» Longtemps, Isabelle Lebec a partagé le monde rugueux et pastoral de ses parents et grands-parents, dans ce Sud-Ouest lumineux, celui des collines qui tourmentent et guident l’impétueuse Garonne. Les troupeaux de moutons, les vergers de prunes et de pommes, les jardins de fruits et de légumes. Et non loin sous ses pieds, Lascaux où courent sur les murs des hordes originelles de bêtes venues de la nuit des temps. La terre, la lumière et le ciel. C’est ce mélange intense qu’Isabelle jette sur sa palette. C’est pour cela que nous entrons dans ses paysages peints comme nous irions par les forêts, par les collines. Paradoxe ultime : nous regardons ses toiles, et soudain, nous pouvons fermer les yeux.
Oui, ici la rivière exhale ses joncs humides. Oui, le labour au loin transpire la chaleur de la pluie sous le soleil soudain réapparu. Oui, ici avec Isabelle, les paysages sont inspirés, comme elle le revendique, mais aussi respirés. C’est toute leur exceptionnelle force. D’un coup, nous voici transportés dans le monde entier, dans l’universel.
Mais alors pourquoi, dans ces œuvres, jamais la trace d’un homme, d’une femme? Nul besoin, tant cette nature n’est que culture, tant cette sauvagerie initiale est devenue une patiente et laborieuse géographie agraire, faite de chemins qui sinuent, de collines et de fermes qui se répondent. L’homme est passé par là, depuis des lustres. Mais où est-il depuis ? C’est la question que posent avec plus d’acuité encore les natures mortes d’Isabelle. L’humain est venu là, c’est sûr. C’est lui qui déposé là les nourritures terrestres. Mais quand ? D’aucuns y voient le temps suspendu. L’éloge de la disparition. Comme un monde à l’abandon. D’autres y décèlent le moment qui précède l’invitation. L’éloge de la tentation. Comme ces figues, ces pommes et tous ces fruits de la terre.
Isabelle le sait : c’est la permanence de l’humanité, contre le temps qui passe. »