Darwin : l’entente cordiale (?)


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Darwin : l'entente cordiale (?)

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Temps de lecture 10 min

Publication PUBLIÉ LE 27/06/2018 PAR Romain Béteille

Soutien affiché

« Assez de fake news, assez d’insultes envers BMA et ses collaborateurs. On est prêts à faire en sorte que cet écosystème prospère mais dans le cadre de la loi, on n’est pas dans une zone de non-droit ». Les mots du maire de Bordeaux ce mercredi 27 juin ont été plutôt fermes et définitifs concernant les difficultés juridiques et administratives rencontrées par l’écosystème Darwin, qui prévoit déjà d’accueillir la quatrième édition du festival Climax en septembre prochain. C’est que la situation est plutôt compliquée depuis plusieurs mois entre le groupe Evolution, concepteur et exploitant de l’écosystème Darwin, ses usagers permanents et Bordeaux Métropole Aménagement, l’aménageur désigné par la collectivité métropolitaine pour la mise en place de la ZAC Bastide Niel, située autour des bâtiments de Darwin. Le ton d’Alain Juppé, à la tête des deux collectivités qui essayent tant bien que mal de ranimer la flamme entre deux partis en froid, était donc au « débunkage », opéré par l’adjointe Elizabeth Touton, chargée de continuer les négociations en cours.

On a ainsi appris que dans le courant de la semaine, une nouvelle médiatrice avait été désignée par Darwin pour essayer de régler les différents litiges opposant le site à BMA. Il s’agit de Nathalie Bois-Huyghe, présidente du lycée Edgard Morin et co-présidente de la fédération des cinquantes associations installées au sein du site de Darwin. Le maire de Bordeaux a clairement tenter de démystifier la rumeur selon laquelle la collectivité souhaitait « mettre des bâtons dans les roues » aux fondateurs de l’écosystème, le tout avec un constat on ne peut plus direct. « Sans le soutien constant de la ville de Bordeaux et de la métropole, l’écosystème Darwin n’existerait pas. Ca a commencé en 2009 lorsqu’il a été question de céder à Darwin les magasins généraux nord pour qu’ils puissent y développer leur projet. Ce projet nous a séduit et nous avons pris les dispositions pour que ces magasins puissent être cédés à Darwin ou plus exactement au groupe Evolution dans des conditions qui lui permettent de développer son activité, c’est à dire à 30% en dessous du prix du domaine. Ca n’est pas du favoritisme, c’est généralement admis lorsqu’il s’agit de développer des projets un peu originaux, des PME ou des projets culturels », a ainsi précisé Alain Juppé.

Concessions actées

« Trois ans plus tard, j’ai décidé de racheter 1000 mètres carrés de bureaux à la SAS Darwin pour y créer une pépinière. C’est un investissement de nos collectivités de 2,6 millions d’euros que nous avons mis sur la table pour aider au développement de Darwin. Cette dépense a été co-financée par la ville, la métropole, le FEDER, la Région et le Département. Darwin a développé ses activités sur les berges de Garonne sur des territoires sur lesquels il n’était pas titré. Ces terrains appartiennent au port autonome pour la plupart d’entre eux et font donc l’objet d’autorisations d’occupation temporaire (AOT). Les AOT sur lesquelles Darwin a développé ses activités étaient devenues caduques, nous étions donc dans une situation de vide juridique total. J’ai demandé à ce qu’on régularise les AOT, cela a été fait avec une nouvelle AOT sur 20 ans dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle n’est pas au niveau du marché : 15 000 euros par an sur des activités qui sont en grande partie commerciales (les chantiers de la garonne étant constitués d’une fabrique de bière, d’un restaurant et d’une salle pouvant être louée). Dès l’origine, j’avais indiqué à Darwin que les locaux dans lesquels les darwiniens ont installé un skate park et des associations ne pouvaient être mis à disposition qu’à titre temporaire puisqu’ils se trouvent sur l’emprise de la ZAC dans laquelle notre société d’aménagement (BMA) avait des projets de construction. Cette occupation temporaire devait s’achever en 2015 pour le skate-park et 2016 pour les locaux associatifs et Darwin en était parfaitement au courant. Entre temps, nous avions participé à la réhabilitation du local dans lequel le skate-park est installé et 150 000 euros sur 195 000 ont été payés par la collectivité. Malgré les engagements pris, Darwin m’a expliqué qu’il n’était pas question pour eux d’évacuer ces locaux. Dans un ultime geste de bonne volonté, j’ai accepté de demander à la métropole de racheter cette emprise à BMA qui en est propriétaire pour un montant de 3,5 millions d’euros et j’ai indiqué à Darwin que j’étais prêt à mettre ces locaux à leur disposition de manière définitive et durable soit en les leur vendant soit en leur consentant un bail amphithéotique avec un loyer là aussi adapté ».

Ces deux ilôts, B17 et B18 dans lesquels sont installés le skate-park, Emmaüs et plusieurs associations sportives font aujourd’hui l’objet d’une proposition de cession à Darwin. « Lors d’une précédente réunion, le représentant de Darwin s’est empressé d’accepter en expliquant qu’il n’avait pas de problème puisque les sociétés qui sont derrière Darwin disposent de 85 millions d’euros. Cette proposition est toujours sur la table. Enfin, en 2014, nous avons mis en compétition les magasins généraux sud. Un concours a été lancé, nous avons eu deux offres intéressantes. Nous avons décidé de choisir le projet de la société Evolution en privilégiant sa dimension culturelle originale, avec son projet des « magasins généreux » (7000 mètres carrés). Il a fallu mettre une forte pression pour que l’acte de vente soit signé, car BMA considérait que les garanties n’étaient pas à la hauteur de ce qui était attendu. Aujourd’hui, Darwin est propriétaire de cet espace. Nous avons aussi fait en sorte que le permis de construire soit délivré dans des conditions très dérogatoires avec le plan d’ensemble de la ZAC ».

Règles à respecter

Du point de vue de la collectivité, des concessions ont donc été faites. Il reste cependant quelques points de discorde qu’une prochaine réunion entre les services municipaux et la nouvelle médiatrice de Darwin, planifiée pour l’instant à l’horizon du 10 juillet, auront à charge de régler. La première difficulté est celle de la sécurité. Darwin organisant régulièrement des manifestations accueillant du public, « le site est donc assujetti à la règlementation des ERP. Ils organisent des manifestations recevant quelquefois des milliers de participants. Tout ça est très bien à condition que la commission de sécurité puisse être saisie et puisse passer, comme c’est la loi, avant ces manifestations pour vérifier que les bâtiments soient bien conformes. On a eu beaucoup de mal à faire accepter cette règle et beaucoup de manifestations ont été faites sans intervention de la commission. C’est en cours de règlement, d’autant plus que la responsabilité engagée est celle du maire. Il reste encore quelques difficultés au niveau du dépôt, c’est à dire le bâtiment dans lequel Emmaüs et certaines associations sont installées, mais on doit pouvoir arriver à régler cette question ».

Deuxième sujet de discorde : la question des espaces publics. « On est en bordure de la ZAC Bastide Niel qui est en phase opérationnelle, il y a donc des aménagements à opérer, des voieries et des réseaux a aménager. Il n’est pas question de privatiser ces espaces publics, je pense en particulier à l’allée cavalière : ça n’est pas une voie privée et Darwin en a parfaitement convenu. Il y a des travaux à faire. J’entends dire que ces travaux asphyxient Darwin. Mais ne pourrait-on pas penser aux commerçants de la rue Fondaudège, aux riverains et commerçants de la Place Gambetta, de la rue Nancel Pénard… n’ont-ils pas des travaux ? J’ai donné comme consigne de faire en sorte que ces travaux soient le moins nuisants possibles pour les activités de Darwin. Nous avons d’ailleurs fait un nouveau geste en demandant BMA d’aménager un parking provisoire de 200 places pour faciliter la vie de Darwin. J’attends aussi leur confirmation sur la proposition faite concernant l’ilôt B17 et B18 : veulent-ils acheter ou préfèrent-ils louer sur un bail de longue durée ? Nous sommes prêts à en discuter ».

Le point suivant est, de l’aveu même du maire de Bordeaux, « sans doute le plus sensible. Au-delà du B17 et du B18, Darwin occupe des espaces qui ne lui appartiennent pas et qui sont propriété de BMA. Ces espaces doivent être libérés ». BMA a d’ailleurs récemment déposé une plainte contre X pour occupation illégale des terrains sur lesquels se trouvent les tétrodons et la ferme ubaine, plainte semblant davantage brandie comme une condition suspensive à la libération des tétrodons que comme une menace réelle. « On y trouve des tétrodons, soit des espèces de caisses dans lesquelles on prétend faire vivre des gens. Darwin s’est engagé il y a quelques mois à évacuer les personnes vivant dans ces tétrodons et à évacuer les tétrodons eux-mêmes. Ce dernier point n’est pas fait, il en reste 27 dans lesquels on me dit qu’il n’y a personne. J’ai appris indirectement que l’on voudrait y mettre des mineurs non-accompagnés. J’ai immédiatement écrit au Président du Conseil Départemental (en charge de l’accueil des mineurs non-accompagnés) pour le mettre en garde : on ne va pas mettre des mineurs dans des espèces de boîtes dont les conditions de salubrité et de sécurité ne sont absolument pas adaptées, qui plus est installées sur les terrains d’autrui à un moment où il y a une procédure demandant une libération des terrains. J’espère que le Président du Conseil départemental assumera ses responsabilités et dissuadera ceux qui avaient eu cette idée de le faire ici. Naturellement, la ville et la métropole sont disponibles pour aider à accueillir des mineurs non-accompagnés ailleurs : pourquoi pas chez Darwin dans les magasins généreux où ils sont propriétaires ».

Enfin, le dernier point concerne le lancement officiel de l’opération des magasins généreux, qui n’est toujours pas acté bien que le contrat ait été signé depuis sept mois. « Si un accord sur ces différents points était réalisé de façon formelle, je suis prêt, malgré les avis contraires, à examiner la situation de la ferme urbaine ». Cette dernière pourrait ainsi être protégée d’une éventuelle destruction prévue par BMA qui souhaite la remplacer par un parking (comprenant 34 places et étant inscrit dans le projet des magasins généreux). « On ne va pas se battre pour quelques milliers de mètres carrés. Il serait raisonnable de la déplacer, elle n’a pas sa place et elle ne répond pas aux exigences préfectorales qui demandent une autorisation environnementale puisqu’on est dans un secteur très pollué. En plus, cet espace se trouve sur un emplacement sur lequel nous serons obligés de faire des travaux d’assainissement pour desservir les quartiers. Cela dit, nous avons fait une proposition de réinstallation de cette ferme à une distance pas très éloignée ». Voilà pour la version officielle. Du côté de Darwin, en revanche, les anciens interlocuteurs (dont Philippe Barre, l’un des co-fondateurs) avec qui la confiance a été déclarée comme « rompue », n’ont pas exactement la même vision des choses. Pour eux, la décôte de 30% correspondait, à l’époque au prix du marché. Concernant les tétrodons, Darwin déclare attendre une autorisation temporaire de six mois « le temps qu’un accord soit finalisé ». Pour les ilôts B17 et B18, Darwin affirme qu’une réponse par courrier a été déposée il y a six mois » mais qu’elle est restée sans réponse. La nouvelle médiatrice, particulièrement prudente, souligne quant-à elle une « avancée positive, des discordes basées sur des malentendus » et « une confiance à reconstruire mutuellement ». Reste qu’en attendant, de nouvelles manifestations sont prévues à Darwin.

Accord à trouver

Peu importe le fait qu’elle soit d’une envergure moins importante que les années précédentes, la quatrième édition du festival Climax devant se tenir en septembre doit encore régler quelques « points de détail », notamment au niveau de la sécurité. Interrogé, l’adjoint municipal en charge de la culture Fabien Robert est plutôt rassurant sur l’avancée des négociations sur ce point. « Il y a déjà un système de sécurité établi dans le cadre du périmètre fermé. Sur les quais, c’est l’aire de cirque Rafael Padilla qui est elle même une aire d’accueil d’évènements que l’on sait déjà sécuriser. Les deux restaurants autour (dont la Guinguette Alricq) sont aussi des périmètres fermés. On a des sujets de discussion : on pourra peut-être bloquer la route le soir parce qu’il y aura beaucoup de monde ou mettre des blocs-stop en béton provisoires mais ce n’est pas des zones totalement vierges d’accueil du public. C’est donc sécurisable, mais c’est à eux de nous présenter les plans et les moyens techniques ». BMA, qui devait d’ailleurs entamer des travaux de réseaux au sein de l’allée cavalière aurait donc choisi de les reporter de trois mois pour ne pas perturber le déroulement de Climax. Au tour de Darwin de préciser son cadre au moyen d’un dossier de manifestation publique (comme c’est le cas pour tous les grands évènements publics comme, dernièrement, Bordeaux fête le vin) qui devra être déposé avant le six juillet prochain. On l’a compris, le flou d’opinions autour de ce dossier a semble-t-il forcé le maire de Bordeaux a passablement durcir le ton. Les futures réunions de concertation auront à charge de mettre au rebus les divergences d’opinion et de calibrer un accord définitif. Pas sûr, en revanche, que ce dernier n’accouche tout de suite…

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