Primeurs : quand le climat s’invite aux dégustations


Comme chaque année, la place de Bordeaux reçoit acheteurs, négociants, dégustateurs et journalistes du monde entier pour faire découvrir le millésime de l’année précédente toujours en cours d’élaboration. Cette année compte un invité surprise: le gel

dégustations lors des primeursLaura Pargade | Aqui

L'heure est aux primeurs et à la dégustation dans le chai du Château La Dominique à Saint-Emilion. Des primeurs marqués par la menace du gel, historiquement c'est une première.

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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 23/04/2024 PAR Laura Pargade

Elena Aroztegui est responsable du marketing du Château la Dominique à Saint-Emilion, et, comme chaque année, les primeurs vont être un moment intense. La propriété accueille des dégustations dans ses chais, pour ses vins et d’autres, avec une ambition commerciale affirmée : « 70% des ventes du millésime doivent se conclure à l’issue de la semaine », annonce Gwendeline Lucas, directrice générale.

Depuis quelques années, les dégustateurs sont choyés avec l’évènement des Primeurs Etoilés : chaque jour, un chef Michelin différent propose un plat signature au restaurant « La Terrasse Rouge » installé au-dessus des chais. « C’est intéressant de découvrir le vin en train de se faire, c’est comme la préparation d’un plat, on a l’impression de faire le même métier » souligne Henri Dudognon, qui officiait le premier jour des primeurs en remplacement de son père Gilles Dudognon, chef étoilé non loin de Limoges.

La menace du gel en pleine semaine des primeurs, c’est vraiment une première ! 

Le même métier à cette nuance près qu’Elena et le reste de l’équipe du château avaient les traits tirés, et le stress des notes attendues des dégustateurs n’explique pas tout. Cette nuit, en raison du risque de gel, ils étaient tous dans les vignes, afin d’allumer des bougies de cire végétale afin de réchauffer l’atmosphère et limiter les dégâts du gel. « On en dispose tous les 2 mètres environ, puis on active des éoliennes dédiées à cet effet pour faire circuler un courant d’air légèrement plus chaud, explique Yann Monties, Directeur technique du Château. Parfois cela ne suffit pas, mais c’est encore la meilleure solution d’urgence. Tout le monde participe, même ceux qui travaillent habituellement au bureau. C’est très fédérateur, mais aussi fatigant, et en pleine semaine des primeurs, c’est vraiment une première ! ».

bougies antigel dans les vignesLaura Pargade

Les bougies de cire végétale, sont disposées entre les rangs, tous les deux mètres environ,
afin de réchauffer l’atmosphère et limiter les dégâts du gel.

En cause, la précocité de la vigne qui est déjà en fleur, avec plus d’un mois d’avance par rapport à ce que les générations précédentes expérimentaient : cela rend la plante d’autant plus sensible à un gel qui de son côté est de plus en plus tardif.

Le changement climatique est déjà à l’œuvre, avec des conséquences dramatiques pour les viticulteurs qui n’ont pas la possibilité de mettre en œuvre des solutions de prévention.

éolienne dans les vignes bordelaiseLaura Pargade

En complément des bougies, l’éolienne permet de faire circuler un courant d’air plus chaud dans les vignes afin de gagner quelques degrés contre le risque de gel.

« C’est de plus en plus complexe et technique de faire du vin dans ces conditions, renchérit Yann Monties. Le millésime 2023 que nous faisons déguster pour ces primeurs en est une excellente illustration. Des menaces de gel comme maintenant, un refroidissement important en juillet, il avait fallu rester vigilants et mobilisés pendant toute la période pour pouvoir intervenir rapidement. Au final on est d’autant plus fier de notre travail et du résultat ».

Si on plante la vigne comme il y a 20 ans, dans 10 ans elle est morte

Et le climat compte bien s’inviter aux primeurs toute la semaine : la menace de gel s’étend en effet jusqu’au week-end, donnant à voir aux professionnels du vin non viticulteurs le revers de la médaille et la
réalité des conditions de travail dans ce contexte d’aléas climatiques. Une incitation pour toute la filière à la réflexion sur ces questions. Le directeur technique confirme : « Nous avons fait un audit technique l’année dernière afin de déterminer ce qui peut être fait très concrètement sur ces questions, notamment en anticipation. Il y a beaucoup d’options techniques, notamment au moment de la plantation, et il nous faut maintenant décider ce que l’on va mettre en œuvre et ce qui est le mieux adapté pour nous. Mais une chose est sûre, si on plante la vigne comme il y a 20 ans, dans 10 ans elle est morte ».

Jusqu’à la fin des primeurs, la Dominique et la Terrasse Rouge continuent à accueillir les grands chefs comme Michel Sarran, Christian le Squer, ou Stéphane Carrade, en espérant que le gel, lui, ne s’invitera pas à cette semaine déjà chargée.

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