40 ans après le droit à l’IVG, un débat fait le point


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40 ans après le droit à l'IVG, un débat fait le point

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 11/03/2015 PAR Romain Béteille

« La pilule est amère ». C’est le titre d’un récit publié chez Stock en octobre 2013 écrit par Marion Larat, jeune femme qui a subi un AVC à la suite de la prise d’un contraceptif de 3ème génération. Elle était l’une des intervenantes d’une table ronde organisée mardi 10 mars dans l’amphi principal de la bibliothèque Mériadeck, à Bordeaux, sur les évolutions de la contraception en france depuis la bataille pour l’Interruption Volontaire de Grossesse, il y a 40 ans. Depuis l’éclatement de l’affaire des pilules de 3ème et 4ème génération, responsables d’embolies pulmonaires, d’accidents et d’au moins 20 décès par an, ce type de pilule n’est plus remboursé. Selon l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament, cette mesure a permis de faire baisser de 11% les hospitalisations pour embollie pulmonaire, évitant même 341 cas en 2013 par rapport à 2012, notamment chez les jeunes filles de 15 à 19 ans. Mais un long chemin reste encore à faire, notamment face à la contraception… masculine. En Grande-Bretagne, 21% des hommes auraient recours à la solution ultime : la vasectomie, contre 0,2% des hommes en France selon les chiffres de l’INSERM. 

« Il y a eu assez peu de fonds consacrés à la recherche sur les hommes, le discours développé par les féministes veut que l’homme soit irresponsable, et qu’on ne pourrait pas lui faire confiance », confie Hélène Cesbron, médecin et historienne de l’avortement et de la contraception. « L’homme ne se sent pas concerné, les labos ne voient donc aucun intérêt de s’y pencher. On dit qu’ils auraient plus de mal à accepter ce contrôle des naissances, que ça aurait un impact sur leur virilité, une sorte de castration symbolique. Pourtant, les travaux de certains sociologues montrent que les hommes sont de plus en plus impliqués, notamment entre 20 et 40 ans. Les mères jouent un rôle d’éducatrices, et on voit chez certains jeunes couples un partage dans l’achat de contraceptif, ou même un accompagnement dans la consultation chez le gynécologue, même si le médecin préfèrerait voir la femme seule ». 

« Un voile sur les yeux »Selon une étude faite par Ipsos, 61% des femmes se sont adréssées à leur gynécologue pour le choix de leur contraception, 35% à leur médecin généraliste et 31% à leur mère. Marion Larat, bordelaise de 26 ans, a subi un AVC foudroyant à la suite d’une prise de pilule de 3ème génération, et s’est retrouvée handicapée à 65%. L' »affaire de la pilule Méliane » commercialisée par le laboratoire Bayer a fait chuter la consommation de 60% des pilules de 3ème et 4ème génération, et Marion Larat n’est pas la seule à avoir porté plainte. Leslie Pervieux a saisi la CIVI (Commission d’indemnisation des victimes d’infractions), rejetée en octobre dernier. La CRCI (ommission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux) de la région Aquitaine a reconnu que l’AVC de Marion était dû aux 4 mois sous Méliane. Comme elle, plus d’une centaine de femmes on porté plainte pour des cas d’embollie, d’AVC ou de thrombose. Mais elle regrette tout de même le peu de soutien reçu de leur part : « Après ma plainte, peu de femmes se sont mises à côté de moi. Elisabeth Badinter, Simone Veil… aucune ne s’est manifestée. Je suis allé à la Maison des femmes, au planning familial… pas de réponse non plus. Certains m’accusaient même de vouloir faire plus d’argent, je me suis retrouvée seule ». 

« Il faut arrêter de se mettre un voile sur les yeux, les chiffres des risques de la prise de pilule sont diminués, il est triste qu’au final on doive avoir recours à la justice pour se faire entendre », déplore la jeune femme. Ce fameux voile semble être une exception française, comme le dénonce Magalie Della Suda, politologue et historienne chercheuse au CNRS, déjà intervenue dans le débat sur la laïcité. « En faisant des recherches sur le planning familial dans les Pays-Bas, on a constaté que les rapports à la contraception étaient très différents. L’IVG avait une position beaucoup plus centrale, à l’époque on proposait déjà le stérilet à des lycéennes. En France, le mouvement est né de militants isolés du champ politique. Nous avons payé cet isolement du champ médical ». 

Une stigmatisation pesanteDans la salle, beaucoup de questions, le père de Marion est en première ligne pour dénoncer la « toute puissance » des labos pharmaceutiques. Une mère de famille dénonce une pilule prescrite à sa fille par son médecin pour un problème d’acné, victime d’un AVC au bout de 3 mois. « Les médecins sont des marionettes pour distribuer les produits des labos. Et en plus, on nous a culpabilisé pour ne pas qu’on en parle ». « On continue à stigmatiser l’IVG, à jeter l’oprobe sur les femmes. Même si la contraception est rentrée dans les moeurs et qu’elle est une liberté de choix. On ne reviendra jamais en arrière, il y a eu trop de souffrances, trop de dégâts. Il faut supprimer les stéréotypes. Les femmes ont certes des relations plus tôt, mais elles ont des enfants de plus en plus tard. L’histoire atroce des filles-mères n’est pas si loin », souligne quant-à-elle Maguy Maruejouls, animatrice du débat et vice-présidente de l’URCIDFF (Union régionale des centres d’information des droits de la femme et de la famille) de Bordeaux. 

A raison puisque selon les chiffres de l’INSEE, l’âge moyen des mères à l’accouchement en 2013 était de 30,1 ans, et celui des mères à la naissance du premier enfant de 28 ans en moyenne. En 30 ans, le pic de fécondité des femmes est passé de 25 à 30 ans. « L’IVG n’est pas un échec de la contraception comme on nous le fait croire, il faut arrêter de tout mélanger. Mais le fait est que les médecins sont aujourd’hui quasiment contrôlés par les labos, je suis quasiment traitée de criminelle tous les jours. On nous forme en nous disant que nous sommes la science, et que nous n’avons pas à demander leur avis aux patients », dénonce à son tour Hélène Cesbron. Selon l’INED (Institut National des Etudes Démographiques), la taux annuel d’IVG sur un panel de 1000 femmes de 15 à 49 ans est de 14,5 en 2012, alors qu’il était de 19,6 en 1976. 

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