TER : SNCF et la Nouvelle-Aquitaine prennent les armes


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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 18/06/2018 PAR Romain Béteille

« Reconquête »

Champ lexical guerrier au bras, SNCF Mobilités a détaillé ce lundi 18 juin un « plan de relance » estival pour « reconquérir abonnés et usagers », en pleine période de grève et d’oppositions encore frontales entre CGT, Sud Rail et le Gouvernement qui a vu son projet de réforme ferroviaire voté par le Parlement le 14 juin dernier. Au niveau national, la SNCF a déjà détaillé plusieurs annonces importantes pour le dédommagement des abonnés ayant subi les mouvements de grève de ces dernières semaines. Mais de l’aveu même de Philippe Bru, directeur régional de SNCF mobilités, « des mesures fortes ont aussi été prises au niveau régional ». Si les prévisions de trafic donnés par la SNCF prévoyaient 55% du trafic des TER assuré (même si une majorité devait s’effectuer en bus) et vingt allers-retours TGV entre Bordeaux et Paris ce lundi, il a fallu mettre les bouchées doubles en raison du premier jour des épreuves du baccalauréat : plus de 300 gilets rouges déployés dans 17 gares et une prise en charge coordonnée avec le Rectorat ont donc constitué le dispositif « Spécial Exams », qui concernait quelque 1,2 millions d’étudiants. La grève perlée, même s’il est difficile de la chiffrer précisément, aurait déjà coûté près de 400 millions d’euros à la SNCF. Au niveau régional, par contre, aucune estimation des pertes financières n’a pour l’instant été donnée, même si selon Philippe Bru, « on a perdu environ un tiers des clients sur les TER depuis début avril alors qu’on était sur une croissance à deux chiffres ». En Nouvelle-Aquitaine, le trafic des TER représente en moyenne 53 000 personnes par jour, et environ 20% de plus pendant l’été, des clients pour la plupart occasionnels que la forte tendance touristique fait bouger. Bref : on préfère rester prudent et miser sur cette fameuse « reconquête » de la clientèle locale.

Fondue des prix

Ce plan estival se déclinera donc autour de trois axes majeurs : « les prix, les services proposés et l’interconnexion au niveau du tourisme et des grands évènements régionaux ». Très concrètement, la SNCF a annoncé qu’elle allait proposer plus de 500 000 billets à prix réduits « dans les prochains jours » à partir de quatre euros (cinq euros, par exemple, pour un billet partant de Limoges en direction du Lac de la Vassivière). Les différents « pass » (dont un consacré spécialement au Fêtes de Bayonne), une réduction de 50% pour les moins de 28 ans, des palliers de 4 à 19 euros pour se déplacer « sur tout le territoire régional » et le tarif dégressif du voyage en groupe, baptisé « tribu », seront là pour aiguiller cette politique de prix à la baisse. Partenariat avec la région Nouvelle-Aquitaine oblige, la SNCF va même un peu plus loin. Notamment pour les bacheliers, qui bénéficieront d’une journée de gratuité sur tout le réseau (en fait, un aller-retour gratuit sur tout le réseau TER), mais aussi pour tous les abonnés annuels qui, chaque dimanche, pourront eux aussi voyager gratuitement pendant les mois d’été (juillet-août). Côté services, les usagers du train pourront découvrir notamment une « gare mobile », un mini-camion du genre « food truck » leur permettant d’éditer des billets et des cartes d’abonnements et de bénéficier d’une borne d’information supplémentaire. La SNCF annonce également le déploiement d’une équipe dédiée sur la ligne Bordeaux-Arcachon pendant tout le mois de juin et d’espaces dédiés aux vélos sur la ligne Hendaye-Bordeaux et d’une « navette vélo » à Arcachon (« les clients pourront récupérer leur vélo en gares de La Teste, Biganos-Facture et Bordeaux »). Enfin, le partenariat régional propose aussi des tarifs réduits pour se rendre à plus de 200 festivals en TER ou en cars régionaux (par exemple, sept euros pour un billet vers Marmande afin d’assister au festival Garorock). 

Enjeux économiques

Cet ensemble d’offres n’est évidemment pas altruiste. La SNCF ne s’en cache pas, le but est de « faire revenir les usagers vers le train » après les épisodes houleux et la baisse de fréquentation massive de ces derniers mois (le 3 avril dernier, on comptait seulement 16 TER sur 700 au niveau régional…). Mais l’entreprise veut rassurer : « on a été moins saisis ces derniers mois par les élus, les usagers ou les associations sur les lignes en grande difficulté ou sur des dysfonctionnements ». Reste que la Région assume, par le biais de 320 millions d’euros annuels flechés vers la SNCF et les TER, 77% en moyenne du prix d’un voyage. C’est aussi elle qui articule la politique de rénovation des lignes TER (notamment Libourne-Bergerac, à laquelle s’est aussi associé le département de la Gironde). La SNCF a donc tout intérêt à repeupler les trains régionaux, avant qu’un comité de ligne ne soit chargé d’orienter vers de nouvelles mesures d’ici l’automne. « On a décidé de reporter le comité de ligne. Vu le contexte, on n’a pas jugé utile de se réunir, d’autant que la loi d’orientation des mobilités votée à la rentrée va probablement rebattre les cartes. On est en train de réfléchir, lors de ce futur comité, sur un débat autour des transports interurbains, pour essayer de trouver une meilleure adéquation avec l’offre ferroviaire », précise Renaud Lagrave, vice-président de la Nouvelle-Aquitaine en charge des transports, par ailleurs directement acteur du SRADDET régional, notamment le volet consacré aux mobilités, qui vient d’établir son cadre règlementaire.

Si ce plan estival aura donc à charge de rendre le train à nouveau populaire (et faire fi des ralentissements sur les lignes, qui s’ajoutent aux trains supprimés où aux retards), c’est la rentrée qui devrait être scrutée de près par la Région, tandis que la SNCF annonce déjà travailler sur de nouvelles mesures et une politique tarifaire spécifique. C’est que cette dernière a tout intérêt à rester proche de la collectivité publique : la réforme ferroviaire, adoptée par le Parlement le 14 juin dernier, dessine déjà les préparatifs de la mise en concurrence des TER. Prévue pour débuter en 2019, son calendrier varie selon les régions selon un récent rapport  rédigé par l’ARAFER. Page 21, on peut en effet lire que l’échéance 2019 semble pour beaucoup un peu artificielle : on table plutôt sur fin 2023 pour les Pays de la Loire ou de fin 2022 pour Auvergne-Rhône Alpes. La Nouvelle-Aquitaine, en revanche, n’a pas encore statué. Questionné, Renaud Lagrave précise : « l’objectif pour nous, c’est de signer, peut-être en décembre prochain, une nouvelle convention avec la SNCF pour six ans. En 2023, qu’il vente ou qu’il neige, qu’on le veuille ou pas on va ouvrir à la concurrence. La table est mise, ne serait-ce que pour assurer un nouveau plan de transports au 1er janvier 2019. Après, on sait qu’il faudra à minima deux ans et demi, le temps de rédiger les DSP (Déclaration de Service Public) et d’organiser les formalités. De toute façon, même si ce n’est pas nous, quelqu’un devra préparer l’échéance dans le cadre conventionnel ». Pour Philippe Bru, même son de cloche : « on s’est mis dans la peau qu’il fallait s’y préparer. La pire des choses, ce serait de ne pas bouger pour la prochaine convention ». L’échéance de décembre devrait donc voir de nouvelles et importantes négociations émerger entre la Région Nouvelle-Aquitaine et SNCF Mobilités. L’étoile ferroviaire de Bordeaux et le Sud de l’Aquitaine semblent être des zones particulièrement tendues, qui pourraient pousser la Région à franchir le pas. En attendant cette échéance plus ou moins lointaine, il sera intéressant de voir si, au niveau de cette « reconquête » estivale sous forme de mea-culpa, les actions seront suivies d’effets sur la fréquentation des TER. Réponse, sans doute, à la rentrée.

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