Elle nous paraît bien calme, cette place de l’église monolithe, sans l’effervescence des terrasses de bars et restaurants qui l’occupent habituellement. Il en est un qui, depuis plus d’un an, profite du calme temporaire sous ses fenêtres pour imaginer ses nouvelles créations. Michel Ciotta, 30 ans, est artisan vitrailliste, un métier de plus en plus rare, qui compte moins de 500 représentants en France. Arrivé à Saint-Émilion en 2014, le jeune artisan d’art a réussi à faire son trou et fait découvrir ce métier ancestral, qui l’anime depuis bientôt vingt ans, aux touristes qui s’arrêtent dans son atelier.
Michel Ciotta ne pouvait rêver d’un meilleur écrin pour pratiquer son art. L’artisan vitrailliste a ouvert son cabinet de curiosités dans la cité médiévale de Saint-Émilion en 2014, alors âgé de 24 ans. Sept ans plus tard, Michel est toujours là, « motivé, avec le sourire des visiteurs qui me conforte dans ma voie ». Il faut dire que le parisien d’origine est tombé dedans très tôt. « J’ai découvert ce métier à onze ans, en visitant un atelier de la région parisienne, en voyant quelqu’un découper du verre. Je me suis rapidement dit que je voulais faire pareil », raconte-t-il avec un sourire timide.
« Pas goupillé comme je l’avais imaginé »
Dès le collège, le jeune Michel Ciotta a fait des stages dans des ateliers parisiens avant de suivre une formation de vitrailliste à 18 ans. Sa meilleure école ? Le terrain. « J’ai fait un tour de France des ateliers, ça a été la formation la plus importante et la plus enrichissante », affirme-t-il. Aujourd’hui, à 30 ans, il fait partie des (environ) 500 vitraillistes encore en activité en France.
À ses débuts, il était loin de se douter qu’il ouvrirait son propre atelier. « C’est un métier où il est compliqué de travailler. Beaucoup d’entreprises ont des apprentis ou des CDD, mais cela dépend de leurs chantiers, c’est dur de prévoir les besoins à l’avance », décrit Michel Ciotta.
L’artisan d’art est allé d’atelier en atelier. Il se souvient notamment d’un passage à Chartres. « C’est cette expérience qui m’a fait aimer ce métier. Il y avait un bel état d’esprit, une belle ambiance, cela me plaisait vraiment », se remémore-t-il. Michel Ciotta y a enchaîné deux CDD, puis un salarié est revenu d’un congé de longue durée. « Il n’y avait pas de place pour deux contrats, mon chef était aussi gêné que moi de la situation, ça a été très difficile humainement ». Le jeune homme a rebondi à quelques centaines de kilomètres de Chartres, en banlieue nantaise, avant de se rendre à Saint-Émilion. « Le Maire [Bernard Lauret, NDLR], voulait à tout prix installer un artisan dans ce local. Avec le vin, l’artisanat fait partie de l’essence du village. J’avais l’opportunité de donner un second souffle à ma vie professionnelle », sourit l’artisan d’art.
De la rénovation à la création
Passer de salarié à auto-entrepreneur, ça a été un chamboulement pour Michel Ciotta. « Avant d’arriver ici, je ne faisais que de la rénovation, notamment dans des cages d’escaliers, églises et cathédrales ». Le jeune homme a par exemple travaillé sur les cathédrales de Chartres, du Mans et de Valence, ou sur les vitraux des Invalides, à Paris. Maintenant, le jeune homme travaille seul, il n’a plus la possibilité d’assurer des chantiers de rénovation, faute de temps. Il se concentre donc sur la conception. En plus du vitrail, Michel Ciotta fait de la gravure sur verre et du Tiffany – procédé de teinture grâce à des bandes de cuivres rabattues sur des tranches de verre. Au-delà de commercialiser ses ouvrages, Michel Ciotta collabore avec d’autres artisans, souffleurs et fileurs de verre et vend leurs créations.
En ces temps quelque peu perturbés par le Covid-19, Michel Ciotta tient bon. « Je suis tombé amoureux du métier, je n’ai pas lâché l’affaire. Dans notre métier, nous sommes beaucoup de micro-entreprises, c’est difficile pour tout le monde ». Le jeune artisan reste toutefois optimiste. « L’artisanat a toujours été en vogue et a pu traverser les âges, je veux continuer à mettre des étoiles dans les yeux des visiteurs, c’est eux qui me font continuer ». Si les rues saint-émilionnaises sont désertées par les touristes étrangers, de nombreux girondins et néo-aquitains continuent toutefois de visiter la cité médiévale, qui plus est en ces beaux jours printaniers.