Sofia Abbassi remporte le prix d’Aqui ! de la citoyenneté européenne


Alix Fourcade
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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 29/05/2019 PAR Alix Fourcade

« L’Europe est le résultat de la Seconde Guerre Mondiale. Depuis sa fondation, il y a davantage de liberté. » À 14 ans, Sofia Abbassi, élève de 4e C au collège Rosa Bonheur de Bruges, a remporté le prix d’Aqui ! de la citoyenneté européenne avec un texte abordant l’antisémitisme. Comme elle, les collégiens de quinze établissements de la Gironde ont été récompensés pour avoir participé au concours d’écriture sur la citoyenneté européenne organisé par le département.

Antisémitisme, racisme, sexisme sont autant de thématiques qui reviennent dans les textes de ces jeunes citoyens de l’Europe. Pour cette 16e édition, les élèves et leurs professeurs se sont réunis pour une grande cérémonie à l’amphithéâtre Montaigne, sur le campus de l’université à Pessac, rythmée par la classe de jazz du collège Éléonor de Provence de Monségur.

Une future professeure d’histoire-géographie

Dans son texte, Sofia Abbassi a choisi de parler d’antisémitisme, car elle relie la Shoah au passé de l’Europe. « Dans ma classe, il n’y a pas d’élèves de confession juive et nous sommes plutôt mal à l’aise vis-à-vis de l’histoire des persécutions juives que nous connaissons mal, explique la jeune fille passionnée d’histoire. J’ai hâte que nous en parlions en 3e. » Entourée de la fierté de toute sa bande de copains, ce mardi matin, celle qui semble timide sait déjà ce qu’elle voudrait faire comme métier plus tard : professeure d’histoire-géographie.

Son grand-frère, sa grande-sœur et sa mère l’ont aidé à relire son texte, avant qu’elle ne l’envoie pour le concours de la citoyenneté européenne. Sa classe de 4e C s’est aussi vu remettre à titre collectif le prix de la citoyenneté européenne par Aqui !, en la présence de Joël Aubert, rédacteur en chef.

Le texte de Sofia Abbassi est à lire ci-dessous.

Sofia Abbassi, lauréate du prix d'Aqui ! de la citoyenneté européenne

 

Pourquoi tant de haine ?

Comme tous les samedis j’aidais au tri de vêtements et de vieux objets récupérés lors des collectes organisées par l’association où je suis bénévole. Je vérifiais l’état d’un vieux manteau usé et démodé, lorsque je sentis dans l’une des poches une liasse de papiers pliés. Je dépliais soigneusement le premier feuillet, et, curieuse, je commençais à lire.

« 8 juillet 1945,

   Je m’appelle Judith, je suis une jeune fille juive de 19 ans et j’habite à Paris. Aujourd’hui, je souffre à cause d’un dictateur nommé Hitler. Depuis bientôt dix ans, cet homme fait vivre un enfer à tous les Juifs. J’ai perdu ma famille à cause de lui.

   Je vais vous raconter mon histoire pour que vous puissiez mieux comprendre.

   Le 29 décembre 1942, en rentrant chez moi, j’ai trouvé mon père très inquiet, ma mère et ma sœur étaient en larmes. Je leur ai demandé ce qui se passait et mon père, comme hors de lui, me répondit brutalement : « il se peut qu’on nous ait dénoncés, on a été prévenus, il faut partir…»

   Tous les sacrifices que nous avons faits auparavant tombaient à l’eau à cause d’un délateur. J’étais furieuse mais totalement impuissante.

   Depuis quelques mois déjà, nous avions été obligés de coudre une étoile jaune sur nos vêtements et on avait ordonné à mon père de fermer sa petite épicerie. Avant cela, on nous avait dit qu’on n’avait plus le droit de travailler, que c’était inscrit dans la liste des interdits à l’égard des Juifs.

   Dans cette liste, qui s’était rallongée au fil des mois,  étaient interdites plein de choses qui nous rendaient heureux et que nous n’avions plus le droit de faire : interdiction d’aller au parc, interdiction d’aller dans les cinémas, interdiction de parler ou de fréquenter des non juifs, des aryens comme on les appelait. Tous mes amis étaient « aryens » et je n’avais plus le droit de les voir.

   Le plus dur pour moi, c’est de ne plus pouvoir pratiquer  la danse. La danse, c’est toute ma vie, c’est ce qui me permettait d’aller de l’avant et de faire face à tous les problèmes qui se présentaient. Mais ça, c’est fini. On nous impose un couvre-feu, nous n’avons plus d’argent car mon père ne peut plus travailler. Quand je marche dans la rue, je sens les regards des passants qui me dévisagent à cause de cette étoile. Où que j’aille, les gens ne se sentent pas à l’aise, alors qu’avant ils étaient proches de moi. Aujourd’hui, le boulanger refuse de me vendre du pain alors qu’avant  il était très poli. Il me connaît depuis que je suis toute petite, j’ai toujours acheté mon pain chez lui. Désormais, je dois faire le tour de la ville pour trouver un morceau de pain et c’est pareil pour tous les aliments. Dans le métro, je n’ai le droit de me déplacer que dans la dernière rame et de toute façon pour aller où ? On n’a plus le droit de voyager.

   Je n’ai plus d’amis, il ne me reste que ma famille.

   Pourquoi ? Quel problème y a-t-il à être juif ?

   Suite à cette dénonciation, nous avons finalement décidé de déménager et de changer d’identité pour que personne ne sache que nous sommes juifs. 

   Je sais que quelques jours après notre départ précipité, la Gestapo a débarqué dans notre appartement vide… » 

Malheureusement, le suite du journal reste introuvable. Je me demande ce qui est arrivé à Judith, à sa famille qu’elle dit avoir perdue.

Pourquoi être aussi cruel , pourquoi tant de haine ?

Trop de question sans réponse. J’ai montré ce fragment du journal  de Judith à mon professeur d’Histoire.  Il m’a expliqué beaucoup de choses par rapport à cette époque, il m’a dit  que des millions de personnes ont vécu la même histoire que Judith, qu’elles ont dû faire des sacrifices, abandonner leur vie d’avant. Il m’a aussi dit qu’après avoir vécu toutes les discriminations évoquées par Judith, il y a eu plus grave encore.  Les nazis  ont emmené des convois entiers de personnes dans des  camps de concentration ou même d’extermination… Ils  devaient travailler très dur, affamés, battus… Et  s’ils n’étaient plus aptes à travailler, on les dirigeait vers des chambres à gaz .

Sous le joug des nazis, l’inégalité  et l’injustice étaient des principes.

Mon professeur m’a expliqué que l’idée européenne est née d’un désir de paix et de solidarité entre les peuples, afin justement d’éviter qu’un épisode similaire ne se reproduise  sur le sol européen.  Savoir vivre ensemble  et s’unir pour faire face à d’autres puissances bien  plus grandes que la France, c’est ce qui doit être notre objectif commun aujourd’hui encore.

Sofia Abbassi, 4°C

Collège Rosa Bonheur, Bruges 

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