Les Etats Généraux des Migrations en Gironde pointent « des faits inacceptables »


Aqui.fr
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 15/04/2019 PAR Joël AUBERT

En préambule à cet après-midi, à la fois grave et déterminée, Aude Saldana-Cazenave coordinatrice régionale de Médecins du Monde et Karine Traissac de Réseau Educations Sans Frontières (RESF) ont rappelé que les inititaives n’ont pas manqué depuis le printemps de 2018, l’édition 2019 prenant une importance d’autant plus grande qu’elle survient depuis l’entrée en vigueur de la loi en janvier, avec, déjà, tout ce que l’on observe sur les conditions faites aux migrants dans les centres de rétention « Nous avons préparé cette assemblée avec des groupes de travail ; nous n’avons pas la prétention de remplacer l’Etat mais de le mettre devant ses responsabilités. » Et s’il est un motif majeur de différend avec ses services, c’est assurément le durcissement d’une loi qui affichait la volonté de conjuguer « humanité et fermeté ».

Un mot clé: « externalisation »

Dans une première table ronde, animée par Bernard Broustet, délégué régional de Médecins du Monde, le durcissement des politiques migratoires a été mis en évidence. Il semble loin, comme l’a rappelé Broustet, ce temps de 2015 où l’image d’un garçonnet mort sur un rivage de Méditerrannée avait ému l’Europe et une chancelière allemande qui allait ouvrir, en grand, les portes de l’Allemagne aux migrants…

Aloys Vimard, coordinateur de Médecins sans Frontières, à bord de l’Aquarius aujourd’hui désarmé, est venu témoigner du « changement radical » de politique de l’Europe, intervenu en 2017, sous la pression notamment de l’Italie et de son ministre de l’intérieur Matteo Salvini. Un mot domine désormais dans le vocabulaire des Etats « externalisation », c’est à dire renvoi notamment vers les côtes lybiennes, des migrants qui ne disparaissent pas en Médierranée, ( leur nombre aurait augmenté de 10% les trois premiers mois de cette année) . Une politique qui, a aux yeux des humanitaires, a un prolongement insupportable : la criminalisation des ONG. Et de rappeler les propos tenus par Christophe Castaner, ce 5 avril, accusant comme son homologue italien, les ONG de complicité avec les passeurs.

Droit d’asile: l’humanisation recule

Au demeurant il est une autre forme de durcissement qui, aux yeux des associations, ne cesse d’être constaté : l’examen des demandes de droit d’asile. Lucile Hugon, de l’Association de soutien aux travailleurs immigrés, l’ASTI, qui est juge assesseur à la Cour Nationale du droit d’asile, a témoigné des conditions quotidiennes faites aux demandeurs : «  Désormais avec la banalisation des audiences par vidéo, ceux-ci ne peuvent pas croiser le regard des juges ; c’est le temps de la déshumanisation et on a la sensation de participer à un véritable abattage» L’objectif est d’accélérer l’examen des dossiers car il n’y a pas assez de places dans les centres de rétention. Ce constat amer vient recouper, ici et là, l’attitude sans concession des représentants de l’Etat à l’égard de gens, jeunes en particulier, certes en situation précaire mais qui avec l’aide des associations avaient fait des rééls efforts pour s’intégrer : ainsi en est-il de Drita un jeune albanais, depuis plusieurs années en Gironde, qui maîtrisait le français au point de réaliser des traductions et et qui s’est vu refuser, le 29 janvier, par le préfet Lallemend une demande de titre de séjour du fait « d’activités non qualifiantes ». Brigitte Benayoun, rappelant son parcours et la sincère volonté du jeune homme, est venue témoigner, des sanglots dans la voix que Drita, pour lequel une demande de recours hiérarchique a été déposé auprès du ministre de l’intérieur, de ce que vit Drita, désormais dans la clandestinité.

Lettre ouverte aux élus

Autre témoignage empreint d’une forte émotion, celle de Laurent Joubert, enseignant à l’école Fernand Buisson de Bègles qui, faisant référence à la Déclaration des Droits de l’Enfant du 20 novembre 1959 a, avec ses collègues, adressé une « lettre ouverte » (1) aux élus, rappelant que des enfants scolarisés doivent faire parfois plusieurs kilomètres, depuis les squats où ils ont trouvé, avec leurs parents refuge, pour rejoindre l’école. » Des situations pour cet éducateur dont nombre d’autres sont consignées dans le livre des faits inacceptables, diffusés à l’occasion de ces Etats Généraux de Gironde. De ce rassemblement girondin très dense, on retiendra aussi plusieurs initiatives dont celle de l’Association des Villes et Territoires accueillants présentée par M. Bourdon et Sylvie Cassou-Schotte, élue de Mérignac, qui vont à la renconre des maires pour leur apporter du soutien, la présentation de la « Campagne sur les idées reçues » par Nadia Benslimane de Médecins du Monde, intéressante réflexion pour « faire émerger un nouveau discours sur la place des personnes issues des parcours migratoires dans nos sociétes », un rappel des enjeux des prochaines élections européennes pour les migrants, les Etats Généraux au niveau national mettant en avant douze engagements présentés aux candidats « pour une politique migratoire européenne solidaire favorisant la paix dans le monde »


1. « lls se prénomment Anastasia, Eljion, Elisha, Jona, Erdion, Haniel, entre autres. Ce sont nos élèves. Nous les côtoyons tous les jours dans nos classes. Nous les voyons tristes, malades, parfois même ils ont faim. Nous voyons leurs parents inquiets. Ces mêmes parents qui parfois osent se confier à nous, souvent en larmes. Ils viennent à l’école, tous les jours. Ils sont sérieux, tout comme leurs parents. La trêve hivernale étant finie depuis le 1° avril, de nombreuses familles de l’école sont concernées par des expulsions à venir, certaines sont déjà à la rue.

Nous les aidons. Nous rédigeons des justificatifs. Nous militons pour certains d’entre nous au RESF. Nous les aidons à trouver un logement. Parfois nous parcourons Bègles ou les alentours à la recherche d’un squat. Nous faisons des collectes pour quelques nuits d’hôtel. Nous leur trouvons des couvertures ou de la nourriture. Nous les hébergeons chez nous, avec nos propres familles, dans notre foyer. Nous leur permettons de prendre une douche à l’école. Nous sommes prêts à les accueillir jour et nuit dans l’école si besoin. Nous sommes en 2019, en France et nous sommes Enseignants de l’Éducation Nationale. Et nous sommes en colère »

Partagez l'article !
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
On en parle ! Gironde
À lire ! SOCIÉTÉ > Nos derniers articles