Qui veut la peau des chevaux de trait ?


Des chevaux devant la Préfecture de région. Derrière l’image pas banale, les éleveurs d'équidés de travail alertent quant au gel soudain et incompris des subventions depuis un an. En jeu, la survie d'une filière en pleine reconstruction.

Des chevaux de trait devant la Préfecture de BordeauxSFET

Qu'ils soient équidés ou humains, les membres de la SFET ne sont pas passés inaperçus dans les rues de Bordeaux. Ici à leur point d'arrivée : la préfecture.

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 27/09/2023 PAR Solène MÉRIC

Viticulture, maraîchage, mais aussi randonnées en montagne, ramassage des ordures, voire transport scolaire ou sylviculture, les équidés de travail ont la cote. Au croisement d’une nécessaire transition environnementale et d’une image d’authenticité qui plaît bien, les chevaux de trait, ânes, mulets et poneys reconquièrent, un peu, de leur part de marché historique face à leur grand concurrent : le moteur. Si la grande famille des équidés de travail remonte la pente et parvient notamment à maintenir des races à faibles effectifs, c’est en grande partie grâce à la création de Société Française des Équidés de Travail qui fédère depuis 2012, 22 des 26 races qui la composent.

Des concours de race onéreux

Cette SFET, créée sous la bénédiction du ministère de l’agriculture a en effet pour mission d’encourager l’élevage, de favoriser la formation et la valorisation des équidés de travail. « Depuis 2012, grâce à l’appui constant des pouvoirs publics, financier en particulier, explique son président Thierry Trazic, nous avons été accompagnés pour mettre en place des réformes internes à la filière, destinées, par exemple, à l’amélioration de nos races, toutes menacées, et à la promotion de nos savoir-faire à l’international.»

Au-delà de l’image bucolique du cheval au champ, c’est « la vente d’animaux vivants à l’export, principalement vers le Japon, pour la consommation de leur viande qui tirent économiquement ces races », précise Pierre-Yves Pose, éleveur d’ânes des Pyrénées dans les Pyrénées-Atlantiques, administrateur de la SFET dont il a été un des fondateurs, et par ailleurs président de la Fédération nationale des conseils des équidés.

Soutenus par ce débouché export de la viande chevaline, le nombre de naissances, ainsi que les prix des animaux ont augmenté. Une qualité reconnue de l’élevage français dont l’organisation de concours de races reste un élément important de son dynamisme. Ces concours permettent en effet de stimuler l’excellence des races, tout en étant un lieu d’affaires essentiel à leur développement. Mais pour leurs organisateurs, « ils coûtent chers à mettre en place » et sont donc financièrement soutenus par la SFET.

Menace sur la filière

Oui mais voilà, depuis un an, l’organisme n’a pas touché les subventions promises par l’État lui permettant de mettre en œuvre ce soutien. Une bagatelle de 960 000 € dont le manque fait cruellement défaut et inquiète. Une subvention d’environ 500 000 € dédiée aux activités de promotion menées par la SFET est également en suspens. 

Conséquences de cette suspension : « Les organisateurs de concours ne peuvent être remboursés des frais qu’ils ont engagés depuis des mois, et met la SFET dans l’impossibilité financière de participer à de nombreux salons professionnels notamment le Salon de l’agriculture ».

C’est à croire qu’il y a une volonté de faire disparaître la SFET

Au-delà de la remise en cause des concours d’élevage, c’est plus globalement l’équilibre entier de la filière qui est menacé, souligne à l’unisson les présidents de ces races d’équidés. « C’est à croire qu’il y a une volonté de faire disparaître la SFET, et de ramener la filière dans sa situation d’avant 2012 où éparpillée et mal gérée, elle était en train de mourir », s’étonne avec eux Pierre-Yves Pose. C’est bien cette crainte mêlée de colère et d’incompréhension que les acteurs de la filière sont venus exprimer ce mercredi à Bordeaux, en remettant à la préfecture un courrier destiné au Président de la République, « puisque le Ministre et ses services ne sont pas au niveau ».

Incompréhension sur les griefs

Depuis un an en effet, le président de la SFET, les représentants de races, des éleveurs, organisateurs de concours, mais aussi des élus, parlementaires et élus locaux, ont multiplié les courriers pour tenter de comprendre les griefs retenus à l’encontre de la SFET pour justifier cette suspension des subventions qui s’est en parallèle doublée d’un contrôle sur les finances de la SFET. « C’est un audit non contradictoire de la SFET mené par l’IFCE, Institut français du cheval et de l’équitation et qui porte sur des périodes qu’il avait déjà contrôlées et validées », pointe désabusé Pierre-Yves Pose.

Thierry Trazic, président de la SFET remet le courrier adressé au président de la République à propos de l’incompréhension de la filière face aux positions du ministère de l’Agriculture de bloquer les subventions de la SFET

De quoi beaucoup agacer les professionnels. « La SFET a répondu à toutes les questions portées à sa connaissance par l’IFCE et le Ministère, mais les subventions sont toujours bloquées », regrette Thierry Trazic. Seule évolution : « la caractérisation des griefs retenus à l’encontre de la SFET qui, en moins de deux mois, sont passés « d’anomalies graves » à « irrégularités de comptabilité », d’après les dernières déclarations de l’IFCE et du Ministre de l’agriculture », pointe-il. Un « rétropédalage », dans la gravité des accusations qui passent en quelque sorte « d’une quasi accusation de détournement de fonds des élus, à une erreur commise par un salarié. Mais nous ne savons toujours pas pourquoi », traduit Pierre-Yves Pose.

Il est hors de question de régler ça en catimini

Entendant l’argument que ces subventions sont vitales à l’ensemble de la filière, le ministère propose désormais de verser directement les subventions aux organismes de sélection des races pour qu’ils les rétribuent aux organisateurs de concours. Une procédure plus complexe qu’il n’y paraît, voire impossible à mettre en oeuvre, selon les administrateurs de la Sfet et les organismes de sélection eux-même. Impossible comptablement, matériellement mais aussi en termes de ressources humaines: ces structures sont pour la plupart des associations travaillant avec des bénévoles. Pour ne rien faciliter, « les concours de race peuvent compter plusieurs races dans un même concours, et les organismes de sélection ne connaissent pas tous les organisateurs qui sont très nombreux », éclaire Pierre-Yves Pose. Un mur de difficultés techniques et pratiques, alors que la SFET s’est équipée d’un logiciel tout exprès pour la gestion de ces subventions à l’échelle de la filière.

« Le ministère semble chercher une sortie honorable et par la petite porte au problème qu’il a lui-même créé, mais pour nous il est hors de question de régler ça en catimini. Cela fait des mois que nous demandons à comprendre ce qui nous est reproché. » Et une question simple : « 11ans d’efforts de la filière vont-ils être anéantis en un an ? »

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4 Comentaires

4 commentaires

  • Jean luc, le 19/11/2023 à 19h14

    Il y a clairement des anomalies financières avec des mélanges nauséabonds. Des exportations d’équidés mal suivies sanitairement ont été couvertes financièrement par le Ministère. En clair l’argent public n est pas utilisé correctement.


  • Jacques, le 13/10/2023 à 08h57

    Quand l’état n’a plus assez d’argent, toute économie est bonne à prendre, surtout quand deux organisations ont des missions qui se « chevauchent » comme promouvoir ou encourager l’élevage équin, sans oublier la discrète réussite de Equid’Export qui pourrait susciter des jalousies.


  • Pluvinel, le 28/9/2023 à 12h10

    Le ministère de l’agriculture semble bien timide. Le système est-il organisé pour faire subventionner la vente à perte de chevaux qui prennent l’avion pour se faire tuer et manger par les ultra riches du Japon? Choc de civilisations et de sociétés.


  • sixtine watel, le 27/9/2023 à 21h33

    POUR les Chevaux de travail, mais CONTRE l’exportation pour la viande! STOP à l’hippophagie. Je pensais qu’on aimait nos chevaux.


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