qui sont aussi l’objet d’une rénovation urbaine, environ ¾ des habitants concernés par le relogement, veulent rester, si possible, sur le quartier ou dans la ville. « C’est un quartier calme, un peu en retrait, les enfants ont déjà beaucoup d’amis ici ; moi même je me suis investie dans plusieurs actions associatives. » explique Edith, 40 ans, employée au CHU. « Cela m’angoisse de déménager. » nous fait part de son côté Aura. « On s’entend vraiment bien ici, quand l’une ne peut pas venir chercher son gosse à l’école, un coup de fil et c’est réglé, la voisine s’en charge. » raconte Aura.

Certains ne partagent pas cet esprit communautaire et voient le relogement comme une opportunité. « Je vais habiter à Cenon, je serai tranquille là-bas avec mon petit jardin ; je suis content de partir. » nous dit Roger, 68 ans. D’autres semblent soulagés du simple fait que leur immeuble soit « plus tranquille » après que la plupart des voisins aient déménagé. Ces opinions semblent tout de même assez peu fréquentes.

Une angoisse liée au neuf et inconnu
Touria, 33 ans, en congé de maternité, vient de déménager, il y a quelques semaines, dans le Haut Floirac. On l’a rencontrée dans un de ces immeubles de la Cité de la Libération en train de bavarder avec son voisin. Elle vient assez souvent, tant elle a du mal à se séparer de toutes ces têtes familières. « Je ne sais pas comment je vais m’adaptesiteliberationr à ces gens nouveaux. » nous dit-elle. « J’ai mes attaches ici. » explique pour sa part Aura « … On ne sait jamais, en fait, sur qui on va tomber, c’est ça le plus inquiétant. » Jacques Mayoux, directeur d’Aquitanis, bailleur social dans le quartier Libération, rappelle que « tout changement porte en soi une certaine incertitude, c’est normal, mais si on veut introduire un peu de mixité sociale, c’est exactement ce qu’il faut faire. Si les gens ne sortent pas du cadre de leur entourage traditionnel, s’il n’y a pas d’échange, il en résultera un appauvrissement culturel et social. »

Mais il y a un autre problème qui surgit, et qui concerne les nouveaux logements, pour ceux qui doivent quitter la Cité Libération. « Les appartements sont sales, des prises ne marchent pas et on ne se presse pas de vanir régler le problème. » remarque Touria. « Pour ce qui est du neuf », répond M. Mayoux, « il y a toujours des problèmes de finition, mais globalement les locataires sont à 80% satisfaits de leur nouveau logement. »

Un loyer plus élevé
La question du loyer s’avère néanmoins la plus préoccupante pour les habitants. « On nous avait dit qu’on ne paierait pas plus que dans les anciens logements ; c’est de la pub mensongère. » s’indigne Aura « Les gens sont forcés de prendre un T2 alors qu’ils avaient un T4, par exemple; parce qu’avec leur niveau de revenu ils ne peuvent pas avoir plus. » M. Mayoux confirme que, certes, le niveau du loyer est de 10 à 15% plus élevé mais « avec l’augmentation des coûts de construction, on ne peut plus avoir un logement neuf au même prix qu’il y a trente ans. Cette augmentation de 10/15% ne veut encore rien dire si l’on ne regarde pas le rapport qualité-prix. » Et celui-ci demeure, paraît-il, « imbattable » si on prend on compte que les habitants changent pour du neuf à une différence de prix relativement basse.

Charges non-comprises
Les habitants reprochent encore d’avoir été désinformés sur le montant exact des dépenses, liées au nouveau logement. Ce fut une grande surprise que de se rendre compte que les charges (gaz, électricité) n’étaient pas réglées sur la même quittance, comme ce fut le cas jusqu’à maintenant. « Cela reviendra moins cher. » assure M. Mayoux « On paiera vraiment pour ce qu’on a consommé et non une somme imaginative, imposée, indépendamment du taux de consommation réel. » Aquitanis rassure en même temps qu’il s’engage à couvrir la moitié de la différence du prix entre le vieux et le nouveau loyer.

Le processus est donc enclenché. Il n’est plus possible de faire marche arrière. Un projet, certes, ambitieux que cette introduction de mixité sociale dans les quartiers. Mais ne s’avère-t-elle pas un peu forcée en entrainant, du moins pour l’instant, un éclatement de communautés soudées depuis des années ?

Piotr Czarzasty



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