Régions pilotes du premier dépistage néonatal génétique


Les bébés néo-aquitains seront parmi les premiers à bénéficier d'un dépistage néonatal génétique pour le traitement anticiper de l'amyotrophie spinale infantile.

Bébé à la maternitéShutterstock - Iryna Inshyna

Bébé à la maternité

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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 17/06/2022 PAR Solène MÉRIC

Amyotrophie spinale infantile. Le nom est barbare, la maladie, encore plus. Un cauchemar qui touche une centaine d’enfants par an en France. Les petits patients atteints de cette maladie génétique dans sa forme la plus grave, soit 60% d’entre eux, n’ont guère d’espérance de vie au-delà de leur 2ème année. Face à cette maladie rare qui annihile peu à peu la force musculaire, jusqu’à ce que les poumons et le cœur lâchent, des traitements existent. S’ils permettent la survie des enfants, ceux-ci conservent des handicaps souvent lourds, quand le dépistage n’est pas trop tardif pour pouvoir démarrer un traitement. Mais une révolution se prépare : une étude-pilote va être lancée en Nouvelle-Aquitaine et en région Grand Est à l’automne afin de permettre le dépistage génétique des nouveaux-nés de ces deux régions. Objectif : traiter avant que les symptômes n’apparaissent, et permettre une vie « normale » à ces enfants et leur famille.

Dans les maternités, le dépistage néo-natal n’a rien de nouveau : à chaque naissance, quelques gouttes de sang sont prélevés sur les bébés pour dépister six maladies dont la mucoviscidose, l’hypothyroïdie ou encore la drépanocytose. « Ce sont des analyses biochimiques qui permettent d’identifier les marqueurs biologiques de ces maladies », explique Christian Cottet, Directeur Général de l’AFM-Téléthon. L’idée est de permettre une prise en charge adaptée et immédiate pour le meilleur confort voire le soin possible du patient.

« Trouver la maladie chez des patients qui n’ont pas de symptômes »
La logique pourrait être la même avec le traitement de l’amyotrophie spinale infantile. La science et les études cliniques l’ont démontré : « Utiliser le traitement dans le premier mois de vie du bébé, avant l’apparition des symptômes, est la meilleure fenêtre pour conserver les enfants en bonne santé. Il faut donc trouver la maladie chez des patients qui n’ont pas encore de symptômes pour optimiser leur traitement », explique le Pr Vincent Laugel, neuropédiatre et responsable du centre de référence des maladies neuromusculaires à l’Hôpital Universitaire de Strasbourg.

Problème, l’amyotrophie spinale infantile n’a pas de marqueur biochimique à son stade précoce, et à la naissance, les bébés atteints sont généralement des bébés comme les autres, en bonne santé apparente. La seule manière de constater l’existence de cette maladie est « de rechercher la double mutation du gène SNM1 qui en responsable », explique Christian Cottet. En d’autres termes, procéder à un dépistage génétique néo-natal.

C’est ce dépistage, via une étude pilote, qui va être lancé pour la première fois en France à l’automne dans deux régions : le Grand Est et la Nouvelle-Aquitaine. « Et c’est vraiment une urgence, car sur environ 60 bébés SMA sévères de type 1 qui naissent chaque année, la moitié ne sont pas traités car dépistés trop tardivement », se désole le Directeur de l’AFM Téléthon, qui appuie, soulignant le retard de la France en la matière : « Dépistage néonatal et progrès thérapeutiques vont ensemble !».

Article 27 de la loi Bioéthique

D’autre pays ont en effet, déjà autorisé ces tests génétiques, et permis de « sauver » des enfants porteurs de la maladie, ou d’en amoindrir les effets délétères. En Belgique, c’est notamment le cas d’Oscar, 3 ans qui a pu bénéficier de ce test à sa naissance. « Oscar bouge dans tous les sens, c’est une pile électrique ! Il court et saute partout ! », décrit son père. « C’est un petit garçon plein de vie. La thérapie génique a changé le destin de notre fils », témoigne avec émotion sa maman.

Un genre de miracle de la science dont vont bientôt pouvoir bénéficier les familles françaises. La loi bioéthique de 2021 et son article 27 autorisent désormais le test génétique néonatal dans notre pays. Le résultat d’une forte mobilisation menée au premier titre par les familles d’enfants malades depuis les Etats-généraux de la bioéthique en 2018, souligne le Directeur général.

« Une analyse génétique simple et ciblée »
Concrètement, ce dépistage, « c’est une analyse génétique simple. Deux gouttes de sang supplémentaires seront prélevées sur le nouveau-né pour pouvoir mener cette analyse. Elle sera uniquement ciblée sur ce gène SNM1 et sa double mutation en cause dans l’amyotrophie spinale infantile. Rien d’autre. On n’ouvre pas la porte au séquençage ADN des bébés, comme certains ont voulu le faire croire ! Mais c’est une vraie révolution car c’est unique en France et ça veut aussi dire qu’on ouvre la voie au dépistage d’autres maladies par la génétique. On fait entrer ce dépistage dans les pratiques courantes de la médecine moderne » s’enthousiasme le Pr Didier Lacombe, généticien et coordonnateur du Centre Régional de Dépistage Néonatal Nouvelle-Aquitaine au CHU de Bordeaux, associé au projet.

Si l’efficacité d’un traitement pré-symptômatique n’est plus à prouver, l’étude pilote qui sera lancée à l’automne dans les deux régions test, vise à déterminer les conditions de faisabilité du test. Car le changement d’échelle est d’importance. « Dans les laboratoires d’analyses génétiques, on a l’habitude de travailler sur quelques échantillons. Là on ouvre le champ à un dépistage de masse puisqu’en Nouvelle-Aquitaine, on compte 110 000 naissances par an, et donc bientôt autant de dépistages. Il faut mettre en œuvre une réorganisation de nos laboratoires ».


Elargir au plus vite
Au niveau national, c’est 700 000 naissances par an… Passer à cette « échelle industrielle », cela demande des moyens, « de nouvelles organisations, des délais à respecter pour l’efficacité du traitement, une étude des coûts directs et induits, une mobilisation sur l’ensemble de la chaîne des maternités à la prise en charges des enfants, la bonne information auprès des parents… » énumère le Pr Laugel . Autant d’éléments que l’étude-pilote vise à mettre en œuvre, tester et améliorer durant 2 ans.

« Ces deux années vont nous permettre d’avoir un nombre suffisant de patients détectés et traités, estimé à 8 naissances par an et par région, soit environ 16 bébés. Mais nous avons aussi la volonté de ne pas trop attendre. Au bout d’un an, nous envisageons la possibilité d’associer, avec l’autorisation des autorités nationales, d’autres régions au dispositif pour élargir le plus vite possible cette possibilité de dépistage néonatal », précise le Pr Laugel.


Le dispositif est estimé à 4,8 millions d’euros soit 22€ par patient « en prenant en compte le coût de la recherche » lié à l’étude. Lorsque le dépistage sera inclus dans les activités de routine des médecins, maternités et autres intervenants, le coût par patient sera divisé « au moins par deux », estime les responsables.

 

 

 

Infos pratiques !

Si la France a été pionnière en matière de dépistage néonatal dans les années 70, elle accumule aujourd’hui un important retard par rapport à d’autres pays. Certains dépistent déjà plus de 15 pathologies (Autriche, Espagne, Islande, Hongrie, Portugal…), et d’autres ont déjà ouvert, fort de l’arrivée de traitements innovants efficaces et disponibles sur le marché, le dépistage néonatal génétique et notamment pour l’amyotrophie spinale. Parmis eux, l’Allemagne, l’Australie, la Belgique, les Etats-Unis, le Japon, le Québec…

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