Quand le polar fait société à Lormont


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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 03/03/2016 PAR Romain Béteille

Ambiance de roman noir depuis le mois d’octobre au lycée Élie Faure de Lormont, qui fait partie de la zone de sécurité prioritaire rive droite de la métropole bordelaise. Pour la deuxième année consécutive, l’Observatoire de la police a proposé à des lycéens de seconde issus de 16 établissements un concours de nouvelles policières, qui récompensera les cinq meilleures propositions d’ici la fin de l’année. Cet observatoire, qui traite des relations entre la population et la police, a voulu proposer ce projet expérimental, qui comprend une multitude de sous-projets et de rencontres avec des officiers de police et de gendarmerie.

Il a été mis en place l’an dernier par un délégué du préfet, Ludovic Armoet, et une professeur de lettres au lycée lormontais, Catherine Matarranz, qui reste assez épatée du succès de l’opération et de la participation de onze établissements supplémentaires par rapport à l’an dernier, ce qui n’était pas gagné d’avance. « On n’a pas lancé d’appel à candidatures, les 16 établissements se sont déclarés volontaires par le bouche-à-oreille. Au départ, personne n’y croyait. C’est le délégué du préfet qui a appelé la DAAC pour demander si un prof de lettres pouvait s’en occuper. Ca n’intéressait personne et très honnêtement, ça ne m’intéressait pas vraiment non plus. Je l’ai donc fait au début un peu à reculons. Le fait que ça marche, c’est lié aux personnes qui s’en occupent. Cette année, je le fais parce que ça m’aère l’esprit. Ce qui est très dur dans l’éducation nationale, c’est le fait d’être dans un vase clos. Ce concours, ça donne de l’air. En tant que projet pédagogique, on peut travailler en équipe ». 

Une classe, plusieurs objectifsMattéo, qui fait partie de la trentaine d’élèves de la classe de seconde investie dans le projet, donne quelques détails sur le processus de cette année, centré autour du thème de l’art dans le roman policier. « On est en train de terminer la nouvelle », affirme-t-il. « On travaille avec une documentaliste qui nous a fait faire un atelier théâtre et un policier qui écrit aussi des romans, nous fait par de son expérience et nous donne des conseils ». Cet atelier, qui fait en fait partie d’une option littérature et société, mobilise les élèves de Catherine Matarranz à raison d’une heure trente par semaine. Il mobilise aussi des policiers volontaires, qui interviennent dans les classes, notamment autour du « point de vue que peuvent avoir les adolescents sur un crime », nous dit Léa. La nouvelle finale n’est qu’un des buts de la finalité du projet.

« Ma méthode, c’est de répartir la classe en missions. Au départ, on réfléchit ensemble à l’écriture et c’est ensuite un petit groupe qui s’y consacre. D’autres font l’illustration de la première de couverture, écrivent des articles de presse dans le journal du lycée, certains élèves écrivent pour le site ou animent un atelier lecture. Il reste quelques élèves qu’on a du mal, l’an dernier ils étaient un peu plus motivés. Mais je pense qu’on a quand même réussi à accrocher à peu près tout le monde », déclare-t-elle. « Au début, j’ai eu du mal mais aujourd’hui, ça me plaît. On s’organise en plein de missions différentes, on trouve tous quelque chose qui nous plaît à faire », nous dit Mattéo. 

Changer une image En partenariat avec d’autres professeurs de l’établissement, les élèves participent aussi à des modules autour des portraits robots, des relevés d’empreintes ou un travail sur l’histoire de l’art. Seule contrainte : une seule classe par établissement. C’est l’occasion pour la prof de lettres d’apporter des connaissances sur cette littérature polar, mais l’initiative a surtout un intérêt sociétal : elle vise à changer durablement l’image de la police dans les établissements scolaires et les quartiers réputés « difficiles ». « L’an dernier, les élèves et les professeurs se retournaient quand des policiers arrivaient en uniforme. Cette volonté d’améliorer l’image de la police, de renouer des liens, apparemment, ça fonctionne. », nous affirme Catherine Matarranz.

Pour autant, celle qui pilote le projet depuis le départ ne nie pas avoir une classe difficile, mais assure tout de même « avoir réussi à investir à peu près tout le monde ». Ce que confirme le directeur de l’établissement, Frédéric Ruchti : « ce que j’essaye de distiller de manière parfois informelle, c’est que le regard qu’on a sur nos élèves ne doit pas être déterminé par leurs difficultés. Il faut faire comme si. On ne peut pas abaisser nos exigences simplement parce qu’on pense qu’on a un public différent. Ce n’est pas parce qu’il y avait un problème de civisme particulier au sein de cet établissement que cette action a été menée ».  

Une initiative remarquéePreuve que l’initiative intéresse au delà des murs : le conseil régional a octroyé une subvention de 1500 euros pour cette action jugée innovante et une petite équipe va réaliser un mini-film avec les étudiants, jouant avec des personnages emblématiques de la littérature policière. Les policiers, tous volontaires, s’investissent aussi et prévoient d’installer un atelier «scène de crime » dans les prochaine semaines. L’aspect littéraire n’est pas non plus en reste : le mardi 15 mars prochain, le concours « En quête de nouvelles policières » se délocalise au Rocher de Palmer pour une journée de rencontre avec deux auteurs de polars : Olivier Norek, lieutenant de police à la section Enquête et Recherche de la Sous-Direction de la Police Judiciaire (SDPJ) en Seine Saint-Denis et Sébastien Gendron, auteur bordelais adepte d’un polar absurde et coup de poing. Les nouvelles seront quant-à-elles remises le 6 avril et soumises à un comité de lecture composé de parents, de professeurs et de policiers, avant d’être imprimées en recueil. Les cinq meilleures seront récompensées au sein du commissariat de Cenon d’ici à mai prochain. Plus qu’un simple concours, c’est donc un vrai projet pédagogique et de société que pilote ici l’Observatoire de la police, sur un territoire où leur métier n’est pas forcément réputé pour être une promenade de santé. S’il n’est encore qu’expérimental, le concours a au moins ce mérite : tenter, au travers de l’outil pédagogique, de changer les choses. 

L’info en plus : Catherine Matarranz et de nombreux autres invités seront présents lors de l’émission de radio Public/Médias et du débat qui suivra, organisé le 10 mars prochain à 18h30 à l’auditorium du Bois Fleuri de Lormont. Piloté par aqui.fr, l’Écho des collines, O2 radio et le Courrier de Gironde, il aura pour thème : « ZSP Rive Droite : quelles relations de proximité tissées entre la population, sa police et la justice ? ».  Entrée libre. 

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