C’est compter sans les autres : Hortense, Zoé, Philippe, Marcel, Shirley, surtout, l’amie flamboyante… C’est compter sans la ronde qui reprend autour d’elle, satellites de mille vies dans un univers muticolore. Et la vie redémarre, le torrent nous entraîne, tour à tour aux côtés de chacun des quatorze personnages que Katherine Pancol a fait naître dans « Les yeux jaunes des crocodiles », suivi dans « La valse lente des tortues » et qu’onaccompagne à nouveau dans ce troisième opus. Romans fleuves et source de plaisir : celui des retrouvailles avec desquasi amis, dont la vie nous ressemble tant, avec toutefois ce petit plus qui pétille et qu’on ne croise qu’entre les lignes.
Il est des personnages rebelles qui oublient de partir une fois la dernière page tournée. Pour le plus grand bonheur de ses lecteurs, Katherine Pancol s’est laissée prendre au jeu. Passé le tourbillon médiatique de la sortie des « Crocodiles » et des « Tortues », elle n’a pas refusé l’appel des héros. Jo et les autres avaient encore des choses à lui dire, et nous, de l’autre côté de la page blanche, nous avions encore beaucoup à dévorer. Et comme on s’immerge dans un film choral, les yeux grands ouverts sur ses multiples portraits vivants, au fil des pages, ici, on entre dans la danse avec le sentiment d’être à la fête. Une fête de famille, avec ses bonheurs et ses heurts, avec ses figures imposées et ses notes d’inattendu. Avec la grand-mère irascible qu’on éviterait bien mais qui est là, droite et revêche sous son grand chapeau, la cousine garce, les enfants mutins, les premières amours dissimulées, les succès, les dérobades, les angoisses, l’épaule qui console ou le regard qui cingle et humilie.
Une fresque bien vivante
Katherine Pancol, avec la patience d’une femme de cour au 12ème siècle, tisse pour nous l’étoffe d’une fresque bien vivante. Travail de longue haleine, mise en place de la trame où évolueront ses personnages. Katherine Pancol, avec l’acuité d’une femme d’aujourd’hui, pique notre curiosité, aiguillonne notre routine quotidienne, offrant à chacun un reflet d’une partie de lui-même, infime ou non mais qui sonne si vrai qu’on finit par se dire : « Et ma vie à moi, à quoi ressemble-t-elle ? ». Du coup, la dernière page tournée, le regard se fait plus avide, la force plus affirmée, on fonce, plus alerte, vers son propre destin, des images plein la tête, l’espoir au cœur. De là à en redemander, il n’ y a qu’un pas. Et si Jo tapait à nouveau à la porte ? On la suivrait, certainement. Voyage au long cours de sa vie qui nous ressemble tant.
Anne DUPREZ