Blanquefort : pour les salariés, Ford « joue la montre »


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Blanquefort : pour les salariés, Ford "joue la montre"

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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 16/10/2018 PAR Romain Béteille

Entre incertitudes…

Ce mardi matin à l’entrée du site de l’usine Ford, à Blanquefort, les camions continuent de défiler mais beaucoup d’employés, en tenue de travail, sont venus attendre à l’entrée, espérant qu’un résultat concret pourrait être tiré d’une nouvelle réunion du comité d’entreprise. Ils sont quelques dizaines, dont beaucoup de syndiqués CGT. Les autres syndicats ont apparemment un peu déserté l’assemblée. L’annonce de ce lundi suite à la venue du ministre de l’économie, Bruno Le Maire, à Bordeaux, n’a apparemment pas surpris grand monde. Patricia ne travaille plus chez Ford depuis 2011. Elle est désormais à son compte depuis le deuxième plan social de Ford, après dix-huit ans à l’usine, et dirige son propre institut d’onglerie à Ambarès. Elle affirme quand même continuer de venir dès qu’elle le peut « pour soutenir les copains. Je ne crois pas à cette reprise. Déjà, dans les réunions à l’époque du deuxième PSE, Ford entretenait l’espoir d’un repreneur. On a parlé de First, du projet des éoliennes… il n’y a jamais rien eu au final », témoigne-t-elle juste avant la fin du comité d’entreprise.

Il faut dire que le revirement des dernières 24 heures a largement fait sa part dans le doute. Bruno Le Maire, même s’il a qualifié la position de Ford comme étant « indéfendable », est tout de même venu annoncer que l’entreprise préférait fermer son usine définitivement plutôt que de la confier à un repreneur, menaçant ainsi directement à nouveau les 847 salariés de l’usine, pendus pendant des mois aux résultats des discussions et des négociations ayant pris un tournant d’affaire nationale. « S’ils pensent qu’ils peuvent mettre la clef sous la porte sans que ni l’Etat ni les collectivités locales ne réagissent, ils se trompent ! Nous allons nous battre et nous ne nous laisserons pas faire », a même déclaré le ministre. Là où le constructeur américain semble renâcler, c’est surtout dans l’engagement qui lui est demandé par l’Etat français pour « participer à la période de transition du site », notamment en lui garantissant des contrats jusqu’en 2021, alors même que Ford a annoncé cesser la production sur le site de Blanquefort en 2019. Et apparemment cette fois, d’éventuelles rallonges financières prévues par les collectivités locales (12,5 millions d’euros apportés par Bordeaux Métropole et la région Nouvelle-Aquitaine et cinq millions d’euros abondés par l’Etat notamment pour financer des mesures de chômage technique) ne suffiraient pas à « faire plier » Ford, comme l’a répété ce mardi le représentant syndical et ancien candidat aux présidentielles Philippe Poutou.

…et promesses

Le discours de Ford, qui était concentré sur un travail en commun avec l’Etat pour trouver un repreneur, s’est heurtée à la procédure d’information lancée le 26 juin dernier pour ce fameux Plan de Sauvegarde de l’Emploi. Cette transition demandée par le gouvernement pourrait être coûteuse pour Ford, notamment pour financer des investissements qui pourraient avoisiner la centaine de millions d’euros. Mais pour Bruno Le Maire, « une fermeture leur coûtera plus cher qu’une la reprise ». Peu après la visite du ministre, son conseiller presse aurait confirmé que l’entreprise était « encore prête à discuter avec les pouvoirs publics et Punch du projet de reprise ». Pour certains salariés, Ford « joue la montre » et entretient le flou pour gagner du temps jusqu’au dernier comité d’entreprise programmé pour décembre. « On n’a pas du tout cette confirmation dans les discours de la direction locale qui dit que Ford refuse la reprise pour plusieurs raisons, notamment le fait que le plan de reprise prévoit une réduction des salaires, que le repreneur absorberait trop de cash et que la reprise présenterait un manque de sécurité pour les emplois. Ford se soucie donc de nos emplois et de notre avenir… », ironise Philippe Poutou. La direction a pourtant remis aux délégués syndicaux présents le document en détaillant les conditions de reprise par Punch… en anglais, ce qui va nécessiter quelques jours supplémentaires et une analyse du conseiller juridique pour être décortiqué.

En attendant, les salariés sont plutôt lucides, et le leader syndical est lui aussi conscient que la reprise, même si elle survenait, ne serait pas vraiment providentielle. « Tout ne va pas être résolu si le plan de reprise est accepté. On ne connaît pas son contenu précis mais on se doute bien que Punch ne va pas nous dorloter. On pense qu’en dehors du plan de départs en retraite, il faut sauver les emplois de ceux qui ont encore l’âge de bosser. On préfère une reprise, même avec tous les doutes que ça apporte derrière, que le chômage. Mais si on se tait, ça ne bougera pas. Ford met en avant le fait que le plan de reprise ne serait pas viable. Même les formulations sont assez cyniques puisque ce serait au nom de l’intérêt des salariés et de la protection de nos emplois. On ne peut pas dire que le plan de Punch est super. Le vrai problème, c’est que c’est à Ford de mettre les moyens pour que ça marche et de mettre en place un fonds de garantie. Ils ne doivent pas seulement choisir le meilleur repreneur qui se présente, même si pour l’instant, il n’y en a qu’un. Ils sont obligés d’argumenter leur refus, ils sont en train d’essayer d’assouplir leur discours mais c’est un gros mensonge ». Le plan de reprise, officiellement prévoit la conservation de 300 emplois et acterait le départ de 400 salariés en pré-retraite et le transfert de 150 autres dans l’usine Getrag Ford Tranmission, selon les informations fournies par le secrétaire du comité d’entreprise du site de Blanquefort.

La position officielle de Ford a été précisée dans un communiqué publié ce matin. « Notre priorité a été de trouver un repreneur fiable pour le site de FAI, nous nous sommes engagés depuis plusieurs mois dans des discussions rigoureuses et détaillées avec un acquéreur potentiel. Néanmoins, comparé à un plan social Ford très complet, nous ne pensons pas que le plan de l’acquéreur potentiel offre le niveau de sécurité et protection requis ou limite le risque futur de suppression d’emplois », écrit la communication du constructeur automobile. En sortie de réunions, les responsables régionaux de Ford n’ont pas échappé à quelques huées. En revanche, ils ont réussi à passer entre les mailles des caméras et des micros espérant une réaction de leur part. Du côté des employés encore présents, on a choisi d’utiliser des bennes à ordures pour bloquer l’entrée des camions. Après des manifestations mobilisant de moins en moins de salariés (le 30 juin, le 22 septembre et le 12 octobre devant le salon de l’automobile), une nouvelle mobilisation pourrait avoir lieu le 25 octobre prochain. Quant au futur comité d’entreprise, il espérait encore recevoir le repreneur belge Punch ce mercredi, sans avoir la certitude que Ford s’engage à un nouveau face à face. En partant, on pose la question à un salarié en tenue de travail : y croit-il encore ? « Que ce soit avec Punch, Ford ou un autre, peu importe. Que faire d’autre qu’y croire ? ».

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