Visage retrouvé : croquis imparfait du roman de Wajdi Mouawad


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Visage retrouvé : croquis imparfait du roman de Wajdi Mouawad

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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 27/03/2010 PAR Hélène Fiszpan

Un héritage théâtral imposant
L’intention est là et elle est plus que stimulante. Partir du l’unique texte romancé de Wajdi Mouawad pour recréer sur le plateau la genèse de l’auteur où se déploient les fondements de ses actuels traumatismes. Car on le sait, Wajdi Mouawad est un écrivain de théâtre généreux, qui livre dans ses pièces des bribes de son histoire pour mieux parler de ce qui le touche au plus près: la guerre, le déracinement, la quête d’identité, la maladie, la mort. Des thématiques à priori écrasantes mais qui au sein de ses écrits se transmettent magistralement dans des registres oscillant de la tragédie au comique ironique, à l’image de sa dernière production « Seuls » dans laquelle il se met en scène. Pour qui connait son œuvre et apprécie sa personnalité attachante, l’auteur et le comédien semblent irremplaçables. Un héritage théâtral lourd à porter pour Jean-Stéphane Souchaud, acteur principal de Visage retrouvé, qui bien qu’éloigné de l’original (Wahab étant une allusion semi-autobiographique à l’auteur), sert un jeu honnête et sans éclats, s’inspirant comme il le peut des morceaux choisis pour insuffler à son personnage une trop grande colère, la peur de ses peurs d’enfance et la très rare insouciance. Il en va de même de même pour ses trois comparses qui, naviguant en eaux troubles, parviennent de temps à autre à sortir leur épingle du jeu pour livrer une émotion juste, malgré une absence cruelle de repères et de liens entre les scènes et les personnages.

Une fragmentation mal avisée
La pièce commence pourtant sur cette vision troublante et réussie de l’épisode du bus, épisode fondamental dans la vie de Wahab au cours duquel il découvre le terrorisme, la mort et son spectre récurrent: la femme aux membres de bois. Il a 7 ans, son destin est scellé. Douze années s’écoulent et on le découvre étudiant à l’école des Beaux-arts de Montréal, où il prépare sa première exposition; des visages retrouvés. Passons sur l’aspect artisanal de cette scène où le glissement manuel de calques sur un rétroprojecteur fait perdre toute trace de poésie. On pourra mettre cette approximation sur le compte de la fameuse « première », cette représentation particulière sans filets où l’on admet qu’il reste des éléments scéniques à caler. Pourtant rapidement, la suite ne fera que renforcer cette impression de vacuité qui survole la pièce de bout en bout. A l’engagement du départ et la vision esthétique de la première intention se succèderont une série de scènes aux registres et tonalités éparses, abandonnant toute forme de vision artistique pour un puzzle mal reconstitué qui ne permettrait pas d’en saisir le sens. L’irruption de moments irréels à vocation comique mis à la suite de scènes dramatiques casse le rythme déjà fragile et devient ici contreproductive: à défaut de rire, on se demande pourquoi insérer ce concours d’accent québecois (allusion lourde au périple de l’acclimatation culturelle) ou rompre la narration par des effets de retour brutal à la réalité du plateau et du théâtre. Progressivement l’histoire se dilue, engloutissant avec elle le personnage de Wahab. Dans ce pêle-mêle chacun rame comme il peut mais le naufrage semble inévitable: la réalité des corps s’effrite au contact de la fragmentation, créant ce vide qui ne devrait être là. Le manque de lien et l’inégalité de jeu des comédiens auront eu raison de cette pièce qui se voulait pourtant entreprenante, mais sans doute trop réductrice face à l’œuvre somme du poète. Accordons lui tout de même l’intérêt incontestable de faire résonner quelques formules incisives de Wajdi Mouawad, des phrases qui illustrent parfaitement ce répertoire unique, entre mythologie personnelle et préoccupations contemporaines.  

F.H


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