Les grands entretiens d’aqui.fr : Patrick Duval, programmateur du Rocher de Palmer à Cenon (33)


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Les grands entretiens d'aqui.fr : Patrick Duval, programmateur du Rocher de Palmer à Cenon (33)

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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 06/01/2011 PAR Thomas Guillot

Pour qui a déjà mis les pieds dans l’envers du décor des spectacles musicaux, les locaux sont gigantesques, bien agencés et laisseraient rêveur n’importe quel programmateur. C’est dans une salle de réunion où l’on pourrait caser tout le public de l’Heretic, que celui du Rocher de Palmer nous reçoit. Patrick Duval est un vieux routard, du genre à avoir commencé tout en bas de l’échelle, et 30 ans d’expérience dans l’organisation de concerts, notamment à Musiques de nuit, justifie aisément qu’il se retrouve à la tête de la programmation de ce lieu. Lucide, débrouillard avec les administrations en tous genres, mais toujours enthousiaste, il parle avec passion de son nouveau bébé.

Un centre de documentation « ouvert à tous »
Le Rocher de Palmer - CenonA commencer par le caractère unique de la salle, qui justement ne se cantonne pas à n’être qu’une salle de concert de plus. Patrick Duval l’a bien compris. Si Barbey a son école de musique, Le Rocher aura son centre de documentation et ses modules de découverte. « Patrick Labesse, qui dirige le centre, a vraiment travaillé sur cette question de modules, soit en proposant, soit en s’adaptant. Ça peut être sur la musique classique, la musique du Mali, la musique Klezmer… En deux mois on a une multitude de cas différents de gens qui ont fréquenté ce centre » Si ce résultat le surprend agréablement, il n’en était pas moins prévisible : « On est ouvert depuis deux mois, mais on a commencé le travail un an avant avec des concerts hors les murs, des ateliers, avec la convention Unesco autour de la diversité culturelle… Ce travail, on l’a fait autour de la population, mais aussi avec celles et ceux qui sont en contacts avec eux : travailleurs sociaux, éducateurs, animateurs, profs… » Au final un lieu qui se veut réactif avec l’actualité (La Coupe du Monde en Afrique du Sud ou bientôt l’année des Outre-Mers en France) et avec les besoins du public (« On a un enseignant qui est venu nous voir en nous disant qu’il travaillait sur les trois religions et Patrick a bâti très vite un module sur les chants sacrés »).

De la diversité pour contrer l’intimidation sociale
Le deuxième combat de Patrick Duval c’est bien évidemment ce qui touche plus à son champ de compétence : la programmation. « Il faut élargir le cercle limité qui va venir voir un concert de Sophia Hunger ou un orchestre de jazz. L’accessibilité n’est pas qu’une question de tarification, mais d’accompagnement. Ce lieu peut générer, comme dirait le ministère de la culture, « de l’intimidation sociale ». Ce n’est pas simplement réservée à l’Opéra de Bordeaux » La salle défend donc une programmation très ouverte dont le principal challenge est d’amener toute la population à la découvrir.
Et quand on lui demande si la venue de groupes très populaires comme les BB Brunes ou Sexion d’Assaut a à voir avec cette volonté, celui-ci acquiesce : « De temps en temps, c’est bien de montrer que le Rocher de Palmer n’est pas le lieu de l’élite culturelle. Les BB Brunes et Sexion d’Assaut font partie d’un champ musical qui doit avoir autant sa place ici autant que Cedric Tiberghien qui vient jouer Chopin. Je me suis battu pour que Sexion d’Assaut ne soit pas interdit et j’en suis fier. Et j’en suis encore plus fier quand je vois l’évolution du groupe ». Pour info, le groupe de rap qui avait été épinglé par le web et les associations LGBT pour avoir tenu des propos homophobes par le passé, s’est excusé, a censuré le texte incriminé et a accepté de participer à un débat juste avant le concert. Les artistes plus classiques espèrent même qu’il y ait des répercussions sur leur public mais comme Patrick Duval le dit bien : « Ça va prendre un peu de temps avant qu’il y ait des porosités entre genres musicaux mais on va y arriver ».

Des moments précieux
Soirée Ethiopiques avec Alemayehu Eshete, Selamenesh et le Badume's bandEn deux mois d’existence, même si ça lui donne parfois l’impression qu’il s’est écoulé un an, Patrick Duval ne rechigne pas à relater des anecdotes qui prouvent pour lui que le public s’approprie Le Rocher : « On a eu un centre de loisir qui nous a ramené des enfants à un concert du trio Biondini, Godard et Reijseger, qui joue pourtant une musique difficile d’accès. Les enfants avaient travaillé en amont dans le centre. Les animateurs leur avaient fait écouter et dessiner sur la musique. Et on a donc pu voir ces enfantsde quatre-cinq ans, avec leurs parents, en standing ovation. Comme on a affaire à des musiciens intelligents, ils ont vite vu qu’il y avait un public de néophytes. Pour autant, ils n’ont pas adapté leur musique. Mais ils ont compris qu’il fallait discuter, qu’il fallait encourager les gamins qui avaient fait l’effort. Quand on voit ça, on se dit qu’on a gagné ». La salle axe donc beaucoup sa communication sur les nombreuses rencontres entre l’artiste et le public. Et quand on lui demande si la fréquentation des concerts suit, il répond honnêtement : « Ce qu’on peut constater, c’est que la crainte que j’avais personnellement, d’avoir moins de public parce qu’on est sur la rive droite, n’était pas fondée. Je me suis renseigné pour comparer les scores de Sophie Hunger dans les autres villes, où elle jouait intra-muros dans des structures similaires. Elle a fait moins de monde qu’ici. Ça veut dire qu’il n’y a pas d’effet repoussoir parce qu’on est sur cette rive-là et qu’il y a plutôt un effet attractif parce que c’est un nouvel équipement ».

Prendre possession du bâtiment
Pour ce qui est de l’emplacement, qui pourrait paraître problématique, les gens qui ont travaillé sur la conception du Rocher de Palmer ont pensé à tout : « Il fallait un équipement fort avec un vrai projet architectural pour la rive droite, pas la salle des fêtes du village. On a été attentif aux petits détails, à l’accueil, à l’acoustique… La taille de la salle s’adapte au public et il y a même un restaurant abordable tenu par un chef étoilé. Quand il y a autant d’exigences de tous les côtés, un lieu comme celui-là peut accompagner la transformation de la rive droite ». Un projet sans équivalent dans la région pour une salle spécialisée.
« Au début, fin juillet, quand on est venu s’installer ici, j’étais pas fier. J’étais pas intimidé mais inquiet. J’ai mesuré ce qu’on avait sur les épaules en venant poser mes affaires ici. Et là d’un coup, j’ai eu très peur, simplement en disant « est-ce qu’on va y arriver ? Est-ce qu’on va se planter ? Est-ce que le public va suivre ? » On est quand même sur la rive droite… Toutes les questions normales qu’on se pose ». Si ensuite, il s’est senti libéré au moment de l’inauguration, le véritable démarragea été un peu plus difficile avec une faible affluence pour le premier concert. Une crainte qui partira vite dès le deuxième, presque complet. Et un enchainement très intense de spectacles s’en suivra. Une décision inconsciemment stratégique qu’il finit par avouer : « Organiser beaucoup de concerts, c’était une manière de prendre possession du bâtiment ». Pour le moment si Le Rocher s’est surtout concentré sur son lancement, Patrick Duval n’exclue aucun partenariat avec d’autres salles : « On veut travailler avec tout le monde. On n’est pas dans un esprit de concurrence ».

Plus d’infos sur le site du Rocher de Palmer
Photo : aqui.fr, BTuA, Christian Richters – Tous drois réservés

Thomas Guillot

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