Nouvelle-Aquitaine : les TER jouent la séduction


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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 04/06/2020 PAR Romain Béteille

Depuis le 2 juin, certaines lignes ont déjà retrouvé leurs fréquences normales : c’est le cas de Bordeaux-Arcachon (50 trains par jour), Bordeaux – Langon (29), Bordeaux – Agen (26), Bordeaux – Saint Mariens (22), Bordeaux-Périgueux (22) et Bayonne – Saint-Jean-Pied-de-Port (16). Le tout avec des mesures sanitaires dans les gares et les trains : nettoyage et désinfection par des prestataires, parois vitrées dans les guichets, masques et gel hydroalcoolique en vente dans les distributeurs et commerces de nombreuses gares et traçabilité des horaires de désinfection en cabine, de chaque côté du train pour les plus soucieux. Sur ce dernier point, la SNCF confirme que ces données existent numériquement mais ne sont pour l’instant utilisée qu’en interne et pas (encore ?) pour le grand public.

Offres tous azimuts

L’objectif pour la SNCF comme pour la région est clair : dissiper les doutes et faire revenir les gens dans les trains, alors que la fréquentation de ces derniers jours reste encore frileuse (environ 20% par rapport à une période normale). « Les conditions sont réunies pour reprendre les transports », a martelé ce jeudi 4 juin le vice-président de la Région Nouvelle-Aquitaine en charge des transports, Renaud Lagrave. « L’enjeu de cet été et de la rentrée, c’est d’éviter que les gens ne reprennent la voiture. Toutes les conditions de sécurité sanitaires pour reprendre les transports publics dans cette région sont réunies ». Pour cela, la collectivité et la SNCF comptent bien jouer la carte de la séduction tarifaire. D’abord en gelant l’augmentation annuelle des tarifs, comme d’autres régions l’ont déjà fait (au hasard : Auvergne-Rhône-Alpes) ; en abandonnant, jusqu’à fin juin, les frais de remboursement des billets en cas d’annulation (jusqu’à la veille du départ) et en ayant déjà fait un geste pour les abonnés en leur offrant les mensualités d’avril et mai (et un avoir de 50% de la mensualité de mars, versée en juin, pour les abonnés mensuels).

300 000 billets à moins de dix euros seront aussi proposés cet été pour circuler dans toute la région. Les nouveaux arrivants ou ceux qui auraient envie de s’offrir une « escapade » pourront bénéficier d’une future application mobile qui indiquera tous les sites touristiques régionaux accessibles en TER mais aussi d’un pass du même nom. Ce dernier sera valable du 1er juillet au 30 août, offrant le voyage aux moins de douze ans (jusqu’à trois enfants accompagnant un adulte) et sur deux formules : un ou deux jours, pour des tarifs allant de 8€ (Rochefort-La Rochelle) à 39€ (Limoges-Bordeaux) l’aller-retour. Autre initiative, plus massive : des abonnements de TER seront valables pour la même période pour voyager dans toutes les autres régions de France (hors Île-de-France en raison de la situation sanitaire). Enfin, les moins de 28 ans pourront bénéficier de deux offres : la première, estivale (à partir du 17 juin pour des circulations à partir du 1er juillet), consiste en un pass mensuel ou hebdomadaire avec 30% de réduction par rapport à un pass abonné tout public. Dès la rentrée, ce pass -28 ans deviendra annuel (en vente du 28 juillet au 10 août et utilisable à partir du 1er septembre). L’idée derrière est, là encore, évidente : fidéliser les nouveaux jeunes clients. Les bacheliers, du 26 juin au 28 août, pourront bénéficier d’un billet spécifique à 1€ valable sur une journée sur une destination au choix, montant symbolique reversé à une association caritative. 

Un ticket, un sticker

L’opération d’extension nationale via un pass à 29 euros mensuels pourrait en tout cas être considérée comme un premier pas vers une volonté affichée par la Région d’aboutir à un pass de transports unique valable sur tous les réseaux de transports de Nouvelle-Aquitaine. « On va déployer, sur certains réseaux, la vente par smartphone (via l’application dédiée Modalis, qui va prochainement accueillir des solutions de co-voiturage) de tickets de bus, on a déjà mis en place des billets groupés TER et réseaux urbains (sur Bordeaux, Poitiers, Brive/Tulle, Limoges/Guéret, Châtellerault, La Rochelle, Saintes et Rochefort) et des billets interchangeables avec le réseau TransGironde. « L’objectif reste le billet unique », a confirmé Renaud Lagrave, sans préciser de calendrier précis, même si le « M-Ticket » est toujours annoncé, selon Nouvelle-Aquitaine Mobilités, pour « courant 2021 ».

La période sera quoi qu’il en soit stratégique : avec 63 000 voyages quotidiens et un trafic régional en hausse de 10% depuis 2017, pas question pour la région de perdre cet élan. « Je veux qu’on retrouve cette augmentation, pour ça il faut retrouver la conscience des usagers, des abonnés et de ceux qui sont encore hésitants ». Ces derniers doivent savoir que la règle d’un siège sur deux, pour respecter la distanciation sociale (visible par la pose de stickers dans les trains, comme dans les réseaux de transports urbains), sera « progressivement assouplie », comme le précise Hervé Lefèvre, directeur régional de la branche TER à la SNCF. « On préfère que les gens se répartissent mieux dans le train plutôt qu’ils soient agglutinés sur les plateformes, c’est plus protecteur au niveau sanitaire. Des agents de contrôle vont d’ailleurs commencer à conseiller aux gens de s’asseoir côte à côte, à partir du moment où ils portent un masque. À partir du 15 juin, on enlèvera progressivement les stickers ».

Le ferroviaire dans le rouge 

Enlever les stickers, et donc les barrières à l’utilisation du train (dans les deux sens) est le but avoué d’un Renaud Lagrave alarmiste, notamment dès qu’il s’agit d’aborder la question de l’impact financier réel de la baisse de fréquentation due au confinement, mais aussi à la mise en place de ce nouveau protocole sanitaire, notamment du nettoyage quotidien des rames, qui se chiffrerait « en millions d’euros ». « On fera les comptes dans une période où on sera en mesure d’évaluer tous les impacts, mais ce n’est pas qu’un débat néo-aquitain. Au niveau des Régions de France, on est en train de consolider des chiffres sur l’impact économique région par région. Il faut que ce soit un débat entre les régions, l’État et SNCF. Il ne peut y avoir d’un côté les réseaux de transports urbains à qui on compenserait le versement mobilité et de l’autre, ceux qui s’occupent des territoires ruraux qui ne reçoivent rien de la part de l’État, ce qui n’est pas admissible. Il y aura donc prochainement un moment de vérité », a précisé l’élu.

Questionné sur l’impact éventuel que ces pertes, financières comme en termes de fréquentation, sur la convention d’exploitation signée fin 2019, notamment sur les pénalités (jusqu’à trois millions d’euros par an) demandées à la SNCF en cas de non-atteinte de l’objectif d’accroissement de la fréquentation (de 3 à 4% par an d’ici 2024), Renaud Lagrave en ménage un pour accabler l’autre. « On est dans une catastrophe industrielle, notre convention est une toute petite goutte d’eau par rapport à la somme dont on parle. La question de l’avenir des transports publics est posée. Des réseaux de transports urbains seront en faillite en septembre ou octobre parce qu’il n’y a ni recettes ni versement mobilités, le nôtre est aussi en danger. La prise de conscience n’est pas tout à fait sur le dessus de la pile, mais il va falloir qu’elle y revienne. La convention, ce sera à la fin qu’on s’en parlera. D’abord, on doit savoir comment l’État considère les transports publics dans ce pays ».

La perte des réseaux de bus, métros ou tramways a été estimée à « au moins 4 milliards d’euros en 2020 » par Thierry Mallet, président de l’UTP (Union des transports publics). Pour ce qui est des trains, le bilan dressé par le nouveau président de la SNCF, Jean-Pierre Farrandou, le 20 mai dernier devant la commission du développement durable de l’Assemblée Nationale, était tout sauf rassurant, avec des pertes évaluées à deux milliards d’euros fin avril. La Fnaut (Fédération nationale des associations d’usagers des transports), l’évaluait plutôt entre trois et quatre milliards d’euros en date du 2 juin. Si plan de relance il y avait, il n’a en tout cas pas encore été annoncé par le gouvernement, à l’inverse du plan de soutien à Air France ou encore à la filière automobile. Ces offres estivales n’ont donc rien d’innocent : elles comptent clairement sur les usagers pour renflouer des caisses qui se vident à vue d’œil. Tout comme pour les trains, une crise peut en cacher une autre…

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