« Cordon numérique » au CHU de Bordeaux


Solène Méric

"Cordon numérique" au CHU de Bordeaux

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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 13/04/2017 PAR Solène MÉRIC

Les kilomètres et les allers-retours entre leur maison à Rochefort et la chambre de leur petite fille Léane au CHU de Bordeaux, née le 27 mars dernier, Laetitia et David ne connaissent que trop bien. C’est parce que le bébé souffraient d’une grave détectée dès avant la naissance, que l’accouchement a du être programmé le 27 mars dernier au CHU de Bordeaux dont l’unité de néonatologie est la seule habiliter au niveau régional pour ce genre de prise en charge. Après une première semaine passée au côté de sa fille, suite à son accouchement, Laetitia désormais, est rentrée chez elle à Rochefort. Les visites parentales à leur bébé sont rythmées par les jours de repos de son mari, à savoir 2 jours par semaine. Mais, depuis Rochefort, chaque jour, le couple peut consulter une nouvelle vidéo de leur fille restée à Bordeaux. Bien sûr, il manque les caresses et la parole, mais Laetitia et David peuvent voir leur bébé, telle qu’elle est, parfois tranquillement endormie, parfois éveillée. La vidéo a une durée de 30 secondes, mais à chaque fois c’est l’enthousiasme. « C’est vraiment une très bonne initiative ! On la voit bouger, elle a parfois les yeux ouverts… Même si on est loin d’elle, la vidéo nous rapproche, on se sent près d’elle. C’est aussi une manière d’avoir des nouvelles. Bien sûr on téléphone au service, mais là, on le constate par nous même… C’est génial ! ». En bref, pour des parents inquiets, des images valent mieux qu’un long discours.
Au-delà des parents, c’est à tout le cercle familial proche que la vidéo apporte du réconfort. Pour Léane, ce sont ces grand-parents qui sont heureux de pouvoir admirer leur petite-fille qu’ils n’ont pu voir qu’une fois, derrière une vitre. Pour d’autres, c’est le lien de fratrie qui ressort grandi de ces petites vidéos quotidiennes.

Laetitia et David, parent de la petite Léane est bénéficiaire du Cordon numérique, lorsqu'il ne peuent pas se déplacer à Bordeaux

Ne pas louper « le début du film de l’histoire de son enfant »

Un dispositif plus que précieux puisqu’en moyenne, 50% des familles des enfants hospitalisés dans l’unité de néonatologie de l’Hôpital des Enfants du CHU de Bordeaux sont domiciliées hors Bordeaux Métropole, à plus de 50 kilomètres voire hors Gironde à l’image des parents de Léane. Mais, dans d’autres cas, ce « Cordon numérique » permet de relier un nourrisson hospitalisé à une jeune maman dont l’état de santé précaire après un accouchement difficile, ne permet pas de se déplacer de la maternité jusqu’à la néonatologie (situées dans deux bâtiments différents du CHU) avant plusieurs jours.
Pour l’équipe médicale, l’essentiel c’est que le lien parents enfant soit maintenu, malgré la séparation physique. « C’est non seulement un confort et un besoin immédiat pour les parents qui viennent de donner naissance à un enfant, mais c’est aussi un gage de prévention sur la qualité du lien futur avec leur enfant », soulignent Anne Dumas Laussinotte, cadre de santé de l’unité de néonatologie, qui a mis en place le service, avant de passer le relai à sa collègue Christelle Lecomte, désormais en charge de la gestion du dispositif. Celui-ci compte 16 caméras installées sur 27 lits que compte la néonat. « Permettre aux mamans de voir leur nouveau né hospitalisé, c’est aussi enlever une part de culpabilité dans un moment où elles sont déjà en souffrance », explique aussi pour sa part Véronique Jégo, sage-femme à la maternité du CHU. Quant au Docteur Jean Sarlangue, Responsable de l’unité de néonatologie, reprenant l’expression d’une maman pour laquelle, à l’époque, aucun dispositif n’existait, le cordon numérique permet de ne pas « louper le début du film » de la vie de son enfant, lorsque après la coupure du cordon ombilical, les soins médicaux nécessitent une séparation souvent brutale et parfois prolongée…  »

Hopen Project a relevé les nombreux défis du projet

Mais ce projet, aujourd’hui réussi, est issu d’une longue et relative difficile gestation. « Tout a commencé il y a plus de 10 ans », se remémore Benat Cazenave Président de l’association Aquitaine Destination, qui a permis de financer le projet. Et celle, comme elle le dit joliment, « qui a planté la petite graine », c’est la cadre de santé de l’unité néonatologie de l’époque, désormais retraitée, Roseline Roux. « Dans mon métier j’ai toujours mis en avant le projet enfant-famille, et veillé à ne pas dissocier le bébé de ses parents ». Alors sa méthode à elle c’était de prendre des photos « polaroïd » des bébés prématurés qu’elle amènait aux mamans restées à la maternité. « Mais la photo ce n’était pas suffisant. J’avais entendu parler de la visio communication, je me suis dit qu’il y avait peut-être là une piste. J’en ai parlé à Benat Cazenave, qui s’occupait à l’époque, via son association, d’un projet informatique à un autre étage de l’Hôpital des enfants ». L’association a alors pris à bras le corps cette idée…. « jusqu’à atteindre les limites associatives et bénévoles en terme de compétences, poursuit Benat Cazenave. Il y a 3 ans, nous avons finalement choisi de faire appel à la start up Hopen Project pour la partie technique ».
Il faut dire que les défis de ce projet totalement précurseur, étaient en effet nombreux. « Il y avait un défi déontologique qui était d’apporter de la plus-value à la néonat, sans freiner le bon fonctionnement du service. Un défi autour de la sécurité et la protection des données, et notamment des vidéos, et enfin il y avait un défi sur l’identito-vigilence pour être sûr que le bon bébé soit sur la bonne caméra… », liste Nelly Meunier, co-fondatrice de la start-up. Un tryptique de complications qu‘Hopen project, avec la complicité du service de néonatologie, a réussi à lever… tout en mettant au point un système simple d’utilisation, tant du côté des personnels hospitaliers pour réaliser et envoyer les vidéos que des parents. Le petit plus: ceux-ci sont avertis par texto et mail, dès qu’une nouvelle vidéo de leur enfant les attend sur une plateforme dédiée et sécurisée. Vidéos qu’ils ont la possibilité d’enregistrer et de conserver.

Financé par des associations

Après un an d’installation technique, et un test auprès de deux couples de parents en juillet dernier, le dispositif s’est peu à peu déployé : 2, 6, et désormais 16 caméras ont été installées. En moins d’un an, ce sont presque 40 familles qui ont ainsi pu bénéficier de ce cordon numérique.
Du point de vue financier justement, le coût du projet, est entièrement assumée par l’association Aquitaine Destination est de 115 000 €. « Une somme qui couvre l’étude du projet, l’achat des caméra, l’aménagement des plafonds du service (câblages, etc…) et l’achat des outils informatiques », détaille Benat Cazenave. En ce qui concerne le coût de la connexion, là encore, c’est une association Educ enfants 33, créée par Anne Dumas Laussinotte, qui le prend en charge pour 180€ par mois. Au total, le cordon numérique, auquel les parents deviennent vite « accrocs » témoigne le personnel, leur est donc totalement gratuit.
Un beau projet, que la start-up voudrait déployer au sein d’autres hôpitaux, mais dont le montage financier via uneassociation reste le point faible regrette Nelly Meunier. Son objectif désormais, parvenir à séduire, dispositif bordelais à l’appui, des mécènes et grandes fondations pour pouvoir financer l’implantation de ce service innovant et essentiel.

Les trois cadres de santé de l'unité de néonatologie successives: Christelle Le Comte, Roseline Roux, Anne Dumas Laussinotte et le Dr Jean Sarlangue, responsable de l'unité
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