Transmission d’élevage : comment éviter le drame sanitaire ?


Du point de vue sanitaire, céder ou acquérir un cheptel ou un élevage est un moment clef dont il ne faut rien négliger. Décryptage des enjeux et bonnes pratiques par Christelle Roy, Directrice du Groupement de Défense Sanitaire (GDS) de la Corrèze.

Un troupeau de brebisSolène MÉRIC | Aqui

"Lors de la transmission d'un cheptel, il faut avoir une bonne connaissance de l'outil, des animaux qu'on reprend et des antécédents. C’est primordial", appuie Christelle Roy

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 14/04/2023 PAR Solène MÉRIC

Aqui! : Les Groupements de défense sanitaire interviennent-ils lors de l’installation d’un jeune éleveur ?


Christelle Roy : Les GDS interviennent dans les formations de préparation à l’installation. On présente les différents partenaires sanitaires, afin d’éviter les confusions entre services vétérinaires, labos, GDS, EDE, etc. On rappelle aussi notre rôle de coordination de toutes les démarches de surveillance des maladies réglementées mais aussi, au-delà des missions de service public qui sont dues à tous, nos services ajoutés pour nos éleveurs adhérents : suivi des maladies non réglementées, apport de garantie, surveillance du parasitisme, audits d’élevage, etc.

Au-delà de ces stages, rien n’impose au jeune de passer par une Safer ou une chambre d’agriculture, plutôt que de traiter en direct avec le voisin du coin… Or, avoir une formation initiale et des compétences solides, ne suffit pas pour avoir une bonne connaissance de l’outil, des animaux qu’on reprend et des antécédents. Pourtant c’est primordial.

@!: Quels sont les potentiels risques face à ces méconnaissances ?

C.R. : Il y en a plusieurs. On peut se retrouver avec des animaux dont les antécédents sanitaires font qu’hélas, ce n’est parfois pas viable du tout. Car certaines maladies s’expriment de façon plus ou moins visible. Dans un environnement très cadré, la para-tuberculose par exemple peut s’exprimer « à bas bruit ». Un jeune qui s’installerait, sans savoir que cette maladie est présente antérieurement dans le troupeau, et qui modifierait les pratiques d’alimentation, d’assolement ou qui installerait une ventilation différente, peut littéralement aller dans le mur.

Le risque peut aussi se révéler en amenant de nouveaux animaux dans un troupeau pré-existant où l’immunité à une maladie déjà présente est solide. Chez ces animaux naïfs, ça va exploser. L’investissement génétique va être mis à mal parce que les jeunes peuvent exprimer ces maladies de façon très violente, voire en mourir.

L’équipement est un autre cas typique de problématique. Si un jeune découvre a posteriori que le bâtiment n’était pas parfaitement aux normes, ou dans un périmètre classé et qu’il ne peut pas faire les aménagements qu’il envisageait, ça peut aussi être vraiment lourd.

Enfin le plan génétique. Par exemple, si un repreneur garde les filles d’un élevage tout juste acquis pour des reproductions en broutard, en n’ayant pas à l’idée que c’étaient des animaux sélectionnés pour une production courte de veaux de lait par son prédécesseur, ça peut être une catastrophe. Ces animaux ne sont absolument pas programmés pour la reproduction alors qu’ils étaient parfaitement orientés génétiquement pour la production antérieure.

Le plus souvent c’est de la méconnaissance, mais avec parfois des drames à la clef pour les repreneurs.

Qu’il soit bovin, caprin ou autre, tout élevage traverse potentiellement une période à risque suite à un changement d’éleveur, tout comme l’ajout de nouvelles bêtes dans un troupeau pré-existant.


@! : Quelle est la bonne démarche pour éviter ça? Du côté du cédant, du côté des jeunes? 

C.R. : Il faut agir des deux côtés.

Les structures agricoles proposent de plus en plus un accompagnement en amont au cédant pour remettre aux normes ou améliorer la situation sanitaire de la structure à céder.

Après, je recommande d’avoir une phase de transmission pour expliquer les choses. La présence d’une pathologie n’est pas forcément rédhibitoire quand on en connaît les mécanismes de gestion. Mais il faut savoir en toute connaissance de cause, ce qu’on reprend, les contraintes, les avantages éventuels, ce qu’on pourra en faire ou pas.

Les structures d’accompagnement, permettent aux jeunes de ne pas élaborer leur projet seul, c’est tout l’intérêt aussi de la collaboration entre la SAFER NA et la FRGDS Nouvelle-Aquitaine.

@! : Que prévoit ce partenariat ?

C.R. : Il propose des outils pour que les GDS accompagnent les jeunes qui s’installent, pour qu’ils sachent sur le plan sanitaire, génétique, mais aussi sur le plan alimentation et par rapport aux bâtiments qu’ils reprennent ; les avantages et inconvénients. Cela peut se faire soit par un simple bilan sanitaire documentaire, déjà utile, soit avec un travail global et approfondi de biosécurité sur l’élevage, avec des coûts qui ne sont pas les mêmes.

@! : Depuis cette convention de mars 2022, les GDS voient-ils passer plus de dossiers ? 

C.R. : Les jeunes, on les voyait déjà. La difficulté, pour nous, c’était d’atteindre le cédant. Cette convention nous place en interlocuteur du binôme cédant-repreneur et surtout, nous donne le droit de communiquer.

Sur le bilan chiffré, il n’y a pas de grosse demande, et peut-être peu de préoccupations aussi, ce qu’on regrette vivement. Il faut faire connaître ce dispositif, qui sécuriserait beaucoup de reprises, toutes espèces confondues.

Cela vaut aussi pour les néo-ruraux qui reprennent des bâtiments pour y installer des chèvres de compagnie, ou autres. Avec une vision du sanitaire et de l’outil, ils s’éviteraient parfois des problèmes lourds à gérer quand on en a pas l’expérience. Avec un parasitisme résistant, on peut perdre tous ses animaux. L’impact financier ne sera pas majeur, mais sentimentalement ça peut être une catastrophe.

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