5% de plus pour la taxe foncière et 5% de plus pour la taxe d’habitation. C’est l’augmentation qui a été votée ce 13 avril lors d’une session extraordinaire du conseil municipal bordelais. Elle a suscité de vives réactions au sein de l’opposition, et les élus d’EELV, du PS et du FN ont voté contre. Alain Juppé a tenu a régler ses comptes : « Avant les élections, j’avais promis qu’il n’y aurait pas d’augmentation des impôts à périmètre constant. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le périmètre n’est plus constant actuellement. Mais il faut arrêter de penser que Bordeaux bat tous les records en matière d’impôts. L’augmentation est d’ailleurs inférieure à la moyenne nationale qui est de 5,6% » a renchéri le maire de Bordeaux, affirmant qu’il n’y avait pas eu de hausse des impôts locaux depuis 2009. « A Lyon, la taxe foncière augmente de 6% en 2015, à Toulouse de 15% ». La majorité n’a cependant pas touché à l’abattement à la base, qui reste à 19,12%, ce qui est selon elle « très généreux puisque concernant les trois quarts des contribuables bordelais ».
« Cette hausse, nous y avons été amenés par le contexte financier et fiscal national. Manuel Valls a récemment confirmé une baisse des dotations de l’Etat aux collectivités locales de 11 milliards d’euros, et les équipes municipales ont du subir cet écart », a ainsi souligné Nicolas Florian, adjoint à la mairie de Bordeaux en charge des finances. « Les impôts locaux n’ont pas augmenté depuis 2009 à Bordeaux, ce qui n’est pas le cas pour une quinzaine de communes au sein de la communauté urbaine (sur 28). Nous sommes confrontés à ce choc, ce désengagement massif de l’Etat qui nous fait les poches et transfère aux collectivités des charges qu’elles n’avaient pas, comme la réforme scolaire ».
Une opposition virulente L’opposition s’est évidemment montrée moins tendre avec cette décision. Pour Pierre Hurmic (EELV), « certes, les contraintes budgétaires concernent toutes les villes, mais elles n’ont pas toutes choisi d’augmenter leurs impôts dans les mêmes proportions. Plusieurs solutions auraient pû être discutées, comme l’augmentation de la tarification sur les panneaux publicitaires extérieurs, celle du produit sur les concessions ou encore la hausse de la taxe de séjour sur les hôtels de luxe ». Cette dernière proposition a été accueillie ironiquement par la majorité : « D’abord ça ferait fuir les touristes, et surtout les économies que nous aurions réalisés auraient été de l’ordre de quelques dizaines de milliers d’euros, pas plus », a notamment justifié Alain Juppé.
Jacques Colombier, élu FN, a dénoncé un contexte dans lequel « depuis six ans les taxes foncières augmentent deux fois plus vite que les taxes d’habitation. La pression fiscale augmente donc une fois de plus, face à des projets pharaoniques comme la Cité des Civilisations et du Vin, la Cité Municipale ou le Grand Stade. Sous couvert de donner à Bordeaux une dimension européenne, vous oubliez que ce sont les bordelais qui vont payer cette démesure », a-t-il défendu. C’est un « mauvais signe et une injustice » pour Michèle Delaunay (PS). « La méthode risque d’apparaître comme une préfiguration d’un programme de votre futur scrutin. La baisse des dotations de l’Etat est juste un prétexte, et c’est une double peine, à la fois nationale et locale, qui est apportée au contribuable. Bordeaux reste l’une des trois villes les plus fiscalisées en France. C’est une ville chère, la ville de sa catégorie ou la taxe d’habitation moyenne est la plus élevée (860 euros contre 646 à Lille par exemple) ».
Un objectif communMatthieu Rouveyre (qui n’était semble-t-il pas en odeur de sainteté au vu des échanges plutôt musclés entre lui et le maire de Bordeaux), a dénoncé lui aussi une « injustice » : « que les foyers aient 1500 euros ou 10 000 euros de revenus, le contribuable paiera la même taxe à surface égale. D’un autre côté, le manque de logements, de crèches, de piscines, l’élargissement du stationnement payant, la politique payante des musées font que vous avez fait le choix du somptueux au détriment du quotidien ». « Quand j’entends le bilan dressé par l’opposition, je me demande bien pourquoi de plus en plus de personnes viennent habiter à Bordeaux, et pourquoi c’est une ville de plus en plus attractive si c’est un repoussoir… », a ironisé Alain Juppé. Pour Nicolas Florian, c’est une contre-argumentation qui fait preuve d’une « incohérence de discours. Nous n’avons pas vu l’ombre du début d’une réforme sur la fiscalité locale promise par le gouvernement ». Le recours contre le Grand Stade, la vente des actions sur le gaz et l’immobilisme de certains projets (comme le réaménagement de la salle des fêtes du Grand Parc), par ailleurs réfuté par la droite, ont été autant de piques dressées à l’encontre de l’actuelle majorité municipale.
Reste que l’objectif, pour elle comme pour l’opposition, est bien évidemment, sinon de redresser la barre, du moins de stabiliser la fiscalité jusqu’en 2017 grâce à quelques pistes comme l’augmentation de l’efficacité des dépenses de fonctionnement, l’étalement des dépenses d’investissements et la poursuite du développement du potentiel d’attractivité. « Cette baisse des dotations continuera en 2016 et 2017, mais nous tenterons de prendre les dispositions nécessaires car plus de contribuables, c’est plus de recettes par tête de pipe », a renchéri Alain Juppé. A noter qu’en matière d’évolution de la taxe foncière entre 2002 et 2014, Bordeaux affiche +4,58% face à Montpellier (+6,34%), Nice (+14,80%) ou Marseille (+23,98%). La taxe d’habitation passe donc à 24,13%, la taxe foncière sur les propriétés bâties à 29,51% et non bâties à 90,92%.