L’opposition s’attaque aux finances


RB
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 18/10/2016 PAR Romain Béteille

C’est une première pour les groupes de l’opposition PS et EELV du Conseil muncipal de Bordeaux : ils se sont réunis pour déposer un recours ensemble (avant la fin de la semaine) auprès du tribunal administratif pour demander l’annulation d’une délibération datant de juin 2016 sur et portant sur le compte administratif de la ville pour l’année 2015. Dans ce bilan figure notamment un emprunt destiné, selon eux, à masquer un endettement de la ville de l’ordre de 44 millions d’euros. Alain Juppé aurait en effet inscrit des emprunts à venir d’un montant d’environ 49 millions d’euros dans la colonne des recettes, présentés comme des « restes à réaliser ». Hors, sur les deux emprunts en question effectués auprès de La Banque Postale et Arkéa, l’un a expiré le 26 janvier 2016 (celui de la Banque Postale qui est proposition de crédit) et la lettre du Crédit Mutuel (qui est un accord de principe) « ne préjuge pas d’une décision finale ni de l’offre définitive ». 

« Une situation financière intenable »

« Nous considérons que le maire de Bordeaux a mis la ville dans une situation financière intenable. Il n’aura pas d’autres choix que d’annuler des opérations dans les dépenses. Ce qu’on veut, c’est qu’il nous dise clairement quelles dépenses il entend sabrer, a ainsi déclaré Mathieu Rouveyre, documents en main ce mardi. « Nous ne faisons pas de juridisme, nous considérons simplement que c’est une question de principe. Nous voulons faire valoir le droit à l’information des élus, considérant qu’ils n’ont pas été respectés », a pour sa part ajouté Pierre Hurmic (EELV). Les groupes de l’opposition, avant de déposer ce recours, avaient envoyé une lettre au préfet de Gironde, Pierre Dartout, le 26 juillet afin de lui demander de saisir la Chambre régionale des comptes. Le 11 octobre, ce dernier a répondu : pour lui, il n’y a aucun lieu de saisir la Chambre. Pour lui, « un courrier de l’organisme prêteur s’engageant à octroyer un prêt à une collectivité peut servir de titre justificatif. Les crédits ainsi réservés peuvent être inscrits en restes à réaliser ». 

Un ratio d’endettement erroné ?

Autre erreur dénoncée par l’opposition ayant déjà fait l’objet d’une supension de séance houleuse en juin dernier : une erreur dans le ratio d’endettement. Concrètement, le ratio présenté était de 892,31 euros par habitant, soit 30% inférieur aux villes de taille comparable, dit l’opposition. Il aurait été oublié d’intégrer dans ce ratio les charges liées aux PPP (partenariat public privé) du stade Matmut Atlantique et de la nouvelle Cité municipale. « Après recalcul, nous arrivons à une dette de 1501 euros par habitant, soit environ 8%, ce qui crève les plafonds comparé aux autres villes. Ces nouveaux ratios, ont été donnés, mais le problème, c’est que le Maire ne les a pas intégrés aux documents qu’il a envoyé à la préfecture pour contrôle de légalité », poursuit l’élu socialiste. Les recettes de la commune ne couvrant plus les dépenses annuelles, elle ne pourrait pas emprunter davantage selon les groupes d’opposition. « Alain Juppé invente des recettes fictives pour masquer un fort endettement. Concernant ces prêts, rien n’a été signé, ce n’était que des lettres d’intention ». 

Une jurisprudence effective

Pour appuyer son discours et sa dénonciation d’une épargne nette négative, l’opposition municipale s’appuie sur une jurisprudence, un cas datant de 2006 portant sur la commune de Vidauban, dont le maire avait fait figurer un emprunt de plus de six millions d’euros dans le compte administratif. Le tribunal administratif de Nice avait jugé que l’emprunt en question n’avait rien de certain et la délibération avait été annulée, ce qu’espèrent ceux qui posent aujourd’hui ce nouveau recours. « On s’était demandé pourquoi Alain Juppé avait fait annuler le Conseil municipal de novembre, même si on avait tous dans la tête l’organisation de la primaire », précise Mathieu Rouveyre. « C’est traditionnellement, au moins depuis 1995, le mois au cours duquel nous débattons de l’orientation budgétaire. Depuis la loi NOTRe, les documents que doit fournir le maire sont beaucoup plus étoffés. On doit notamment avoir les soldes de gestion révélant la réelle situation financière de la ville. Il doit être débattu avant le vote du budget, hors on ne votera pas le budget cette année. Légalement, Alain Juppé peut le repousser jusqu’au 15 avril, mais c’est extrêmement rare dans une collectivité comme Bordeaux de ne pas voter le budget 2017 au moins à la fin 2016 parce que les conséquences sont importantes ». 

Un « hasard du calendrier »

Alain Juppé, lui, avait répondu à ce qu’il considérait comme une attaque politique de ses adversaires socialistes. « Il n’est pas question d’emprunts fictifs mais de dépenses reportées sur l’année suivante. Ce sont des emprunts que nous réalisons si nous en avons besoin. Les réaliser avant serait une trésorerie inutile. Ces dépenses ne sont pas encore payées, elles sont engagées mais pas décaissées », s’était-il justifié. En revanche, l’opposition socialiste et écologiste réfute toute tentative de déstabilisation du favori de la droite à la Présidentielle de 2017, favorisé de 42 %, (+3) des intentions de votes dans un baromètre Odoxa rendu public ce mardi 18 octobre. Mathieu Rouveyre parle même d’une « coïncidence du calendrier ».

Et ce n’est pas la seule. Ce mardi, BFMTV a présenté un document sans en-tête « établi par les proches de François Hollande » visant à contrer la candidature du maire de Bordeaux, ciblant son passé judiciaire et la dûreté de son programme économique. « Tu souhaites la victoire de la gauche en 2017. Tu la souhaites tellement que tu es prêt à aller voter Juppé à la primaire de la droite pour éviter Sarkozy. Mais pour que la gauche gagne en 2017, il faut que (son) candidat soit présent au second tour de la présidentielle », écrit notamment le courrier.  « Ca m’inquièterait que ce genre de dossier, qui est un problème juridique local, soit piloté depuis Matignon avec des arrières-pensées politiques. Le préfet, en période électorale, est peut-être juste un homme prudent », a spécifié Pierre Hurmic à propos de la lettre envoyée par Pierre Dartout le 11 octobre. Le prochain Conseil municipal, lui, devrait avoir lieu en décembre. La mairie, elle, s’est refusée à tout commentaire sur le recours, dont la décision finale est attendue dans les prochains mois. 

Partagez l'article !
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
On en parle !
À lire ! MÉTROPOLE > Nos derniers articles