Un juge bordelais questionne la politique judiciaire de la délinquance des mineurs


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Un juge bordelais questionne la politique judiciaire de la délinquance des mineurs

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Temps de lecture 2 min

Publication PUBLIÉ LE 29/12/2012 PAR Nicolas César

« A chaque fois qu’il y a un projet de loi sur la délinquance juvénile, la passion l’emporte sur la raison », regrette Laurent Gebler. Vice-président du tribunal pour enfants de Bordeaux, il a écrit cet été un ouvrage éclairant sur la question « Le traitement judiciaire de la délinquance des mineurs ». C’est un état des lieux de l’ordonnance du 2 février  1945, qui a été depuis modifiée 35 fois ! « Dans les années, 90, par exemple, avec les problèmes dans les cités, on est partis du postulat que les jeunes commettaient des délits de plus en plus jeunes et étaient plus violents. Mais, ce postulat n’a jamais été vérifié », avance-t-il. Chiffres à l’appui, Laurent Gebler nous explique que depuis les années 70 juqu’aux années 2010, le nombre de délits commis par des mineurs a été multiplié par 2,5. Pour lui, cela est surtout lié à une judiciarisation de notre société et des politiques qui ont transformé certains faits en délit comme le rassemblement dans un hall d’immeuble… « Mais, la délinquance des majeurs a augmenté dans les mêmes proportions sur la même période… A la fin des années 2000, on condamne moins de mineurs qu’en 1985, alors qu’il y a plus de procédures », précise-t-il. Aujourd’hui, seuls 18% des délits sont le fait de mineurs. 

Un centre éducatif fermé coûte 640 euros par jour par mineur En revanche, la nature des faits a changé : moins de vols (40% contre 70% dans les années 70), plus de stupéfiants, de heurts avec la police ou des troubles à l’ordre public, et davantage de coups et blessures volontaires. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, « les affaires sont traitées plus vite qu’avant, six semaines contre un an pour des faits de faible gravité », souligne Laurent Gebler. Quelles sont les sanctions ordonnées par les juges aux mineurs ? 40% seulement sont des peines et 60% des mesures éducatives. A cet égard, Laurent Gebler est très critique sur les centres éducatifs fermés. « Ils coûtent en moyenne 640 euros par jour par mineur », soit 115 200 euros pour six mois, s’indigne-t-il. Pour quel résultat ? « En fait, l’efficacité de ces centres n’est pas évalué », lâche-t-il. Pire, les éducateurs ne veulent pas aller travailler dans ces centres éducatifs fermés, des « poudrières » qui concentrent des jeunes très difficiles. Ainsi, à celui de Sainte-Eulalie, dans l’agglomération bordelaise, « sur les 26 encadrants, un seul est un éducateur », souffle Laurent Gebler. On comprend mieux pourquoi la ministre de la Justice souhaite limiter le recours aux centres éducatifs fermés. Ils sont d’autant moins une alternative à l’incarcération qu’il est difficile d’y placer rapidement des mineurs, faute de places… et d’une mauvaise répartition des centres éducatifs fermés sur le territoire français. « 15% du budget de la protection judiciaire de la jeunesse passe dans les centres éducatifs fermés », déplore Laurent Gebler. Cela est d’autant plus problématique que les juges pour enfants manquent de moyens. Au tribunal de Libourne, un juge pour enfants gère 750 dossiers par an, alors que la norme est de 350… « Nous demandons donc une remise à plat de ce qui marche ou pas et plus de moyens pour les jeunes qui commencent à être délinquants », conclut Laurent Gebler.

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