La Catalogne (II): Le référendum prévu le 9 novembre agite la classe politique


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Publication PUBLIÉ LE 20/05/2014 PAR Pau Dachs

Le mardi 8 avril, 86% des élus à la Chambre des députés espagnole ont rejeté une proposition du Parlement catalan qui demandait de déléguer à la Catalogne la compétence de convoquer un référendum d’autodétermination. Celui-ci serait non contraignant, bien qu’une négociation doive se produire entre l’État et la Catalogne suite au référendum, pour transformer le résultat en « réalité juridique », affirmait la proposition.

Les deux partis majoritaires au Congreso, le Parti Populaire (PP) –qui gouverne avec une majorité absolue– et le Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE), ont été décisifs. Leurs 295 députés, sur un total de 350, ont voté en faveur du « non », en soulignant que la Constitution empêche le référendum et qu’il s’agit d’un sujet qui concerne la totalité des espagnols. Ils ont reçu l’appui d’autres groupes avec peu de poids politique à la chambre. Toutefois, parmi ceux-ci il y a l’UPyD, une formation antinationaliste qui aujourd’hui est la quatrième force politique à la Chambre de Deputés, mais qui a descendu à la cinquième position lors des récentes élections européennes. 

CiU, le parti nationaliste catalan de tradition de centre-droit et au gouvernement régional depuis 2010, a voté en faveur de la proposition, avec l’appui des nationalistes basques, galiciens et aragonais. Dans le même sens de la votation, d’autres appuis sont remarqués. D’un côté, le groupe de la Gauche Plurielle, où on retrouve IU, parti historique de la gauche et le troisième en nombre de voix dans l’ensemble de l’État.

De l’autre côté, l’ERC, un parti de tradition de gauche et indépendantiste, qui maintenant est à la fois l’allié de la CiU en Catalogne et son sérieux rival pour lui disputer la majorité politique. En fait, lors des élections au Parlement Europeen ERC a ramporté la majorité des voix en Catalogne pour la première fois en démocracie. Toutes ces formations ont revendiqué que le texte constitutionnel permet la tenue du référendum et ont défendu le « droit à décider » des catalans. Il a été souligné, en plus, que le processus pour décider l’avenir des catalans est « irréversible ».(Pour connaître en bref le contexte historique, les derniers mouvements sociaux et les stratégies politiques récentes en Catalogne, voire la premier partie de l’article sur le context du souverainisme en la région).Date et questions prévuesCette détermination des souverainistes semble sérieuse du moment où ils ont fixé la date et la double question du référendum avant de demander une autorisation à Madrid. A la mi-décembre 2013, le président du gouvernement catalan et les représentants des autres trois partis favorables à la consulte d’autodétermination –ces quatre forces ont 87 sur 135 élus au Parlement catalan, presque les deux tiers– ont annoncé que celui-ci aura lieu le 9 novembre 2014, et qu’il posera les suivantes questions : « Voulez-vous que la Catalogne soit un État ? Dans l’affirmative, voulez-vous que cet État soit indépendant ? ».

La formule de la double question ouvre la porte à ceux qui souhaitent une Espagne fédérale ou confédérale, en votant « oui » à la première question et « non » à la seconde. L’option fédérale a été notamment défendue chez le PSOE et sa filiale catalane, le PSC, qui ont convenu en juillet 2013 de défendre la réforme de la Constitution pour y fixer un statut fédéral. Toutefois, le fédéralisme n’a été pas une revendication historique du PSOE, comme l’a signalé le politologue Daniel Guerra Sesma au journal numérique eldiario.es. En plus, le PP n’accepte pas cette option, et il peut empêcher la modification de la Constitution avec sa majorité absolue au Congreso.

En tout cas, les socialistes s’opposent au référendum proposé par les souverainistes, ce qui a provoqué la prise de distance d’un secteur du PSC. Les socialistes catalans souffrent d’ailleurs d’une grave crise de résultats, relégués à la troisième positon en nombre d’élus au Parlement catalan, et ils ont perdu le pouvoir à la Mairie de Barcelone en 2011 en faveur de CiU pour la première fois en démocratieCritiques

Manifestation contre les coups budgétaires en politiques socialesEntre les deux dernières législatures à la région, CiU a négocié paradoxalement avec le PPC (le PP catalan) les budgets régionaux de 2011 et 2012 (ce dernier prorogé en 2013), qui ont introduit de profondes réductions sociales. Cette année, ERC a accepté de négocier un budget avec CIU en contrepartie à la convocation du référendum. Ces comptes ne prévoient pas des nouvelles réductions des dépenses publiques, bien qu’ils fixent des revenus d’un montant de 2 Mds3 d’euros en privatisations et mises en concessions diverses.

Pour cela, le gouvernement régional a été accusé par certains secteurs de cacher la réduction en prestations publiques avec le plan du référendum, tandis que la large couverture du sujet souverainiste par les médias publics a été aussi remise en cause. La réponse de CiU a été de remarquer que ses politiques ont été la conséquence des objectifs de déficit imposés par Madrid et également du manque de financement à la région de la part de l’État.
Future à moyen termeEn revenant au présent, à la sortie du débat sur le référendum au Congreso, les partisans de la consultation sont en train de créer une loi catalane pour organiser la consultation du 9 novembre. Pourtant, le président catalan, Artur Mas, a admis qu’il pense à des élections régionales comme l’alternative la plus probable : « S’il n’y a pas d’autre possibilité , nous transformerons le scrutin en référendum », a-t-il affirmé lors d ‘une interview au Figaro en avril.

Le scénario d’élections régionales n’est pas désiré par les autres partis qui défendent en ce moment le référendum. CiU a été historiquement un allié de la droite à Madrid. Son pacte avec José María Aznar en 1996 pour garantir l’arrivée du PP au gouvernement de l’État avec un meilleur financement pour la Catalogne en échange en est un exemple paradigmatique. En plus, la composition interne du parti de Mas (en réalité une fédération avec deux partis, l’un desquels plus proche à Madrid) empêche d’écarter des scénarios alternatifs au reférendum. 

Nouveaux acteursUn dernier donné remarquable est l’irruption de deux nouvelles formations politiques de gauche qui s’opposent clairement au statu quo économique et politique, et qui sont à faveur du référendum d’autodétermination catalan. D’un côté, la CUP, en Catalogne, une formation assembleaire, indépendantiste et fidèle à l’activisme de base. Depuis 2012, elle a trois élus au Parlement catalan, et les derniers sondages pronostiquent qu’aujourd’hui elle doublerait cette représentation (la CUP ne s’est pas présenté aux élections européennes). C’est l’une des formations qui a negocié la convocatoire du référendum.

De l’autre coté on retrouve Podemos, créé il y a cinq mois à peine, une enorme souprise lors des élections éuropéennes, en ayant obtenu 5 élus et 1,2 million de voix. Pablo Iglesias, leader de Podemos, a appuié la consultation catalane: « J’espère que les catalans pourront voter, et tout democrat doit respecter la décision de la citoyenneté de la Catalogne ».

Par contre, le parti Ciutadans, qui est arrivé au Parlement catalan en 2010 avec 3 élus et en a obtenu 9 en 2012, s’oppose de front au référendum et au nationalisme catalan. Lors des élections européennes, Ciutadans a obtenu 2 europarlamentaires et a été la huitième formation la plus voté à l’Etat avec 500.000 voix.
Europe et économieCe contexte politique implique sans doute aussi le débat sur la viabilité d’une hypothétique Catalogne indépendante, par rapport à son économie et ses possibilités de faire partie de l’UE. D’abord, en tant que nouvel État, elle ne ferait pas partie de la UE, et son admission dépendrait d’un processus de négociation pas facile pour les catalans, selon les affirmations répétées par Bruxelles.

Selon une étude du gouvernement espagnol, les exportations d’une Catalogne indépendante descendraient le 13%, c’est-à-dire, le 3,8% du PIB catalan. Selon cette même étude, le 45% des recettes « d’exportations » sont des ventes en Espagne. En revanche, la Chambre de Commerce de Barcelone affirme que, si la Catalogne serait admise dans l’UE, elle aurait d’abord un déficit du 2,4% de son PIB, mais, à long terme, des excédents du 7%.

A lire également : La Catalogne (I): la montée en puissance du souverainisme

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