A l’heure où le journalisme est dans tous ses états, où il suffirait pour certains qu’il ne devînt, à l’heure d’Internet, purement et simplement que l’addition de réactions et de témoignages, ceux de Villers et Guillebaud (photo Lettres d’Aquitaine N° 76 juillet 2007) rappellent à quel point le métier de journaliste dolt aux rencontres, à la lecture, à la passion de l’écriture, même quand on est une voix de radio exceptionnelle comme l’est celle de Claude Villers. L’Homme marche sur la Lune en 1969: Villers est correspondant de la RTF à New York, il a 25 ans et traduit ce moment historique » Un petit pas pour l’Homme un grand pas pour l’Humanité. » Jean Claude Guillebaud, journaliste à Sud Ouest arrive, à la même époque, à Saîgon, en pleine guerre; il y fait, par hasard la rencontre de Jean-Baptiste Etcharren, prêtre missionnaire. Celui-ci s’intéresse à ce jeune reporter originaire de sa région et lui propose de l’accompagner dans la petite voiture dont il vient de prendre livraison et avec laquelle il s’apprête à regagner sa paroisse à 1200 kilomètres sur le 17° parallèle. Jean-Claude enfilera une soutane et, déguisé en curé, franchira les barrages Viet-congs; il fera ce qu’aucun journaliste n’aurait jamais pu réussir dans les bagages de l’armée américaine: rencontrer des familles, des maquisards. Un reportage qui lui vaudra le prix Albert Londres en 1972. « Je le dois au curé Etcharren dit Guillebaud; cette histoire m’a enseigné que lorsqu’on fait des reportages, il faut prendre ses distances, travailler à l’écart du groupe. » Un conseil à méditer…
Du journalisme à l’édition
Au demeurant, il faut avoir la passion de l’écriture et de la lecture, ce que le jeune Claude Villers avait compris, de bonne heure, lisant entre deux combats de catch, à l’occasion de ses tournées en France, jusqu’à ce que la rencontre de Jacques Chancel décide de sa carrière. Le grand reportage, même au « Monde », ne parvenant pas à étancher sa soif de récit et d’analyse, Jean-Claude Guillebaud avec la complicité de Jean Lacouture a prolongé l’un d’eux au lendemain de la guerre du Kippour, en écrivant « Les Jours terribles d’Israël »; ainsi commençait vraiment une oeuvre d’écrivain, d’essayiste, qui devait déboucher sur l’édition au Seuil et à Arléa…
Cet entretien passionnant fourmille d’autres détails et avis qui éclairent sur la qualité de deux parcours et introduisent une réflexion sur l’avenir du livre et les incertitudes de l’édition. A lire absolument. A découvrir aussi dans ce numéro d’autres entretiens, celui de Marie Ndiaye par Claude Chambard à propos de son dernier roman dont elle a eu l’idée « en marchant dans Bordeaux que j’ai toujours vue, confie-t-elle, comme une ville oppressante, incertaine; celui de Jean-Paul Michel directeur des éditions William Blake à Bordeaux, d’Isabelle Blin nouvelle directrice de la bibliothèque muncipale de Bayonne qui a, notamment, l’ambition de la mettre en réseau avec celles de Biarritz et Anglet, approche logique dans cette communauré d’agglomération dynamique du Pays basque.
J.A
Leurs derniers livres: Claude Villers: « Parigot, tête de veau: la mémoire amoureuse d’un Parisien chez Denoël; Jean-Claude Guillebaud: « Comment je suis redevenu chrétien » chez Albin Michel. ARPEL: www.arpel.aquitaine.fr