Olivia Perez, chef de gare 2.0


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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 01/05/2016 PAR Romain Béteille

Que faut-il pour devenir directrice de la gare de Bordeaux ? Des parents cheminots ? Une casquette, un gilet et un sifflet ? Une envie de remettre sa vie sur les rails ? Être un homme et fan de mécanique ? En fait, rien de tout ça. Olivia Perez en est la preuve. Depuis 2007, cette maman de 45 ans est employée à la SNCF en tant que directrice des Gares de Bordeaux et de la Métropole. Un statut qui intrigue. « Ce que les gens ont comme image pour le chef de gare, c’est en fait celle du chef de service. C’est la personne qui a une casquette, un sifflet et qui fait partir le train. On est à des lustres de ça », nous révèlera-t-elle dans un futur proche. Pour en savoir plus, il faut la rencontrer dans les murs de la Gare Saint-Jean. Ce vendredi 29 avril, elle est en effervescence. Bouclée par la police et les pompiers à cause d’un colis suspect. Plus tôt dans la journée, quatre interpellations ont eu lieu dans le quartier suite aux incidents qui ont éclaté en marge de la manifestation contre la loi El-Khomri qui a réuni plusieurs milliers de personnes dans la rue. 

Au naturel

Olivia Perez nous reçoit dans son futur nouveau bureau, qui sera aménagé dans les prochains jours. Pour l’instant, les pièces qui le composent sont totalement vides, les murs blancs et impersonnels. Avec sa veste en cuir, sa chemise bleue entrouverte aux deux premiers boutons, ses boucles d’oreilles turquoise, son sac marron, son carré long et son sourire large, Olivia Perez détonne au milieu de ce décor aseptisé. Originaire de Chambéry, elle confie le hasard qui l’a menée à intégrer l’entreprise. « Au départ, j’avais envie de bosser dans le monde industriel. J’ai fait des stages dans le cadre de mes études en relation avec ce domaine ». Des études de commerce entre Grenoble et Nantes, où elle se forme au sein de la Business School Audencia. « On avait régulièrement des forums avec des entreprises qui venaient nous présenter leurs métiers et les possibilités de carrière dans leur groupe. J’ai été séduite par ce qu’a présenté la SNCF, notamment dans le domaine du frêt qui était en rapport avec l’industriel ». 

Au détour d’une question, elle révèle qu’elle a un petit côté musicienne. De la flûte traversière, notamment, depuis qu’elle a huit ans.  Mais qu’elle n’a jamais pensé en faire son métier. « C’est un loisir plus qu’une vocation. Ce n’est pas évident d’en faire son métier, il faut avoir le niveau. Je pratique juste en amateur ». Avec un groupe d’amis, intégrée à la Rock School Barbey, elle y joue des musiques du monde. « C’est aussi ça qui a fait que mon intégration dans la ville s’est faite plus facilement ». C’est, avec le goût pour les voyages non-organisés, son petit côté international.

Avec des parents professeurs dans l’éducation nationale, on pourrait penser que son intégration au sein de la SNCF s’est donc fait davantage pour la sécurité d’un métier que par passion. Elle réfute. « Je ne suis rentrée à la SNCF ni pour la sécurité de l’emploi, ni pour la retraite à 55 ans, ni par attrait pour le secteur public. Juste parce que j’aimais ce côté industriel, ça m’a permis de rejoindre un peu ce passé. Je n’aurais jamais pensé à la SNCF s’il n’y avait pas eu ces rencontres. Je ne pensais pas que c’était une entreprise avec autant de métiers différents ». Elle s’y intègre donc, et s’occupe dans un premier temps des relations avec les clients du frêt à Paris, puis à Marseille où elle organise le trafic de marchandises dans ce même secteur. Une sorte de promotion. Son compagnon a des opportunités, alors elle s’adapte, elle change de ville comme on prend un train.

Correspondance pour Bordeaux

Son terminus , depuis 2005, c’est Bordeaux, où elle débute en tant qu’animatrice d’un dispositif de management pour les dirigeants. «Ca m’a permis de connaître plein de gens sur la région, de continuer à découvrir d’autres métiers. Je n’avais jamais mis les pieds à Bordeaux ». En 2007, elle prend le poste de « dirigeante dans l’unité opérationnelle escales ». Trop pompeux ? Elle corrige avec ironie : « on dit directrice de gare, en nouveau franc ». Elle arrive dans un contexte particulier : la première vague des grands chantiers de rénovation de la ville de Bordeaux est sur le point de se terminer, ceux de la gare débutent. Elle est aussi, à l’époque, l’une des rares femmes à occuper ce poste, ce qui ne l’a pas gêné outre mesure. « Ca s’est fait sans difficultés. Je venais d’un monde très masculin. J’ai eu à manager des équipes de manoeuvre dans des conditions très opérationelles. Et puis le monde « voyageurs » est malgré tout un peu plus féminin, sans doute parce que les femmes s’y sentent un peu plus à l’aise ». Aujourd’hui, elle n’est plus une exception, elle avoue d’ailleurs ne jamais s’être considérée comme telle.

Depuis ce changement de statut, son métier n’a pas changé. Entre quelques courses à pied et deux séances de yoga (« parce qu’il faut rester zen dans cet environnement, sinon, on ne tient pas longtemps »), elle gère une petite équipe d’une vingtaine de personnes mais aussi le bâtiment de la gare de Bordeaux, rapport au patrimoine. « C’est comme une mini-ville. Il y a du public, des commerces, des trains… Je m’occupe des relations avec les concessionnaires, les services de police, les architectes des bâtiments de France dès qu’on change quelque chose. C’est un métier très ouvert sur l’extérieur ». Mais pourtant un peu touche-à-tout, difficile à résumer. Olivia Perez gère tout ce qui se passe dans la gare. Y compris les évènements plus ponctuels en relais à des animations qui se déroulent en ville. Elle est aussi en lien direct avec les partenaires publics de la ville et de la métropole. Sans pour autant être totalement corporate. « Je ne défends pas une stratégie, je la décline telle qu’elle est au niveau national ».

L’opération LGV, dans laquelle elle est impliquée depuis 2014, est son plus gros chantier à ce jour. Il mêle également la rénovation du site de la Gare, un investissements de près de 200 millions d’euros sur une quinzaine de chantiers. « Je coordonne tout l’impact que ces chantiers peuvent avoir en gare. C’est une motivation supplémentaire, parce que ça me positionne en interface avec plein d’autres métiers de la SNCF et des partenaires externes. Ce qui se fait actuellement, ça montre un autre regard sur les gares, ça les fait bouger alors qu’avant c’était un peu des belles endormies. C’est plus facile à porter au quotidien ». D’ici à juillet 2017, elle compte bien continuer sur les mêmes rails. Et partir en Équateur cet été, en famille, comme elle le fait chaque année vers un ailleurs qui déconnecte. « On ne part pas en TGV, mais ça nous arrive de prendre le train ! ». Évidemment.


Olivia Perez, chef de gare 2.0 from Aquipresse on Vimeo.

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