Est-il raisonnable de penser que l’Histoire est poussiéreuse ? Non ! Et les éditions Aubéron dont la bannière claque fièrement au-dessus de la carrière éditoriale de bon nombre de romans historiques ne nieront pas l’attrait romanesque qu’offrent aussi les grandes fresques. Avec « Ao », tout autant qu’avec les deux tomes venus depuis enrichir son épopée, on plonge dans l’aventure avec un grand A. C’est dit !
Mais ce qui est fort, c’est de pouvoir y retrouver les éclats des luttes, errances et révoltes d’aujourd’hui. Comme si se battre pour exister, réagir face à ce qui pourrait paraître irrémédiable, pour subsister, n’étaient pas des attitudes nées d’hier. Les bouleversements climatiques (avant les gaz à effet de serre) qui forcent aux départs contre nature, une époque qui se meurt face au nouvel homme qui se dresse, une adaptation qui semble impossible… et pourtant « Ao » nous montre que la vie continue ; que les cycles s’enclenchent, nés de ceux qui ont précédé. Que malgré tout le monde est monde, même et surtout quand il semble se perdre.
L’Histoire est une grande aventure. Le talent de ceux qui la racontent, en y mêlant des destins d’hommes qui nous ressemblent, nous aide à avancer. Comme les mots et merveilles entendus le soir avant la longue traversée de la nuit, réceptacles de rêves et creusets des images de demain, encore à conquérir. La longue marche d’Ao nous transporte très loin. Et pourtant, c’est comme si nous respirions un peu du même air que lui. Comme si le vent de ses défaites portaient du même coup nos futures victoires. Comme si la roue du temps engageait toujours les mêmes luttes, mais menant l’Homme, chaque fois, un peu plus loin encore.
Et l’Histoire est loin d’être poussière, les origines loin d’être obscures. Ao, comme l’homme d’aujourd’hui, qu’il désespère ou manifeste, regarde le même horizon.
Anne DUPREZ