Toopi Organics c’est cette jeune start-up girondine à impact qui s’est faite remarquer avec l’idée un peu gênante mais surtout géniale, d’utiliser l’urine humaine comme base de fertilisant pour les cultures.
Au cours de l’année 2025, à Loupiac-de-la-Réole (33), juste en face du site actuel de Toopi Organics, une nouvelle usine devrait être mise en service. Avec une capacité d’un million de litres par an, cette première usine de stabilisation et fermentation de l’urine sera suivie de la construction de sa jumelle en Belgique pour une mise en service en 2027. 4 millions d’investissement chacune. Une double étape clef dans le déploiement industriel et commercial de la start-up permise par la levée de fonds de 16 millions d’euros qu’elle vient de réaliser.
Il faut reconnaître que la jeune pousse girondine coche décidément toutes les cases. Avec son concept de récolte et de transformation d’urine humaine en biostimulants pour l’agriculture, Toopi Organics et ses quelque 17 prix et récompenses, répond à des contraintes environnementales et économiques fortes.
24 millions de litres d’eau et 40 000 t d’engrais minéraux économisés
Grâce à un système de collecte par des urinoirs sans eau, déployés par exemple lors de festivals, de manifestations sportives, à l’image des urinoirs de la fan zone de Bordeaux, ou au sein d’équipements accueillant du public, tel le Futuroscope, ce sont 3 litres d’eau par chasse qui sont économisés. « Chaque année à compter de 2027, ce sont ainsi 24 millions de litres d’eau qui seront économisés, mais aussi 150 000 tonnes de CO2 et 40 000 tonnes d’engrais minéraux », détaille Alexandra Carpentier, directrice générale. Des économies en perspective aussi pour les agriculteurs face à la forte la volatilité des cours des engrais chimiques. Le tout pour une promesse tenue au champ.
Alexandra Carpentier, directrice générale de Toopi Organics et Michael Roes, co-fondateur et président de Toopi Organics
Lactopi Startdot, est le premier produit commercialisé par l’entreprise tout juste née en 2019. Il vise à « faciliter l’assimilation du phosphore par la plante », explique Mickaël Roes, président et co-fondateur de Toopi Organics. Son efficacité, au-delà des 40 essais agronomiques passés en 3 ans, est confirmée par Etienne Tavier responsable Engrais de spécialités à la Scam, coopérative agricole belge, et premier client de la start-up.
Au printemps, la coopérative a acheté 10 000 l de produit pour 400 ha de betteraves, de maïs, de chicorée et de pomme-de-terre cultivées par les agriculteurs adhérents. « Nous avons eu de très bons démarrages des cultures, assure t il. Le développement racinaire se développe très fort, ce qui permet à la plante d’avoir un meilleur accès aux nutriments présents dans le sol et même une meilleure résistance à la sécheresse. Ça permet à l’agriculteur d’être plus résilient ». Une satisfaction telle que la coopérative a de nouveau commandé 10 000 l de produits pour le tester sur des cultures de colza et de céréales. Les recommandations sont de substituer jusqu’à 50 % des engrais minéraux.
Notre facteur limitant, c’est vraiment notre capacité de production. La collecte de l’urine, on sait faire. La commercialisation on sait faire.
En France la commercialisation du produit va démarrer avec le distributeur Qualifert qui s’apprête à orchestrer, sur deux ans, la mise en marché de 400 000 litres de ce biostimulant. « Notre unité actuelle nous permet de produire 250 000 litres par an, explique le président. Notre facteur limitant, c’est vraiment notre capacité de production. La collecte de l’urine, on sait faire. La transformation on sait faire, mais pas en quantité suffisante. La commercialisation on sait faire, on a déjà vendu toute notre capacité de production des deux ans à venir. Le sujet maintenant c’est de très vite monter ces usines pour être opérationnel mi 2025. », appuie-t-il.
Si la futur usine girondine, sur un hectare dans la zone de l’Ecopole de Loupiac de la Réole, devrait voir démarrer les travaux fin 2023, l’usine belge, a priori dans la région de Liège, se lancera 24 mois plus tard. Outre la montée en puissance, les fonds collectés vont également permettre de développer et de déployer d’ici 2027, 3 nouveaux biostimulants urino-sourcés : deux produits permettant de faciliter la fixation de l’azote de l’air, et un produit qui permet à la plante d’avoir une meilleure résistance au stress hydrique.
Le site pilote de transformation de Toopi Organics en Gironde à la capacité de production de 250 000 litres par an. C’est trop limité pour assurer le développent commercial de la startup.
La startup aux 100 000 euros de chiffre d’affaires en 2023, vise ainsi les 3 millions d’euros de CA en 2025 avec un nombre de salariés passant de 30 à 60. À 2027, l’objectif est d’atteindre les 15 millions d’euros et de pouvoir se développer commercialement au-delà de la France et de la Belgique. « Notre objectif 2027 est de déployer une gamme de biostimulants urino-sourcés sur plus de 600 000 hectares agricoles en Europe où nous avons déjà obtenu des autorisations de mise sur le marché dans 6 pays», précise la directrice générale. Avec encore de nombreux projets sur les étagères R&D et près de 80 pays de demandes entrantes enregistrées, Toopi Organics n’en n’est résolument pas à sa dernière levée de fonds.
Le tour de table
Le fonds VisVires New Protein (investisseur historique d’Ynsect) a mené cette levée de fonds, suivi des fonds à impact Edaphon, Noshaq et MAIF Impact, ainsi que de BNP Paribas Développement. Les investisseurs historiques, dont IRDI, JOHES, et MakeSense, ont également participé à ce tour de financement au total de 11 M€.
Pour les 5 M€ restant la société bénéficie également d’un contrat à impact social de 3,8 millions d’euros remporté auprès de l’ADEME, et de 1,1 million d’euros de subventions France 2030 accordées par Bpifrance.
L’ensemble de ces financements va constituer un levier essentiel pour mobiliser de la dette bancaire dans les mois à venir.